La presse anglo-saxonne, et particulièrement la presse américaine, s’est rapidement emparé de la publication du livre de T. Piketty après la critique publiée par P. Krugman, pour en faire ce qui deviendra le phénomène Piketty. Même si elle salue unanimement le travail de recherche, de collecte et de synthèse de données économiques et fiscales effectué par T. Piketty, les idées des libéraux s’opposent fermement aux réformes prônées par l’économiste français.

 

Les libéraux américains soutiennent que l’intervention du gouvernement dans la vie quotidienne des citoyens doit être réduite au strict minimum, afin de ne pas faire obstacle à la croissance économique induite par l’esprit d’entreprise des citoyens, qui créent des emplois et participent au bon fonctionnement de l’économie. En cela, ils s’opposent aux thèses de T. Piketty, qui soutient que les inégalités doivent être réduites par le biais de l’impôt et de la redistribution.

Selon eux, Piketty n’explique pas pourquoi il est préférable de tempérer les inégalités de détention du capital par des impôts, plutôt que de soutenir un taux de croissance élevé. En effet, un fort taux de croissance assure l’augmentation général de la richesse, et possède même des vertus redistributives, comme le montre la seconde loi fondamentale du capitalisme. De plus, la réduction à tout prix des inégalités n’est pas forcément une évolution Pareto-efficace : l’enrichissement de certains n’implique pas forcément l’appauvrissement des autres. Au contraire, les libéraux soutiennent que l’enrichissement d’une partie de la population profite le plus souvent à tous, par le biais des découvertes scientifiques, des progrès de la médecine.

Par ailleurs, les égalitaristes, avec Piketty parmi eux, qui préfèrent minimiser les disparités de revenu et de détention de capital, plutôt que d’augmenter le total de richesse à partager, le font en utilisant l’impôt, parfois avec des taux confiscatoires, ce qui participe non seulement à la réduction de la croissance, mais aussi à la diminution de l’innovation et de la prise de risque des investisseurs dans de nouvelles entreprises, potentiellement créatrices d’emplois. Les libéraux préfèrent soutenir que moins d’impôt permet aux classes moyennes de disposer de plus d’argent pour investir, ce qui participe au développement économique et à la croissance ; trop d’impôt nuit à l’esprit d’entreprise, et met les entrepreneurs en difficulté.

 

Ainsi, il y a deux façons de réduire les inégalités aux yeux des libéraux : élever le bas, ou abaisser le haut. La dernière se fait par l’impôt et la redistribution, ce qui est peu méritocratique ; la première se fait en allégeant les charges, en permettant à plus de personnes d’accéder à un capital à investir, c’est-à-dire de favoriser la croissance. Les libéraux s’opposent donc fermement à Piketty sur ce point, et le font savoir dans de nombreux articles publiés dans le presse anglo-saxonne.