Philippe Le Niliot, qui au moment où nous l'avons contacté n’avait pas connaissance de l'étude menée par la société Actimar de Vincent Mariette faisant état d'une élévation de la température moyenne des eaux de la mer d'Iroise de 1,5 °C en 15 ans, se dit sceptique face à ces résultats spectaculaires, sans toutefois remettre a priori en cause leur véracité. La mission pour le parc marin d'Iroise se penche en permanence sur le suivi de l’état global de la faune et de la flore en mer d’Iroise, suivi réalisé par le biais d’études menées par le CNRS (intégrées au projet ECOKELP) visant à évaluer l’évolution des ceintures d’algues en mer d’Iroise. Avec par exemple un intérêt particulier porté sur la compétition entre 2 populations d’algues : la minaria tidjidata venant du Nord et la sacorisa policides plus méridionale.
Champ d'algues sous la mer d'Iroise
Pour M. Le Niliot, le problème est vaste et complexe : il s’agit du changement climatique global, qui touche l’Europe dans son intégralité. Il apparaît alors difficile de prendre des mesures efficaces dans le cadre restreint du parc marin. Il s’appuie en effet sur l’exemple de la population de morues, dont la reproduction est affectée par une variation du climat : « Même si l’on prend toutes les mesures qu’on veut, la nourriture de la larve est décalée dans le temps pour des raisons de changement climatique global […], ce qui fait qu’on peut mettre en place tout type de gestion, la larve au moment où elle nait n’a plus à manger. Pour lutter contre l’érosion de certains socles, l’évolution de la biodiversité - évolution négative - on se retrouve un peu démunis face à des changements plus globaux, qui sont en fait liés à des comportements individuels multipliés par x-milliards ».
Malgré cela, la question des réglementations et de leur respect se pose. P. Le Niliot indique que le Parc possède des moyens de contrôle du respect des mesures (par exemple au niveau de la pêche), même si cela ne représente pas la vocation première du parc. Seulement, l’amputation de personnel amène les organismes spécialisés (tels que la Police des Pêches) à se concentrer sur les réglementations européennes (qui est une prérogative exclusive et dont le non-respect entraîne des amendes), aux dépens des réglementations côtières plus locales dont les applications sont donc plus difficiles à suivre.
Chalutier dans la tempête
Cependant, la solution ne repose pas, d’après lui, sur une mise en place de quotas propres au parc, ce qui ne ferait que déplacer le problème plus loin sur la côte. Il prône plutôt la mise en place de mesures nouvelles et alternatives permettant de gérer de façon rationnelle l’écosystème, les populations littorales, et de les articuler de la meilleure façon possible. L’utilisation d’un large panel de solutions est donc à étudier : sanctuarisation de zones clé de la reproduction des poissons, nouvelles stratégies de pêche, etc. Sans toutefois négliger les éventuels effets secondaires possibles de telles mesures novatrices. Le rôle du Parc comporte donc pour lui une composante importante de recherche et d’innovation. Le Parc doit constituer une zone prototype, afin d’explorer de nouveaux outils de mesure de gestion écosystémique, par exemple au niveau de la gestion de la pêche. L’Union Européenne elle-même est prête à accepter des idées nouvelles de gestion de l’effort de pêche, étant bien consciente que sa vision de la réduction de l’effort de pêche par planification des sorties est mal perçue des pêcheurs.
Extrait de l'entretien avec P. Le Niliot correspondant