Arrêter les recherches?

 
« But another part of me wonders whether research on race and intelligence—given the persistence of racism in the U.S. and elsewhere–should simply be banned. » John Horgan

Lorsqu’il évoque la persistance des problèmes racistes liés aux études génétiques, John Horgan met en évidence un phénomène au cœur des débats éthiques depuis 150 ans. Ainsi, dès les travaux de Francis Galton, certains ont avancé que les différences entre races étaient immuables et gravées dans le patrimoine. Après la publication de The Bell Curve (Herrnstein et Murray, 1994) ou encore après la sortie médiatique de James Watson en 2007, il est apparu combien les questions d’intelligence et de génétique étaient dans l’esprit de beaucoup liées à la question de races. Ce fil conducteur semble si indissociable des autres débats que la question de l’arrêt des recherches se pose pour de nombreuses personnes.

Le racisme a suivi l’évolution de la controverse depuis ses début et l’englobe totalement pour certains.

Les résultats fournis par certaines études posent des problèmes éthiques. Ainsi, quand certains mettent en avant les bénéfices que le système éducatif pourrait tirer de ces connaissances, d’autres pensent qu’il vaudrait mieux interdire ou limiter certaines recherches, qui encourageraient certains courants discriminatoires.

Ce fut le cas dès 2007 lorsque le prix Nobel James Watson a affirmé :

« All our social policies are based on the fact that their [Africans’] intelligence is the same as ours – whereas all the testing says not really » Milmp, 2007

Malgré ses clarifications a posteriori, il semble avoir contribué à alimenter des suspicions auprès du grand public par rapport à l’intérêt de réaliser des études sur la génétique de l’intelligence (Callier, 2015).

Il est vrai que, pour beaucoup, ces études sont un moyen d’améliorer la situation de certaines personnes désavantagées, notamment intellectuellement. Par exemple Franck Ramus, professeur à l’Ecole Normale Supérieure et directeur de recherche au CNRS voit des bénéfices aux résultats apportés par ces recherches. Il nous a confié qu’elles sont selon lui un moyen de mieux comprendre les personnes désavantagées notamment celles ayant des troubles neurologiques ou psychiatriques, et ainsi par la même occasion de mieux les prendre en charge. Il considère que le fait de comprendre les causes génétiques d’une différence ne conduit pas à discriminer les personnes qui ont cette différence, au contraire: avoir la meilleure connaissance possible du problème permet de le résoudre plus facilement. Mais il affirme aussi que si des discriminations naissent d’une étude, il est nécessaire de légiférer pour empêcher cela. Mais certains vont encore plus loin et envisagent même l’idée d’interdire de telles recherches.

“Should research on IQ be banned?” (Horgan, 2013). C’est le titre d’un article de John Horgan, journaliste scientifique et directeur du Center for Science Writings (CSW) au Stevens Institute of Technology. Il y décrit les réactions qu’ont suscitées plusieurs publications de recherches considérées par beaucoup comme racistes, puisqu’elles montrent souvent des différences de quotient intellectuel (QI) entre différents groupes ethniques. Compte tenu des théories racistes qui persistent notamment aux Etats Unis, John Horgan imagine un système institutionnel régulant et autorisant ou non les recherches menées dans ce domaine, pour éviter que ces théories utilisent des résultats pour tenter de se légitimer.

D’ailleurs, l’article Are There Genes for Intelligence—And Is It Racist to Ask?  (Henig, 2015) cite la professeure de droit et sociologie à l’université de Pennsylvanie Dorothy Roberts souligne que toutes les recherches qui soutiennent le caractère héréditaire de l’intelligence pourraient pénaliser les personnes désavantagées puisque inévitablement, elles seraient utilisées par les courants racistes et sexistes. En cela, elle est en désaccord avec les généticiens comportementaux qui affirment que les études aideraient les enfants intellectuellement désavantagés.

En outre, certains comme Aravinda Chakravarti, généticien à l’université Johns Hopkins, remettent en question la légitimité et la pertinence des résultats de certaines études, affirmant que rechercher des effets génétiques minoritaires devant les multiples raisons qui font que des gens ne réussissent pas scolairement semble complètement inutile.