Afin de fixer les bornes chronologiques on a d’abord choisi de se pencher sur les dates des articles de Scopus et Europresse. Ainsi, on a vu que sur Scopus les articles scientifiques traitant de la question du prix du médicament ont principalement émergé à la fin des années 1990 et durant les années 2000. Ensuite, concernant Europresse on observe le même trend lorsqu’on regarde à l’échelle mondiale. De ce fait, à ce stade, les articles intervenant sur le débat public et ceux qui interviennent dans le débat scientifique apparaissent au même moment. Toutefois, on observe que si on se focalise sur la France dans le cadre de Scopus, il y a un léger changement dans les bornes chronologiques, avec des articles qui se concentrent essentiellement sur les années 2000. En somme, les bornes chronologiques en France semblent se concentrer sur la fin des années 1990 et les années 2000.

Graphique tiré de Scopus, montrant l’évolution des articles scientifiques traitant du prix du médicament
Graphique tiré d’Europresse montrant l’évolution des articles de presse traitant du prix du médicament dans le monde. On observe une similarité avec celui de Scopus
Graphique tiré d’Europresse montrant l’évolution du nombre d’articles traitant du prix du médicament en France

À ce stade de recherche, nous avons décidé de poser des hypothèses pour comprendre quels éléments ont pu créer cette controverse autour du prix du médicament. Ces hypothèses sont : la crise de 2008, l’introduction des génériques, l’entrée dans la zone euro, accession d’Agnès Buzyn à la Haute Autorité de la Santé, une sécurité sociale déficitaire, une volonté gouvernementale de réduire les dépenses de santé.

Ainsi, nous avons utilisé Google Trend pour voir à partir de quand les recherches sur les prix des médicaments ont été important, et là aussi nous constatons que cela a commencé au début des années 2000 avec une forte accélération en 2008. Cela confirme ainsi pour l’instant l’hypothèse faite sur l’impact de la crise de 2008 sur la controverse autour des prix des médicaments. (Voir tableau ci-dessous)

Sur ce graphique nous observons qu’il y a un pic commun qui apparait entre le 20 et le 26 septembre. De ce fait, nous nous sommes dit qu’il conviendrait de voir pourquoi il y a un pic commun à ce moment-là, c’est ainsi que nous avons découvert que cela est dû à une augmentation de 5000 % d’un médicament pour le sida qui se nomme Daraprim.

Sur ce graphique, on voit qu’il y a un trend positif, mais qu’à partir de 2009, l’intérêt pour les prix du médicament augmente encore plus vite. On observe que l’apparition d’un intérêt pour les médicaments Sovaldi et Harvoni concorde   avec un accroissement d’un intérêt pour le prix du médicament. Ainsi, là aussi il semble important de se focaliser sur ces deux médicaments. A travers ces deux exemples on voit que les médicaments jouent un rôle important dans cette controverse, c'est pourquoi nous avons décidé de mettre le Glivec dans chronologie, ce médicament ayant été l'objet de vives débats lors de sa mise sur le marché . En outre, certains acteurs comme Médecins du monde et la Ligue contre le cancer  les utilisent pour dénoncer le prix élevé de certains médicaments.

En outre, il convient de rappeler que nous avons choisi de centrer notre controverse en France, c’est pourquoi nous n'avons analysé de façon approfondie les autres pays étudiés par les différents articles que nous avons utilisés. Le résultat est qu’avant les années 2000 les articles d’Europresse traitent principalement des pays en voie de développement et qu’à partir des années 2000 les articles traitant des prix des médicaments en France ont augmenté. Cela est en lien avec la volonté progressive de l’État français de contrôler son déficit. Ainsi il y a une volonté de rationaliser les dépenses de santé. Cette volonté de rationalisation des dépenses de santé se retrouve avec la volonté de l’État d’augmenter la consommation des médicaments génériques qui sont moins coûteux. C’est dans cette logique que nous avons mis dans notre chronologie la date d’introduction des génériques en France. En effet, la Loi du 23 décembre 1998 relative au Financement de la Sécurité Sociale donne au pharmacien le droit de substituer le médicament princeps au générique. De ce fait, un lien avec le financement de la sécurité sociale pourrait expliquer la hausse du nombre d’article traitant des prix du médicament, aperçue à la fin des années 1990 - début des années 2000. Ensuite, nous nous sommes focalisés sur la sécurité sociale, d’après un rapport du Sénat. Depuis le début des années 2000, l’Etat a cherché à réduire le déficit de la sécurité sociale et d’après le tableau ci-dessous, cet effort s’est principalement concentré sur les dépenses médicales. Ainsi nous voyons que c’est vraiment à partir des années 2000 que le prix du médicament vu comme un coût par l’État et le consommateur, devient un enjeu majeur. Nous comprenons mieux dans cette perspective pourquoi la crise de 2008 vient augmenter l’intérêt de la sphère public pour cette question, puisque, avec cette crise, l’État doit plus que jamais réduire ses dépenses et les consommateurs voient de plus en plus les prix du médicament comme un coût. Nous observons cette tendance dans les sujets abordés par les articles, avec de plus en plus d’articles qui traitent de comment réduire les dépenses de santé, ainsi que des prises de position de plus en plus fréquentes d’associations, telles que la Ligue contre le cancer, pour prendre la défense des consommateurs.

Ce graphique, montre que la réduction du solde négatif de la sécurité sociale s’est principalement axé sur la réduction de la branche maladie. En outre, on constate que c’est en 2008 que cette réduction du solde de la branche médicale est la plus accentuée.
Graphique tiré d’Europresse montrant l’évolution des articles de presse traitant du prix du médicament dans le monde. On observe une similarité avec celui de Scopus

 Par ailleurs,la date de l’entrée dans l’UE est notamment un point à prendre en considération car elle a de nombreuses répercussions sur la controverse. Tout d’abord, les États, avec le Pacte de Stabilité et de Croissance, doivent plus que jamais réduire leurs dette et déficit.  Ensuite, nous remarquons que les industries pharmaceutiques utilisent de plus en plus la comparaison avec les pays voisins pour appuyer leurs arguments, se fut notamment le cas lors de l’interview que nous avons eu avec  un responsable du Leem qui comparait la France avec l’Allemagne, le Royaume Uni et l’Espagne. En outre, l’intégration européenne pose la question de l’harmonisation des prix des médicaments à l’échelle européenne, voire internationale. Néanmoins, nous avons choisi de ne pas faire figurer  la date d'entrée de la France dans l'UE. En effet, après lecture d'articles scientifiques et de presse, nous avons observé que  les acteurs de la controverse ne faisaient pas référence  de façon directe à ce fait.

 

Ensuite, nous avons fait le choix  de mettre le début du mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy car c'est réellement sous son mandat que le gouvernement à cherché à réduire les dépenses publiques , notamment celles relatives à la santé. En effet dès le début de son mandat Nicolas Sarkozy a affiché sa volonté de réduire le « trou de la sécurité sociale », menant ainsi une politique de rationalisation des dépenses de santé. En outre, Hollande a été dans cette lignée de réduction des dépenses de santé.  De plus, il convient de souligner que cette volonté de rationnaliser les dépenses s'est accentué sous l'effet de la crise économique de 2008, qui a conduit à une baisse des recettes de l'Etat.

            Pour finir, nous avons jugé important de mettre l’entrée en fonction de Marisol Touraine en tant que  ministre de la Santé. En effet, elle a été à son poste dès le début du quinquennat de François Hollande. Elle a pu montrer tout au long de l’exercice de son mandat de ministre une certaine volonté de garantir un accès le plus large possible aux médicaments, notamment les médicaments contre l’hépatite C. Du fait, de sa fonction elle joue un rôle central dans  la controverse, car de manière indirecte c’est elle qui fixe les lignes directrices des politiques de santé. Nous avons observé que son nom apparaissait souvent dans les articles traitant de la question du prix du médicament et qui sont publiés sous le quinquennat de François Hollande.

 

Résultat de recherche d'images pour

 

Afin de voir si notre démarche était bonne nous avons  tenté d'observer la variation des prix des médicaments en France . Il apparaît sur ce graphique que ce n'est pas la variation du prix qui est en soi le problème mais c'est surtout les dépenses qui en découlent et qui pèsent sur la sécurité sociale. En outre, ce graphique confirme le fait que c'est à partir de la fin des années 1990 que le poids des dépenses en services de santé a considérablement augmenté, et donc notre choix de faire débuter la controverse à la fin des années 90.

En outre, nous choisi de faire apparaître des scientifiques dans notre chronologie tel que Margaret Kyle et Andrew Hill, dont les travaux de recherche ont été repris par différents acteurs pour construire leur argumentation. C'est le cas de médecin du monde qui a repris des travaux de Andrew Hill pour dénoncer les marges que faisaient les industries pharmaceutiques sur les prix de certains médicaments.

 

 

 Enfin, nous avons  décidé de mettre comme dernière  date  le 17 Mai 2017, qui correspond à la nomination comme Ministre de la santé d'Agnès Buzyn par le Président de la République. En effet, nous avons pu constater au cours de nos recherches, que Madame Buzyn   est un acteur clef dans notre controverse puisqu'elle fut Présidente  de  la Haute Autorité de la Santé  et elle a appartenu à la Ligue contre le cancer. Or, nous savons qu’il y a une forte opposition entre le Leem et Ligue contre le cancer . C'est d'ailleurs ce qui peut expliquer certaines prises de positions de Mme Buzyn qui a parfois fortement attaqué les industries pharmaceutiques.

Ainsi, on peut légitimement se demander si les nouvelles fonctions de Madame Buzyn, vont avoir un impact sur la controverse et surtout sur la politique du gouvernement à l'encontre des dépenses de santé.