La loi de 2011 sur le prix unique du livre numérique (PULN)

 

Trente ans après la loi Lang, un nouveau texte prévoit que le prix des livres numériques fixé par les éditeurs français s'imposera à tous les diffuseurs "proposant des livres numériques aux acheteurs situés en France". Cette loi est la première du genre à être adoptée dans le monde.

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Source : librairie-brillat-savarin.be

La loi elle même

[Article 1] « La présente loi s'applique au livre numérique lorsqu'il est une œuvre de l'esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu'il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu'il est, par son contenu et sa composition, susceptible d'être imprimé, à l'exception des éléments accessoires propres à l'édition numérique. »

Cet article définit le cadre d’application de la loi : il s’agit des livres numériques qui sont en fait une numérisation des livres physiques, on parle des livres homothétiques.

[Article 2] « Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d'offre à l'unité ou groupée. [..]»

C’est encore à l’éditeur, comme dans la loi Lang, que revient le pouvoir de fixer les prix. Le livre numérique va donc être vendu au même prix sur tout le territoire.

[Article 3]  « Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l'article 2, s'impose aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France.»

La particularité de cette loi est qu’elle s’applique donc aux acteurs internationaux mêmes (du moins ceux qui veulent vendre en France).

Origine

En ce début du XXIème siècle, le marché numérique n’est qu’à son commencement (voir Le marché du livre numérique). Le marché du livre vient d’être rejoint par des acteurs du numérique, dont les trois géants : Amazon, Google et Apple. Ils proposent une vente de livres physiques et numériques, ces derniers à prix réduits parce que la Loi sur le prix unique de 1981 n’est pas applicable. De nouveaux supports de lecture se développent : le papier est désormais concurrencé par des liseuses comme le kindle.

La loi doit être initialement appliquée aux détaillants français vendant les livres numériques, mais très rapidement des oppositions surgissent. Les grandes surfaces culturelles : Virgin, Cultura et FNAC notamment menées par Alexandre Bombard (le PDG de la FNAC) exigent « un prix unique pour tous ». Elles sont soutenues par le SDLC. Le PDG de la FNAC affirme qu’appliquer la loi aux acteurs français seulement est une ouverture d’un « boulevard au dumping culturel". Le dumping est une technique employée par les entreprises : elles vendent à perte pendant une certaine période, pour pénétrer sur le marché ou accroître les parts de marché. Le dumping culturel que craint le PDG de la FNAC est la vente à perte pratiquée par Amazon, dans le but d'éliminer toute concurrence possible et rester seul sur le marché du livre.

Le texte est modifié et la loi s’applique désormais aux acteurs internationaux vendant en France. Elle est adoptée à l’Assemblée le 26 mai 2011.

Objectifs

                 En permettant à chaque éditeur français de fixer un prix minimum, l'objectif  est de préserver le secteur des pratiques concurrentielles tarifaires agressives. Ce choix n’est pas dogmatique mais est considéré comme nécessaire pour le temps d’adaptation du marché à cette nouvelle technologie. Le but est d’éviter que les gros acteurs du numérique (Amazon, Google, Apple) écrasent les acteurs traditionnels en vendant moins cher. Il convient de remarquer que même les grandes surfaces (opposées initialement à la loi Lang) ont milité pour le prix unique du livre numérique).

                Dans l’article 2 il est précisé que le prix unique est fixé pour « toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France ». Ainsi cette loi est compatible avec la législation européenne : un éditeur, quel que soit son pays d’établissement, sera obligé de respecter le prix unique s’il vend en France.

Trente ans plus tard, le prix unique est aussi appliqué au livre numérique. Et trente ans plus tard, le prix unique suscite des réactions. Dans le cas particulier du livre numérique, il existe plusieurs formats, plusieurs enrichissements : comment peut-on alors fixer le prix ? Autrement dit, est il judicieux d’appliquer une même loi à un objet totalement différent du livre physique ? C’est là un des gros points de la controverse, traité dans Le Livre numérique, un casse-tête pour les législateurs.

Texte intégral