Impact de l’ibis dans l’Ouest de la France sur les écosystèmes et les activités humaines ?
Après l’installation d’ibis sacrés en milieu naturel, le débat s’est rapidement polarisé autour de questions scientifiques : l’ibis, à l’instar d’autres espèces non indigènes, pourrait-il avoir des effets délétères sur les écosystèmes locaux et les activités humaines ?
L’ibis sacré, danger ou bénéfice pour l’écosystème local ?
La présence de l’ibis sacré, espèce non autochtone, en France n’est pas sans conséquences. Elle peut avoir, selon certains, un impact important sur la biodiversité locale. Deux thèses s’affrontent : l’une affirme que l’ibis sacré est surtout néfaste pour l’environnement local ; l’autre, au contraire, soutient qu’il a des apports bénéfiques, ou que les arguments accusant l’ibis d’être une espèce envahissante sont infondés (les deux thèses ne sont pas incompatibles, mais certains pensent que les effets négatifs sont supérieurs aux effets positifs et réciproquement).
Tout d’abord, se pose le problème de la prédation d’espèces protégées par l’ibis. Tandis que l’INRA affirme dans son rapport qu’elle peut être préoccupante [3], l’article scientifique de Loïc Marion affirme qu’elle reste très marginale [16]. Des cas de prédation sur des poussins de guifette noire, espèce protégée en France (d’après les articles 1 et 5 de l’arrêté ministériel du 17 avril 1981, modifié le 5 mars 1999) auraient par exemple été observés et rapportés dans le rapport de l’INRA.
Le rapport reste tout de même prudent à propos de la prédation, et affirme qu’il est difficile de décider de son caractère exceptionnel ou non. Cependant, d’après lui, les effectifs de guifette noire sur la réserve de Grand-Lieu, recensés en 2004, étaient anormalement faibles étant donné le nombre de couples nicheurs : l’ibis sacré en serait-il l’une des causes principales ?
Il est par la suite nécessaire de mentionner le potentiel de prolifération de l’ibis. L’espèce se développe rapidement : par exemple, le nombre de couple d’ibis en reproduction sur le Lac de Grand-Lieu est passé de 40 en 1997 à 170 en 2002 [3]. L’ibis n’a de plus pas de prédateur, son expansion n’est donc pas freinée. Le graphique ci-dessous montre l’évolution des effectifs de l’ibis sacré dans le parc de Branféré, illustrant sa faculté à proliférer :
Cependant, l’ibis pourrait être en même temps une aide pour la biodiversité locale. Il aiderait à la fixation de la spatule blanche, et les écrevisses de Louisiane, espèce avérée nuisible et invasive, font partie de sa nourriture. Loïc Marion affirme que dans la réserve de Grand-Lieu, dont il a été directeur scientifique, les ibis se sont installés progressivement, sans perturbations. Néanmoins, selon X., ornithologue favorable à l’éradication de l’oiseau, aucune prédation ne serait réellement efficace pour réguler les populations d’écrevisses de Louisiane, étant donné que les écrevisses vivent la majeure partie de l’année enfouies dans la vase.
L’ibis, une menace pour les activités humaines ?
A cause de sa prolifération dans l’Ouest de la France, l’ibis a été suspecté de représenter une menace pour les activités humaines. Les agriculteurs, en particulier, se sont inquiétés du risque sanitaire que sa présence pourrait représenter, et des maladies qu’il serait susceptible de transporter : l’ibis a en effet été observé dans des zones propices au développement d‘agents pathogènes, comme les fosses à lisier. Une étude a alors été menée pour la DIREN, qui n’a finalement pas détecté “d’agent pathogène particulièrement préoccupant” [18]. On ne peut pour autant pas conclure à un risque zéro au niveau sanitaire : en cas d’épizootie, le comportement des ibis en fait des agents de diffusion de la maladie non négligeables.
C’est donc à partir d’un débat scientifique qu’une controverse s’est formée autour de l’ibis sacré. Des méthodes pour réduire ses effectifs ont ainsi été pensées, étendant le débat au-delà de l’arène scientifique. Dans le même temps, de nouveaux acteurs prennent position dans d’autres arènes. Le débat sort alors de la presse régionale pour devenir plus général.