Quelles mesures adopter?
Bonnes résolutions
Vous vous lancez alors à la recherche de mesures préventives à appliquer au quotidien afin de protéger votre enfant. L’Etat et l’Europe n’ayant pas publié de recommandations officielles, vous vous rendez à un congrès de l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales), une des associations organisées pour médiatiser ce problème de santé publique et fournir des conseils aux familles.
Lors du congrès, vous partagez votre expérience avec des parents ayant vécu des expériences similaires. Ils vous conseillent et vous orientent vers des collectif de praticiens qui pourront vous donner des conseils spécialisés tels que le Groupe de Pédiatrie Générale (GPG). Ils vous proposent également de vous enquérir des recommandations de praticiens indépendants telles que la règle du 3-6-9-12 de Serge Tisseron.
Cependant, malgré tous vos efforts pour appliquer à la lettre les conseils des praticiens, votre enfant continue à présenter des symptômes inquiétants, en particulier une difficulté à se concentrer et des résultats scolaires en baisse, à tel point que vous vous voyez à nouveau convoqué par les l’enseignant de votre enfant. Celui-ci vous conseille alors d’appeler la ligne d’assistance “Net Ecoute” financé par le Safer Internet France, application française du Safer Internet Program créé par la CE.
Encouragé par des praticiens à votre écoute, vous rendant régulièrement aux évènements organisés par l’INAF et consultant régulièrement le Safer Internet Forum, vous parvenez peu à peu à aider votre enfant à développer une relation raisonnée aux écrans.
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Si la communauté scientifique diverge encore concernant la nature et l’ampleur de l’impact des écrans sur le développement des enfants, elle s’accorde néanmoins sur l’existence d’un impact du visionnage précoce d’écrans et préconise donc la mise en place de mesures préventives.
"Il faut limiter le temps d’exposition au maximum avant deux ans mais les écrans sont partout et on ne peut pas les supprimer”
Cependant, la nature même des restrictions à établir fait l’objet d’une seconde controverse : du “pas d’écran avant trois ans” préconisé par Serge Tisseron [35] puis repris par le Conseil supérieur de l’audiovisuel [site] dans une campagne de 2018 à la vision plus nuancée de Grégoire Borst, selon qui “il faut limiter le temps d’exposition au maximum avant deux ans mais les écrans sont partout et on ne peut pas les supprimer”, les mesures proposées font l’objet de désaccords d’une part concernant l’âge d’introduction aux écrans et le temps d’exposition quotidien et d’autre part autour de l’accompagnement des parents auprès des enfants.
Débat #1: Les écrans à quel âge? Pour quelle durée?
Désaccords déjà au niveau des recommandations officielles : les mesures publiées par les directions de santé publique et associations de pédiatres varient d’un pays à l’autre. Si les Associations canadienne et américaine de pédiatrie ainsi que les Académies des Sciences, de Médecine et des Technologies en France s’entendent sur la nécessité de limiter les écrans chez les jeunes enfants, chacune donne ses propres recommandations.
♣ Au Canada, la Société canadienne de pédiatrie, les Directives canadiennes en matière de comportement sédentaire et la direction de santé publique de Montréal s’accordent à dire que les écrans sont à bannir avant 2 ans dans la mesure du possible.
♠ Aux États-Unis, l’Académie Américaine de Pédiatrie se montre un peu plus nuancée : une exposition à cet âge est envisageable pour des applications de clavardage vidéo telles que Skype ou FaceTime. Elle recommande toutefois de n’introduire les écrans dans le quotidien de l’enfant qu’après ses 2 ans.
♦ En France, c’est jusqu’à 3 ans que les 3 Académies préconisent de « ne pas mettre à disposition des enfants laissés seuls les écrans sous toutes leurs formes ».
♣ La Société Canadienne de pédiatrie conseille de limiter le temps de visionnage à une heure par jour pour les enfants de 2 à 4 ans et 2 pour ceux de plus de 4 ans, tous appareils confondus.
♠ L’Académie Américaine se montre cette fois-ci plus exigeante, en recommandant de se tenir à la limite des 1 heure jusqu’à 5 ans et de choisir des émissions et applications “de grande qualité” tout en accompagnant l’enfant pour qu’il comprenne ce qu’il voit à l’écran.
♥ Les deux académies s’accordent sur le fait que les parents doivent s’assurer que les écrans ne remplacent pas d’autres activités essentielles au développement de l’enfant comme le jeu libre, le sommeil, le sport ou les activités sociales.
♣ Les directives Canadiennes restent fidèles à la limitation des 2 heures par jour pour les enfants de 5 à 11 ans.
♠ L’Académie Américaine de Pédiatrie ne donne pas de limite chiffrée après 6 ans mais recommande aux parents de limiter le temps passé sur les écrans et les médias.
♦ Les Académies Françaises déconseillent quant à elles l’achat d’écrans personnels de 4 à 10 ans car il est difficile de réguler leur usage. Tout comme l’Académie américaine de pédiatrie, elles préconisent un usage “ritualisé” de ceci, d’une part pour “apprendre à l’enfant à attendre” et d’autre part pour éviter l’exposition à certaines périodes de la journée, comme au coucher.
Débat #2: Quelle démarche éducative?
S’il n’existe pas de consensus au sein de la communauté scientifique et médicale concernant l’âge d’introduction des écrans et les temps d’exposition, les praticiens s’accordent à dire qu’une démarche éducative est nécessaire lors des premiers rapports aux écrans.
De ce côté-là, parallèlement aux recommandations officielles, nombreux sont les praticiens et particuliers à avoir pris la plume pour faire part de leurs recommandations personnelles plus ou moins extrêmes. Bien que les mesures d’apprentissages qu’ils préconisent découlent toutes des mêmes grands principes, tous ne placent pas les priorités au même endroits.
Le point de vue des scientifiques: une approche théorique
Contrôler et éduquer pour limiter le temps de visionnage
Citons tout d’abord la référence en matière d’écrans en France : Serge Tisseron, docteur en psychologie et psychiatre. Selon lui, les grandes règles de l’éducation aux écrans se basent sur le système des “trois A” (alternance, accompagnement et apprentissage de l’autorégulation).
D’une part, l’accompagnement des enfants est nécessaire pour leur apprendre à réguler d’eux-même le temps de visionnage : «L’enfant ne doit pas «grignoter» des écrans toute la journée, il faut lui donner une contrainte de temps et une tranche horaire». La meilleure méthode pour aider les enfant dans cette démarche d’auto-régulation réside selon lui dans la proposition d’activités annexes : «Les ludothèques regorgent de jeux fantastiques et le dessin est aussi un formidable support du développement de l’enfant».
Mais Serge Tisseron est surtout reconnu pour la règle phare en matière de régulation du visionnage des écrans chez les enfants : la règle du 3-6-9-12 : pas de TV avant 3 ans, pas de console de jeux avant 6 ans, pas d’Internet avant 9 ans, pas de réseaux sociaux avant 12 ans.
Ces conseils visent ainsi à limiter le temps passé devant les écrans, indépendamment de la qualité des programmes, car «tout le temps passé devant un écran avant 3 ans écarte l’enfant d’apprentissages fondamentaux à son avenir». Serge Tisseron peut ainsi être considéré comme le porte-parole de tout un ensemble de praticiens adhérant à la thèse selon laquelle l’objectif premier de la démarche éducative est de limiter le temps de visionnage.
Contrôler et éduquer pour mieux filtrer
Cependant, pour d’autres scientifiques tels que Grégoire Borst, l’objectif premier de l’éducation aux écrans doit être la sélection et le filtrage du contenu visionné par l’enfant.
En effet, selon le professeur de Psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation, ce ne sont pas les écrans qui posent problème, mais le contenu auxquels ils donnent accès. «Deux dessins animés ne vont pas avoir les mêmes effets sur le développement de l’enfant. Par exemple, une étude a montré que les Télétubbies ont un impact négatif sur l’acquisition du vocabulaire, tandis que Dora l’Exploratrice serait bénéfique».
Et donc, il se montre plus nuancé que Serge Tisseron concernant les interdictions à appliquer, dans la mesure où l’enseignement et la qualité des écrans visionnés doit primer à tout âge selon lui.
Contrôler et éduquer pour mieux accompagner
Mais Serge Tisseron, Grégoire Borst et la quasi-totalité des praticiens s’accordent à dire que l’accompagnement est nécessaire pour créer un lien avec l’enfant.
D’une part, discuter avec lui permet par ailleurs de compenser l’absence d’interactivité des enfants avec les écrans : «Même si les écrans peuvent apprendre des choses aux enfants, ils ne leur donnent pas la capacité narrative, c’est-à-dire la capacité de raconter. Or c’est en parlant qu’on apprend à parler» souligne Serge Tisseron. «C’est une façon de s’intéresser à l’enfant, de recréer du lien», complète Grégoire Borst.
Les conseils de Sabine Duflo
Sabine Duflo, psychologue clinicienne fait elle aussi le choix du concret en dégageant de son expérience des conseils concrets à appliquer au quotidien autour de la règle des 4 pas:
- Pas d’écrans le matin
- Pas d’écrans durant les repas
- Pas d’écrans avant de s’endormir
- Pas d’écrans dans la chambre de l’enfant
Le point de vue des parents: des conseils pratiques
Enfin, de plus en plus de parents abordent le problème de façon plus concrète que les deux psychologues en témoignant de leur expérience et proposent des conseils pratiques.
Souvent, leur expérience leur a d’ailleurs prouvé que l’interdiction totale des écrans pour les jeunes enfants proposée par Serge Tisseron est illusoire.
4 conseils d'un père concerné
- Installer des moteurs de recherche adaptés à l’âge de l’enfant (potati ou kidoz pour les moins de 7 ans par exemple)
- Définir des règles claires d’accès à internet
- Installer une session par utilisateur avec des codes d’accès fiables
- Installer le contrôle parental
Les recommandations officielles
Du côté des recommandations officielles, l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) [33] et le GPG (Groupe de Pédiatrie Générale) [site] préfèrent elles aussi aux interdictions des conseils pratiques autour des trois axes suivants :
- La prise de conscience de ses habitudes
- La réduction du temps passé devant les écrans
- La protection des contenus inadaptés