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Résolution de la controverse



La 26e Assemblée générale de l'UAI

L’Union astronomique internationale (UAI) est une ONG qui a pour but de coordonner les travaux des astronomes à travers le monde. Fondée en 1919, l’UAI est composée de membres individuels et d’institutions nationales, mais uniquement de professionnels, ce qui est inscrit dans les statuts. Cependant, certains astronomes amateurs, disposant de moyens importants et ayant contribué à des découvertes sont admis en son sein.



[Un extrait de notre entretien avec Jean-Eudes Arlot]



Elle est constituée de 12 divisions chacune étant spécialisée dans une domaine scientifique, et de 40 commissions encore plus spécialisées dépendantes de la division. La division III gère les sciences des systèmes planétaires et s’occupe donc de notre définition. 71 groupes de travail a une échelle encore plus petite et spécialisée rédigent les résolutions comme expliqué plus bas.

L’UAI tient une assemblée plénière tous les trois ans et organise aussi de nombreuses rencontres au cours desquels on décide du nom des objets célestes nouvellement découverts ou de la valeur d’une constante astronomique.

A chaque assemblée plénière, l’exécutif est élu par les membres pour trois ans, donc jusqu'à la prochaine assemblée. Seule l’UAI peut statuer sur les faits scientifiques devant être utilisés par toute la communauté.

L’UAI fait donc autorité en matière d’astronomie. C’est pourquoi, lorsque la controverse a émergé, on s’est tourné vers elle pour répondre à la question : qu’est-ce qu’une planète ? L’UAI mobilise alors en 2005 un comité de travail ayant pour mission de réfléchir à la définition d’une planète. Le fruit de ce travail est une proposition de résolution qui sera votée lors de la 26ème assemblée générale de l’UAI qui aura lieu à Prague du 14 au 25 août 2006. Etant donnée la légitimité de l’UAI, un tel vote devra permettre d’entériner la définition d’une planète et de résoudre la controverse.



Les différents points de vue des membres de l’Assemblée

Dès le discours d’introduction, le but de l’Assemblée est clairement défini : il s’agit de trouver une définition scientifique mais compréhensible par tous de ce qu’est une planète dans le système solaire. On met donc d’emblée de côté le cas plus complexe des exoplanètes. L’unification entre la définition d’une planète et la définition d’une exoplanète est reportée à une autre assemblée.

L’Assemblée ne prétend pas trouver la définition juste mais plutôt un compromis entre les différents points de vue représentés. En effet, l’UAI réunit des scientifiques issus de différentes cultures (60 pays présents) mais aussi spécialisés dans des domaines très différents (mécanique céleste, structure des planètes, structure des étoiles des exoplanètes).

On peut aborder le problème en se basant sur plusieurs critères :

- Critère structural : une planète doit avoir une masse suffisante pour que sa gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide. Ainsi, la planète est maintenue en équilibre par l’équilibre entre ces deux forces dans la configuration qui minimise son énergie (forme sphérique).

- Critère dynamique : Une planète est un corps céleste qui est le seul objet à proximité de son orbite. En d’autres termes, l’objet doit avoir attiré vers lui tous les autres objets proches. De plus, il doit avoir évolué vers l’orbite qui minimise son énergie, à savoir l’orbite circulaire.

- Critère culturel : On appelle planète tout corps ayant déjà été reconnu comme tel et que la majorité des gens continuent à appeler planète



[Un extrait de notre entretien avec Jean-Eudes Arlot]



Le processus de décision de l'UAI

Les résolutions scientifiques ou relatives à l’administration de l’UAI sont élaborées et vérifiées par des comités compétents. L’objectif est de rédiger une définition non ambiguë, reposant sur des bases solides et susceptible d’être acceptée par la communauté des astronomes. Dans le cas de Pluton, le groupe de travail chargé de la rédaction de la résolution a fixé les critères de définition d’une planète et les problèmes à considérer, mais il a été déchargé du dossier au profit d’un comité spécial, le Planet Definition Commitee. Ceci montre bien l’importance de cette définition pour l’UAI, surtout au niveau de l’exposition médiatique de l’affaire. Une fois la résolution rédigée, par les 7 membres, celle-ci est approuvée par le comité exécutif de l’UAI et publiée. Le processus de vote qui s’ensuit est relativement complexe, et celui-ci est expliqué dans les règles de fonctionnement de l’UAI. Cependant, dans le journal du jour interne à la conférence, on relève ceci :

“Because of the potential impact of this resolution the EC is undertaking extra measures to assure full discussion of the draft during the General Assembly that will allow for possible revisions to the current version before it is presented to the GA at the closing business meeting.”

Cette résolution est donc traitée différemment et pourra être refondue au cours des débats.



Le déroulement de l'assemblée générale et la définition adoptée

La première résolution proposée par la présidence de l’UAI le 16 août 2006 est celle qui fut élaborée par le groupe de travail en charge du projet. La voici :

Une planète est un objet céleste dont la masse est suffisante pour que les forces gravitationnelles surmontent les forces de pression interne. De fait, l’objet adopte une forme d’équilibre hydrostatique (quasiment sphérique). De plus, l’objet doit être en orbite autour d’une étoile et ne doit être ni une étoile, ni un satellite d’une planète.

C’est une définition purement structurale qui nous donne donc 12 planètes : Mercure, Vénus, Terre, Mars, Céres, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton, Eris, Sedna.

De nombreuses contestations sont émises par l’Assemblée qui reproche à la définition d’occulter tout critère dynamique : « it’s an offense to the entire dynamic community », fait remarquer l’un, suivi bientôt par d’autres voix qui répètent à peu près le même son de cloche.

De plus, un effet collatéral désagréable de cette définition est qu’elle reclasse Céres dans la famille des planètes, Céres qui rappelons-le, était considéré comme un astéroïde depuis deux siècles. En revanche, un avantage indéniable de cette définition est qu’elle est très facile à enseigner : une planète est corps sphérique, tout corps non sphérique n’est pas une planète.

Il y a finalement un vote et la proposition est rejetée, il va falloir modifier la définition en prenant en compte la dynamique.



[Un extrait de notre entretien avec Jean-Eudes Arlot]



Le 18 août 2006, on propose une nouvelle définition englobant la dynamique des planètes :

(1) Une planète est un objet céleste (a) qui est de loin l’objet le plus massif dans les alentours de son orbite, (b) est assez massif pour que sa gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique (sous une forme presque sphérique), (c) et qui ne produit pas d’énergie par des mécanismes de fusion nucléaire.

(2) Une « planète naine » est un objet céleste qui (a) orbite autour du Soleil, (b) a une masse suffisante pour que la gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique (sous une forme presque ronde [2]), (c) n’a pas éliminé tous les corps se déplaçant sur une orbite proche, et (d) n’est pas un satellite.

(3) Tous les autres objets naturels orbitant autour du Soleil qui ne remplissent aucun des critères précédents doivent être appelés « petits objets du système solaire ».

Nous n’avons plus que 8 planètes. Finalement, une ultime définition est proposée le 22 août 2006 qui diffère peu de la précédente :

(1) Une planète [1] est un objet céleste qui (a) est en orbite autour du Soleil, (b) a une masse suffisante pour que la gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique (sous une forme presque ronde), et (c) a éliminé tout corps se déplaçant sur une orbite proche.

(2) Une « planète naine » est un objet céleste qui (a) orbite autour du Soleil, (b) a une masse suffisante pour que la gravité l’emporte sur les forces de cohésion du corps solide et le maintienne en équilibre hydrostatique (sous une forme presque ronde [2]), (c) n’a pas éliminé tous les corps se déplaçant sur une orbite proche, et (d) n’est pas un satellite.

(3) Tous les autres objets [3] qui orbitent autour du Soleil seront collectivement référencés par le terme « Petits Corps du Système Solaire »

[1] Les huit planètes sont : Mercure, Venus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune.

[2] L’UAI va mener une opération visant à déterminer le statut des objets frontière.

[3] Cette catégorie regroupe actuellement la plupart des astéroïdes trans-neptuniens, comètes et autres petits objets.

A la clôture de la séance de vote, on a donc, en vertu de la définition adoptée, 8 planètes ( Mercure, Venus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Neptune, Uranus) et 4 planètes naines ( Céres, Pluton, Eris et Sedna).



La controverse au sujet du vote

La définition finale a été votée par 424 personnes sur 2412 présents et sur 9785 membres au total. Certaines personnes (sur des blogs notamment) parlent même officiellement de processus non démocratique. Alors y’a-t-il eu véritablement manipulation ?



[Un extrait de notre entretien avec Jean-Eudes Arlot]



En effet, le processus de vote peut prêter à confusion, le vote formel ne regroupant que les responsables habilités de chaque pays. Mais la véritable décision, elle, a été prise lors du vote a main levée en présence de beaucoup d’astronomes. Pour finir, on a pu constater que les suspicions de tricherie ne proviennent que d’une minorité de personnes, probablement absentes de l’assemblée générale. Si la majorité des professionnels avait été trompée, la crédibilité de l’UAI en tant qu’organisme fédérateur de la communauté internationale aurait été sérieusement malmenée par ces mêmes professionnels, ce qui n’a pas été le cas.