Nicolas Baverez publie sa critique intitulée Piketty, un marxisme de sous-préfecture dans l’hebdomadaire Le Point le 26 septembre 2013. Il met en parallèle le Capital publié par Marx au XIXème siècle et Le Capital au XXIème siècle de T. Piketty, soutenant que le nouveau n’est pas à la hauteur du premier.

 Avant de revenir sur les conclusions du livre de Piketty qui sont pour lui erronées, N. Baverez critique les hypothèses que T. Piketty a adoptées pour construire son examen de la situation économique et fiscale actuelle et ses préconisations. Selon Baverez, Piketty accorde trop d’importance aux trois postulats suivants, qu’il érige en loi historique alors que ce ne sont que des constats. Tout d’abord, le fait que le XXIème siècle ne connaisse qu’une croissance faible n’est pas prouvé mais posé comme fortement probable dans le livre. De plus, l’égalité α = r * β, où α représente la part des revenus du capital dans le revenu national, r le taux de rendement moyen du capital, et β le rapport entre le stock de capital et le flux de revenus est posée comme égalité comptable, vraie en tout lieu et en tout temps, mais rien n’est dit au sujet de la causalité de la loi. Est-ce le couple (r ; β) qui entraîne la valeur de α, ou au contraire le couple (α; β) qui permet de trouver le rendement moyen du capital ? Piketty ne le précise pas. Enfin, N. Baverez déplore l’absence de démonstration pour l’inégalité qui structure toute la démarche d’analyse de T. Piketty : r > g, où r est le taux de rendement moyen du capital, et g le taux de croissance (économique et démographique).

 De ces hypothèses fausses découlent des déductions erronées. La baisse des inégalités de patrimoine n’est pas uniquement causée par les guerres, mais aussi par le progrès social ; de plus ces inégalités de possession de capital ne sont pas aussi alarmantes qu’aux Etats-Unis ; Piketty néglige aussi l’émergence d’une classe moyenne dans les pays du Sud, et considère trop le capital comme un facteur d’inégalités, alors que pour N. Baverez, il fait figure de condition nécessaire à l’investissement et au progrès social. Il revient ainsi sur les solutions proposées par Piketty dans son livre, et notamment sur l’idée de créer un impôt mondial progressif, avec des taux pour les plus hauts revenus que Baverez juge confiscatoires. Ce dernier considère que l’augmentation de taux d’imposition nuit à la croissance, provoque récession puis stagnation.

 La réaction de Nicolas Baverez, qui intervient quelques semaines seulement après la sortie du Capital, est un exemple assez représentatif du type de critiques que T. Piketty va recevoir du camp libéral. Sans toutefois que son travail de collecte et de synthèse des données financières qu’il a recueillies ne soit remis en cause, la droite de l’échiquier politique reproche à T. Piketty certains présupposées dont il se sert pour donner une interprétation de ses données. Ils soutiennent ainsi que Piketty est plus attaché à l’égalité, alors que les libéraux préfèrent la prospérité : plutôt que de taxer les plus hauts revenus, il faut permettre à plus de ménages d’accéder à un capital, qu’ils pourront investir. On ne peut pas faire de capitalisme sans capitalistes. Ils supportent tous l’idée selon laquelle le capital n’est pas source d’inégalités, mais le moteur de l’investissement et du progrès social.

 Cependant, la critique libérale ne constitue qu’une facette des critiques qui sont adressées à T. Piketty en France, au lendemain de la publication de son livre.