« La réussite ne dépend que de vous » ou « L’intelligence c’est de famille » : quelle vérité?
Si l’identification des gènes influençant les capacités cognitives des individus est aussi compliquée c’est parce que les facteurs génétiques et environnementaux sont difficiles à séparer. A la suite de la publication d’un papier en septembre 2014 (Krapohl et al., 2014) qui concluait que la forte héritabilité de la réussite scolaire traduisait l’importance de l’influence de la génétique non seulement sur l’intelligence mais aussi sur d’autres traits, Ewen Callaway, journaliste pour Nature, soulignait l’importance relative de l’influence génétique (au mieux 1.8 points de QI en prenant trois variations favorables) par rapport à l’environnement. Reprenant les dires de Daniel Benjamin (Cornell University, Ithaca), il affirme qu’un million de variations favorables seraient nécessaires pour expliquer une variation de 15 points dans les résultats de QI d’une population. Il pointe du doigt la manière dont les études sont menées, majoritairement auprès de jumeaux et avance l’hypothèse que cela ne permet pas d’éviter des erreurs d’interprétation. Plus encore, il revient sur la question de l’identification des gènes qu’il juge difficile du fait de la faible reproductivité des expériences, rappelant que de nombreuses études des années 2000 ont été en partie ou totalement invalidées par un communiqué publié en 2012 (Hewitt, 2011).
La question centrale est, et ce depuis les premières recherches, de savoir qui de l’environnement ou des variations génétiques a le plus d’influence sur les capacités intellectuelles des individus. Dès 1971 (Scarr-Salaptek, 1971), la question de savoir si les minorités noires étaient impactées par des facteurs environnementaux a été au coeur d’études et d’hypothèses. Les réponses à la question sont diverses, notamment parce que les acteurs ne se réfèrent pas aux mêmes processus. Ainsi, dans une étude publié dans The Economic Journal en 2009 (Hewitt, 2009), un groupe de chercheurs s’est intéressé à l’influence de la qualité de l’alimentation auprès des jeunes enfants au Guatemala sur les facultés intellectuelles de ceux-ci une fois à l’âge adulte. Ils ont ainsi mis en évidence qu’une action à prix restreint (donner des barres de compléments alimentaires) pendant les premières année de vie avaient des résultats prodigieux. La psychologue L.A Thompson avec qui nous avons échangé, nous a également indiqué que les études menées en génétique l’étaient sur des populations occidentales et non sur des populations défavorisées. Parce que pour les enfants n’ayant pas accès à l’eau, il est évident que c’est l’environnement qui est prépondérant.
Sur un blog, le chercheur Arjun Adhikari avance une corrélation intellectuelle entre jumeaux élevés ensembles de 10 points supérieure à celle de jumeaux élevés séparément. L’écart selon lui monte à 20 points lorsqu’il s’agit de simples frères et soeurs. Dans un article publié sur le site Slate en 2014 (Lorriaux, 2014), une idée fréquemment défendue est présentée : les enfants de zones prioritaires d’éducation seraient 19% à ne pas avoir de livres chez eux ce qui est avancé pour cause d’inégalité dans la réussite scolaire. Mais dans une interview accordée à The Spectator en 2013, le professeur Plomin rejetait cette idée :
« There’s this slightly misleading fact that kids’ cognitive abilities is related to the number of books in the house. And it’s true that kids who grow up in houses with books are smarter. But that’s not why they’re smarter!”
Une étude du professeur Patrick Griffin qui a suivi les résultats scolaires de 36 000 jeunes australiens a mis en évidence le plafonnement des progressions des meilleurs élèves quand tous étaient placés dans des classes de niveau (Scott, 2013). Cette constatation amène notamment à la conclusion de l’influence directe et indirecte de l’environnement sur la réussite scolaire. L’auteur pointe la vision de talent inné qui pénalise selon lui ceux qui doivent travailler pour obtenir des résultats. Les préjugés, profondément environnementaux puisque fonction du pays ou de la région des sujets, conduiraient les filles à se considérer pas faites pour les mathématiques, par exemple, et seraient le point de départs de cercles vicieux. L’environnement aurait aussi un rôle à jouer dans les rapports qu’entretiennent les enfants avec l’école, notamment par la capacité d’un enseignant à motiver un élève, comme nous l’as confié L.A.Thompson. Néanmoins, certaines études montrent que la génétique est aussi un facteur pour des traits tels que la confiance en soi ou la capacité d’attention (source perdue pour le moment).
Mais selon de nombreux chercheurs, causes génétiques et causes environnementales ne font pas que s’opposer, elles s’entremêlent.
L’idée est que l’environnement des enfants est en partie déterminé par la génétique de leurs parents et est modelé avec l’âge en suivant les inclinations, génétiques, de l’enfant. Certains chercheurs comme Michael W Kraus (Kraus, 2012) estiment que le débat environnement/gènes n’a plus lieu d’être : “I think the debate about Nature v. Nurture or Gene v. Environnement is a little misplaced”
Ces considérations ont conduit les chercheurs à s’intéresser à l’influence des gènes non transmis sur les capacités intellectuelles des enfants. Ainsi, le professeur Augustine Kong et son équipe se sont intéressés aux interactions entre parents et enfants (Kong et al., 2018). Ils soulignent toutefois à la fin de leur article que si l’influence est unidirectionnelle dans ce cas, elle pourrait très bien être bi-directionnelle entre frères et soeurs. Ce phénomène porte le nom de “Nurturing Nature” et, selon le professeur Kong, il impliquerait que la part d’impact direct de la génétique sur les facultés cognitives serait moindre que celle jusqu’ici présentée : “The direct genetic effect is quite a bit smaller than what people thought” (Zimmer, 2018). Mais il traduit selon le professeur Plomin le fait que tout est génétique, car ce qu’on prenait pour l’influence environnementale traduisait une influence génétique indirecte. (Wakefield, 2013)
Enfin, des études ont montré que l’âge de l’individu et son milieu socio-économique avaient une influence sur l’importance relative des influences génétiques et environnementales.