QUEL MODELE POUR UNE IMF ? L'AVIS DES ECONOMISTES
Nous avons vu grâce aux études du fonctionnement de BANCOSOL et SEWA, que malgré des caractéristiques communes, les institutions de micro-finance n'ont pas toutes la même façon d'offrir leurs services. Ainsi, nous avons vu d'une part un modèle de banque commerciale financée par les investissements des bailleurs de fonds, et une organisation à but non lucratif autofinancé par ses membres ; cela engendre des différences majeures dans leurs activités
Ces variations font que sur le terrain, chaque IMF a ses propres caractéristiques. Néanmoins, les chercheurs en microfinance se séparent dans la discussion théorique en deux camps distincts « institutionnalistes » et « welfaristes ».
Malgré les caractéristiques communes à toute IMF (volonté d'inclure les démunis dans un système financier formel), il existe cependant plusieurs moyens de faire de la MF. En 2002, Nissanke distingue la finance pour les micro-entreprises et l'octroi de crédits pour les pauvres qu'il appelle « poverty lending ». D'un côté, la MF s'oriente vers les pauvres développant leur propre entreprise et de l'autre il s'agit de prêter aux plus pauvres avec comme objectif la réduction de la pauvreté en créant des activités génératrices de revenus. La limite entre ces deux catégories est cependant devenue de plus en plus floue ces dernières années, puisque la MF est principalement vue comme une activité permettant de sortir les familles et les communautés de la pauvreté. Ces deux moyens de traiter de la MF restent tout de même très représentatifs du débat fondamental qui a lieu autour de la MF, débat qui réside autour de la décision à prendre entre proposer le service de la MF au plus grand nombre de pauvres et assurer la viabilité financière du système.
En effet, le domaine de la MF fait l'objet d'un « schisme »1 opposant les « institutionnalistes » et les « welfaristes ». Le problème principal est le désaccord vis-à-vis du moyen d'arriver à l'objectif de la MF qui est, rappelons-le, de « fournir des services de crédit et d'épargne à des centaines de millions de personnes pauvres d'un manière durable »2. En effet, après la professionnalisation du domaine il a fallu se poser la question de la disponibilité du service pour les clients. Il est alors question de déterminer si ce service sera subventionné ou non. Ultimement, comme nous allons le voir, cette question revient à déterminer le poids accordé aux pauvres vis-à-vis des très pauvres.
Pour les institutionnalistes, qui constituent le premier groupe d'économistes, il est important de créer des institutions financièrement viables. L'idée est alors de fournir un service de qualité à un grand nombre de clients pauvres tout en recherchant le profit. Ceci amène donc à regarder en priorité les performances financières des IMF avant même l'impact du programme sur les populations.
A l'inverse, les économistes dits « welfaristes » cherchent à augmenter sans cesse leur impact sur les populations dans un but premier de diminuer la pauvreté à la fois matérielle et immatérielle. L'objectif est d'atteindre un développement durable et ce, même si cela requiert des subventions.
1 Morduch (2000)
2 Elisabeth RHYNE, The Yin an Yang of Microfinance : Reaching the Poor and Sustainability
Chacun des camps possède une logique d'argumentation qui lui est propre que nous allons développer dans la section suivante.