Analyse avec Pajek

Pajek permet de suivre les citations entre des articles d'une base qu'on lui a fournie sous forme de liste extraite du Web of Knowledge. L'intérêt de cette étude est de localiser et de comprendre la projection de la controverse sur le plan scientifique.

Cependant, il s'avère que les articles sur les thèses d'inondations catastrophiques sont introuvables : il s'agit beaucoup plus de livres. Dès lors, cette section ne traitera que de la controverse portant sur la thèse de la Mer Noire, qui bénéficie d'une couverture scientifique très importante et débattue.

Les cartes de cette section ont été obtenues à partir de cinq articles très importants pour le développement de cette controverse :

-A gradual drowning of the southwestern Black Sea shelf: Evidence for a progressive rather than abrupt Holocene reconnection with the eastern Mediterranean Sea through the Marmara Sea Gateway

-Catastrophic flooding of the Black Sea

-Constraints on Black Sea outflow to the Sea of Marmara during the last glacial-interglacial transition

-Further evidence of abrupt Holocene drowning of the Black Sea shelf

-An abrupt drowning of the Black Sea shelf


Elles ont ensuite été traitées différemment afin de pouvoir en tirer une analyse afinée.

1°) Carte « classique » :

Démarche :

J'ai directement traité la première carte avec l'outil Layout/Enery/Fruchterman Reingold/2D. Cet outil permet de visualiser les proximités entre auteurs.

Résultat :

Analyse du résultat :

La manipulation des points rouges permet de mettre en évidence les liens qui les lient aux autres. J'ai ainsi pu vérifier que chaque auteur est relié à chaque autre auteur. La communauté des scientifiques étudiant le problème du passé de la Mer Noire est donc, comme on peut le voir, très resserrée. Cependant, elle se répartit entre groupes de chercheurs dont l'origine reste encore à déterminer : sont-ce des équipes de recherche, des opinions convergentes, ou des appartenances à une même spécialité ? On doit donc continuer l'étude afin de pouvoir étudier plus clairement le sujet.

2°) Carte des revues scientifiques :

Démarche :

A l'aide de Pajek et de Microsoft Access, j'ai tracé cette carte représentant les relations entre les revues scientifiques, à laquelle j'ai appliqué l'algorithme habituel (Fruchterman Reingold).

Résultat :

Analyse du résultat :

La deuxième carte met en évidence une distinction beaucoup plus fine : les journaux sont répartis en cinq groupes, représentés par les quatre noeuds n1, n2, n3 et n4, et un cinquième groupe constitué des revues appartenant à plusieurs « noeuds ».

Le noeud n1 concerne en majorité des revues à caractère biologique : on retrouve a priori l'argumentaire portant sur le passage d'un écosystème d'eau douce à un écosystème d'eau salée.

Le noeud n2 et le noeud n3 concernent tous deux l'océanographie, cependant le noeud 2 comprend aussi toutes les études géologiques. On constate la grande différence entre les nombres d'articles affectés aux deux sujets : il s'avère que le champ d'étude le plus actif est tourné vers les géosciences, et notamment la stratigraphie.

Le noeud 4 porte sur quelques rares revues, ce qui m'empêche de déterminer précisément son domaine (Mutlu, le seul auteur propre au noeud 4, est un zoologiste qui n'est pas directement impliqué dans la controverse).

Enfin, le cinquième groupe met en évidence le fait que les articles appartenant à plusieurs noeuds sont, dans leur majorité (un peu moins de 70%), situés entre les noeuds 2 et 3, ce qui est cohérent avec l'analyse de leurs domaine qui a été faite.

On a donc un meilleur aperçu des séparations et liens entre domaines d'étude, répartition qui pouvait être la cause des rapprochements plus ou moins importants entre scientifiques mis en évidence par la carte I. Cependant, il s'agit maintenant de vérifier si les auteurs se cantonnent à une catégorie ou pas. En effet, le sujet n'est pas ici d'étudier la communauté des chercheurs qui s'intéressent au sujet, mais de savoir à quel niveau se situe la controverse : est-ce un débat entre disciplines ou chaque auteur puise-t-il ses sources dans tous les domaines ?

3°) Carte Auteurs

Démarche :

J'ai cette fois utilisé Excel2Pajek en prenant comme entrées les articles et les auteurs, puis j'ai appliqué l'algorithme Fruchterman.

Résultats :

Analyse des résultats :

Cette carte met à nouveau en évidence cinq groupes, puisque le fichier Excel de source comporte toujours 4 noeuds. Cependant on peut déjà observer le beaucoup plus grand nombre de chercheurs liés à plusieurs noeuds, notamment Ryan qui est le seul à avoir un lien avec les quatre noeuds. Ceci montre que les chercheurs se classent en deux grandes catégories : les « sources », qui ont écrit un article restreint à leur domaine et probablement sans rapport avec la théorie du Déluge, et les « utilisateurs », qui sont des chercheurs aux articles pluridisciplinaires s'appuyant sur les travaux des chercheurs « sources ». Il faut prendre garde au fait que « utilisateur » ne signifie pas qu'ils n'apportent pas leur propre contribution. Cependant, comme ils interpolent les données de différents domaines, ils peuvent être considérés comme les acteurs scientifiques principaux de cette controverse. On constate que tous les scientifiques tels que Aksu, Pitman, Ryan, Ballard (pas visible sur l'image mais présent entre les noeuds n2 et n3), Lericolais, Hiscott ou Chepalyga, sont présents dans cette zone.

La projection de la controverse sur la thèse de la Mer Noire est donc maintenant bien cernée : à partir des articles fondateurs (ie : parmi les plus anciens relatant cette thèse et les plus cités) de des différents camps (brutal, progressif et en aller-retour), on a pu reconstituer un critère de détermination des acteurs scientifiques de la controverse. Leurs articles ont la particularité de s'appuyer sur un grand nombre de travaux, mais surtout des travaux venant de plusieurs domaines d'études : géosciences, biologie ou océanographie. Cette controverse n'est donc pas le pendant d'une incompatibilité entre différents secteurs, mais un véritable débat qui mobilise des chercheurs à part entière en les « délocalisant » (à la base, Ballard et Lericolais sont océanographes par exemple.).