Chronologie de la controverse sur
le sel
1972 Dahl et coll., Étude clinique écologique
et animale en faveur d'un lien sel - pression artérielle.
1973
Gleibermann et coll., Revue de 27 études écologiques suggérant
une relation linéaire directe entre sel et pression artérielle.
Lillian Gleibermann - anthropologue à l'Université du Michigan-
Les études épidémiologiques dites " écologiques
" sont celles au cours desquelles les
chercheurs comparent les apports sodés des populations indigènes
ayant peu ou pas d'hypertension ou de maladies cardio-vasculaires (les
indiens Yonomamo du Brésil par exemple) à ceux des populations
des sociétés industrialisées. Inévitablement,
les populations indigènes avaient peu ou pas d'apports sodés,
à l'inverse des populations des sociétés industrialisées.
Tandis que les Yonomamo mangeaient moins de 1 g de sel par jour, par exemple,
les japonais du Nord en mangeaient 20 à 30 g (les plus forts apports
au monde), en association avec un
plus fort taux d'accidents vasculaires cérébraux.
Ce résultat a amené les chercheurs à postuler intuitivement
un argument Darwinien en faveur de la réduction sodée :
les humains évoluaient dans un environnement pauvre en sel, dans
lequel ont survécu ceux qui étaient les mieux adaptés
à la rétention du sel. Cette caractéristique aurait
été préservée alors que nous vivons à
présent dans un environnement où les apports sodés
sont abondants. Dans cette logique, les apports appropriés en sel
seraient ceux des sociétés primitives - quelques grammes
par jour - tandis que toutes les sociétés
industrialisées qui en consomment davantage payent cet excès
sous forme d'accidents cardio-vasculaires et cérébraux.
Le défaut de cette théorie, c'est qu'elle ne prenait en
compte que la moitié des résultats. L'autre moitié
des résultats - ceux qui ne corroboraient pas le modèle
- émanait d'études
intrapopulation. Les études intrapopulation comparaient les apports
sodés et la pression artérielle dans un groupe de population
- les hommes de Chicago, par exemple - et
invariablement ne montraient aucune relation entre consommation de sel
et pression artérielle. Parmi ces études intrapopulation
négatives, on peut trouver une étude sur plus de 20.000
Américains, conduite par le Centre National de Statistiques de
Santé dans les années 80.
Aucun de ces deux types d'études n'a cependant été
capable de donner une réponse définitive. Les études
écologiques étaient certainement les moins correctes d'un
point de vue
scientifique, et les épidémiologistes leur accordent aujourd'hui
peu de crédit. Le défaut potentiel des études écologiques
est toujours l'existence de variables autres que celle testée,
qui peuvent différer entre les deux population et expliquer l'effet
mesuré. Les populations qui consomme peu de sel, par exemple, consomment
aussi moins de calories, et mangent davantage de fruits, de légumes
et de produits laitiers ; elles sont aussi plus actives, les gens sont
plus minces, consomment moins d'alcool
et sont enfin moins industrialisés.
Chacune de ces différences ou une certaine combinatoire de ces
différences pourrait être responsable d'une pression artérielle
basse. Les indigènes ont aussi tendance à mourir plus jeunes
de maladies infectieuses ou traumatiques, note Epstein, alors que dans
les sociétés industrialisées on vit suffisamment
longtemps pour mourir d'une affection cardio-vasculaire.
Il est aussi très difficile de savoir dans les études écologiques
ou intra population comment mesurer précisément la pression
artérielle moyenne - qui varie de façon importante d'un
jour à l'autre - ou encore comment mesurer les apports sodés
moyen, qui varient tout au long de la vie. Les premières études
écologiques étaient basées sur des présomptions
d'apports sodés
plus que sur des mesures.
1979
Cooper, Stamler et coll., Etude intrapopulation de plusieurs centaines
d'enfants scolarisés suggérant une relation " pas entièrement
négative " entre sel et pression artérielle.
1979
Simpson
D'après lui, les rats de Dahl (1973) ne deviennent hypertendus
qu'en recevant l'équivalent de plus de 500 g de sel pour l'homme
- " probablement hors du champ de la comparaison "-.
1984
McCarron et coll., Analyse suggérant que le sel est sans danger
et que le calcium et le potassium protègent contre l'hypertension.
université de Portland
1988
Tungstel Pedoe, Smith et coll., (SHHS Scottish Heart Health Study) Étude
de 7300 hommes écossais ne trouvant aucune relation entre apports
sodés et pression artérielle.
Les résultats du suivi à dix ans ont été publié
en 1998 : les apports sodés ne sont pas liés aux affections
coronariennes.
1988
Intersalt, Etude de 52 populations de 200 personnes montrant une relation
faible ou inexistante entre sel et pression artérielle mais affirmant
une relation entre sel et augmentation de la pression artérielle
avec l'âge.
1991
Cutler et coll., Méta-analyse de 27 essais cliniques trouvant que
la réduction sodée diminue la pression artérielle
chez les hypertendus et les normo-tendus.
1991
Law et coll., Revue de 24 études écologiques et de 14 études
intra-population ainsi que de 78 essais cliniques trouvant que la relation
sel-pression artérielle était " nettement plus forte
" qu'on pourrait le penser et augmente avec l'âge.
1995 Denton
Les chercheurs ont mis en avant un modèle de chimpanzé sensible
au sel. Mais comme l'indique Harlan, " il est improbable " qu'un
quelconque modèle animal d'hypertension artérielle puisse
rendre compte de ce qui se passe chez l'homme.
1996
Midgley et coll., Méta-analyse de 56 essais cliniques concluant
à un bénéfice minime de la réduction sodée
et ne recommandant pas une réduction des apports diététiques
en sel.
1996
Intersalt revisité, Ré-analyse statistique des résultats
originaux d'Intersalt trouvant une association forte entre sel et pression
artérielle.
1997
Cutler et coll., Méta-analyse de 32 essais cliniques concluant
que le bénéfice de la réduction sodée est
net, et soutenant les recommandations diététiques.
1997
TOPH II, Essais cliniques conduits chez 2400 sujets, montrant qu'une réduction
à long terme des apports sodés est difficile à maintenir
et réduit peu ou pas la pression artérielle.
1997 Appel et coll.,
(DASH) Essai clinique conduit chez 459 sujets montrant que des facteurs
diététiques autres que le sodium ont un effet important
sur la pression artérielle.
1998 Graudal et coll.,
Méta analyse de 114 essais cliniques recommandant une réduction
globale des apports sodés.
1998 Méneton, article dans la Recherche
sur le sel et l'hypertension, lie sel et hypertension.
Il affirme qu'un régime trop riche en sodium et trop pauvre en
potassium expose au développement de l'hypertension et donc des
maladies cardio-vasculaires et que l'industrie agro-alimentaire introduit
trop de chlorure de sodium dans les aliments.
2002
L'AFSSA organise à Paris un colloque intitulé "Sel
et Santé". Deux jours de tables rondes ont réuni
des experts scientifiques et des diverses industries agroalimentaires.
Cette conférence a lieu dans le cadre du programme gouvernemental
nutrition santé. Ce plan a été lancé en 2001
par la Direction Générale de la Santé, il sera mis
en oeuvre jusqu'en 2005.
Source article de Gary Taubes paru dans Science (vol 281, 14 août
1998)
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