La prostitution peut-elle être une activité libre ? Les prostituées sont-elles toutes des esclaves plus ou moins conscientes de leur condition, ou existe-il des prostituées de choix ?
Au sein d’un réseau, subsiste-il une part de souveraineté à celle qui choisit de se prostituer ? La prostitution n’est-elle pas le paroxysme de la domination de l’homme sur la femme dans nos sociétés ? Peut-on parler de métiers du sexe, et quels seraient-ils ?
Cette page vise à présenter les différents arguments de la controverse en rapport à ces questions à travers les différents vecteurs de questionnement.
L’organisation du marché prostitutionnel est décrite au chapitre Marché du Sexe. Le chapitre cherche plutôt ici à décrire le débat concernant la liberté dans la prostitution, lorsque les prostituées font partie de réseaux organisés. Ces derniers sont par ailleurs notamment composés de proxénètes, figures extrêmement controversées et mécomprise du marché prostitutionnel comme décrit dans la partie Marché du Sexe.
Les personnes qui se prostituent sont très souvent dans des situations précaires, ne serait-ce que socialement ou financièrement, même pour les plus aisées d’entre elles. Du fait de n’avoir jamais été déclarée, la prostituée ne peut pas bénéficier de la sécurité sociale ou d’autres aides. Pire, quand bien même elle aurait mis de l’argent de côté, elle ne peut pas abandonner son activité pour ouvrir un commerce car le FISC lui poserait des questions sur l’origine de ce pécule. C’est justement ce dont se plaint Marla, ancienne élève de Sciences-Po Grenoble. Elle est aujourd’hui actrice pornographique en plus de ses activités de prostitution, pourtant plus lucratives, justement pour pouvoir arrêter plus facilement aux alentours de 30 ans comme elle l’envisage.
De cette manière, beaucoup de prostituées sont en quelque sorte emprisonnées dans le système prostitutionnel. Il existe certes des aides pour en sortir depuis la loi de 2016, mais celles-ci sont trop faibles (inférieures au RSA (voir Législation)), ce qui n’encourage pas vraiment un tel parcours. Cette faiblesse des aides est d’ailleurs déplorée par tous les partis de la controverse. Aussi bien par les associations libertaires qui la trouvent injuste, expressément parce qu’elle empêche de sortir de la prostitution celles qui le souhaiteraient, que les auteurs de la loi qui auraient souhaité voir cette aide au niveau du RSA mais se sont heurtés à des opposants qui craignaient une augmentation des migrations.
Ainsi, le système prostitutionnel semble être vicieux au sens où lorsque l’on y rentre, il est très difficile d’en sortir. Rosen Hicher, qui milite aujourd’hui pour l’abolition de la prostitution après s’être prostituée pendant 22 ans, témoigne elle-même avoir essayé plusieurs fois d’en sortir (elle a pour cela exercé plusieurs petits métiers, dont voyante) et être retombée systématiquement dans le système car “[elle] ne savai[t] pas faire autre chose”.
Dès lors, la notion de liberté dans la prostitution se trouve fortement mise en question. Quand bien même on y rentrerait de manière libre, peut-on vraiment choisir d’arrêter ? Et le proxénète qui, par son activité, peut encourager un tel système n’est-il pas criminel d’une certaine manière ? L’histoire de la lyonnaise Ulla est assez édifiante à ce propos: dans les années 1970-80, cette prostituée revendique haut et fort sur les plateaux télévision son désir d’être reconnue comme travailleuse du sexe, métier qu’elle est fière de faire. Elle organise des manifestations pour demander l’accès à certains droits tels que la retraite ou les arrêts maladie. Dix ans après, elle révèle qu’elle était en fait sous le contrôle d’un proxénète et n’était pas libre de dire ce qu’elle pensait réellement. Elle pose alors la question, indignée: “Comment avez-vous pu me croire?”.
La figure du proxénète est de ce point de vue souvent mal-comprise, explique le sociologue Lilian Mathieu. En effet, il se trouve que le proxénétisme est beaucoup plus large que cette simple idée d’exploitant sexuel. Toute personne qui encourage une prostituée à faire son travail, quelle que soit la méthode de soutien peut être accusée de proxénétisme. Ainsi, distribuer des préservatifs aux travailleurs du sexe, assurer leur sécurité pendant les passes pour leur permettre de sélectionner des clients, développer une application de clients dangereux comme l’a fait le programme Jasmine, redonner de la confiance et la capacité de se défendre verbalement et physiquement à des prostituées par des cours de self-défense comme le fait le mouvement SWAG, est une forme de proxénétisme devant la loi qui peut donc être condamnable. Même l’association de prostituées dans des maisons closes font d’elles des proxénètes les unes des autres. À ce titre, le proxénète, bien que souvent condamné, peut avoir un impact positif sur les conditions de vie des prostituées. Pour Marie-Elisabeth Handman, il s’agit en fait de distinguer les vrais proxénètes, ceux coupables d’esclavage sexuel et qui doivent être condamnés, des autres, bénéfiques d’après elle, puisqu’ils permettent une prostitution plus libre et souveraine, dont font partie les prostituées, les videurs, les associations et d’autres encore.
La notion de liberté dans la prostitution n’est évidemment pas la même dans le cas d’une prostituée indépendante ou dans celui d’une esclave d’un réseau prostitutionnel. En effet, si de nombreuses prostituées entrepreneuses témoignent de la liberté que leur donne leur activité, la situation est complètement différente pour celles qui font partie des systèmes de traite.
Nombreuses sont les prostituées qui sont dans le milieu depuis plusieurs années et qui revendiquent que ce métier a bien plus d’avantages comparé aux autres qu’elles ont pu faire (usine, restauration, ménage…). Il leur offre d’après elles une liberté aux multiples facettes : liberté des horaires, liberté du choix du client, liberté des tarifs (même si c’est surtout une illusion puisque le marché impose les prix), et absence de patron. Beaucoup d’entre elles en sont venues à se prostituer à cause du harcèlement sexuel au travail : c’était un moyen de gagner plus d’argent et d’être plus libres. Elles pouvaient alors continuer à s’occuper de leurs enfants et “aller au bureau” – comme elles disent.
A l’inverse, les réseaux de traite ne laissent pas la moindre part de liberté aux prostituées : impossibilité de choisir le client, de décider du déroulement de la passe et de quitter le réseau. D’où la qualification d’esclavage. D’autre part, certains pays autorisent des maisons closes, telles que les Eros Center en Allemagne. Si certaines ne s’articulent pas autour d’une autorité, mais prenne place dans l’initiative de plusieurs prostituées de s’associer entre-elles pour se soutenir les unes les autres, une partie d’entre elles subtilise certaines libertés des prostituées – dans une moindre mesure comparé à la traite : la présence d’un patron ou l’obligation d’un nombre de passes minimum n’en sont que quelques exemples. Si cela permet de remettre les prostituées dans une situation de salariat, cela revient surtout à leur retirer une partie non négligeable de leur liberté. C’est pourquoi certaines prostituées qui étaient parties en Allemagne sont revenues en France, préférant travailler à leur compte.
Toutefois, si les prostituées indépendantes locales se proclament libres, il est souvent difficile pour les étrangères d’exercer leur activité en tant qu’entrepreneuses dans un pays dont elles ne maîtrisent pas forcément la langue ou les codes. La prostitution indépendante est donc souvent réservée aux natives qui réussissent à se maintenir hors des réseaux prostitutionnels.
Les prostituées sont-elles soumises à la toute-puissance du client qui les réduit à des objets sexuels ou au contraire le dominent-elles comme maîtresses de la passe et de son déroulement ? Au coeur de la controverse sur la prostitution se trouve effectivement la question des enjeux de pouvoir et de domination; l’orientation et l’existence-même d’un rapport de force font d’ailleurs débat. La problématique de la domination masculine associée à celle de la liberté est ainsi centrale pour comprendre les différentes conceptions de la prostitution.
La prostitution, avant tout une liberté ?
Nombreux sont ceux qui, se croyant plus avisés que les prostituées, sont persuadés de savoir ce qui serait bon pour elles, affirmant avec condescendance qu’elles sont des victimes inconscientes de la domination masculine. Ils défendent que les prostituées se leurrent complètement lorsqu’elles évoquent le choix qu’elles ont fait, ce qui est perçu par les intéressées comme une forme de mépris insupportable. Ce sont en réalité ces “entrepreneurs de morale” qui exercent sur les prostituées une véritable forme de domination en leur imposant leur vision, explique Françoise Gil dans La prostitution : entre débats et loi.
S’il est par ailleurs clair qu’on ne peut dissocier le proxénétisme d’une forme de domination, réduire la prostitution à ce dernier est évidemment biaisé. D’après Françoise Gil, l’utilisation de l’expression “système prostitutionnel” tend à favoriser l’amalgame entre les différentes situations existantes et à soutenir la confusion entre client et proxénètes qu’on appelle sans distinction “prostitueurs”. Refuser l’existence d’une prostitution libre et assumée, c’est faire la négation de la parole des prostituées qui la revendiquent et d’une réalité beaucoup plus subtile. “Et comment, par exemple, analyser la question de la domination masculine lorsqu’il s’agit de deux hommes ?” questionne-elle finalement.
En outre, Françoise Gil explique que clamer que les prostituées sont dominées et aucunement libres, c’est surtout les enfermer dans position de victime passive. Or elles se revendiquent actives et nier qu’elles ont choisi librement de se prostituer, c’est leur retirer la capacité à faire des choix et leur nature d’être humain. Marie-Elisabeth Handman, ethnologue, explique que “pour une grande partie d’entre elles, la prostitution, c’est la liberté : liberté des horaires, liberté du choix du client, liberté des tarifs (même si c’est surtout une illusion puisque le marché impose les prix), et absence de patron. C’est pour toutes ces raisons qu’elles restent dans la prostitution, elles ne réussiraient probablement pas à retrouver cette souplesse dans un autre corps de métier.”
D’autre part, d’après Marie-Elisabeth Handman, le véritable rapport de force se construit en faveur des prostituées et non du client. En effet, un grand nombre de prostituées témoignent qu’au cours d’une passe, elles ont un véritable pouvoir sur les hommes et les dominent. D’une part, ce sont elles qui choisissent le client, et de l’autre, ce sont elles qui imposent ce qu’elles veulent faire ou pas. Quand il s’agit de cadres, ils ont souvent donné des ordres, infériorisé des gens toute la journée et les prostituées récupèrent des gens exténués qui ont envie qu’on les prenne en main. Elles sont maternantes avec ceux qui ont l’habitude de tout commander. Cependant, à cause de la loi 2016, elles perdent du pouvoir dans ce rapport de force car elles manquent de temps et d’argent.
Le masochisme masculin est d’autre part rarement évoqué, notamment parce qu’il casse l’image de l’homme dominant. On le cache donc pour ne pas embarrasser le client alors que c’est relativement répandu, témoigne Anais, escort girl. Cette censure sociétale empêche donc de voir un pan non négligeable de la prostitution qui reste dans l’ombre, ce qui est exploité par les abolitionnistes.
La prostitution, une domination à plusieurs visages ?
De l’autre côté, la prostitution est vue comme l’expression même de la domination masculine s’exprimant à divers niveaux : elle est à la fois économique — le client vient de payer et ainsi affirmer son aisance économique supérieure à celle de la prostituée, sociétale — on peut difficilement remonter à un temps où le genre masculin, généralement celui du client, n’a pas dominé celui de la travailleuse, et physique — la vision véhiculée de la pénétration, la principale activité sexuelle lors d’une passe, est celle d’une activité souvent considérée comme soumission. La domination est donc inhérente à la prostitution.
En outre, “le système prostitutionnel est celui de la domination du groupe des hommes sur celui des femmes : sur les sexes, le corps et sur les êtres humains dans leur ensemble.” explique Emmanuel Jovelin dans De la prostitution aux client de la prostitution. La prostitution, à travers la marchandisation du corps féminin, est une exploitation des prostituées mais aussi plus largement des femmes : c’est une appropriation de la sexualité féminine par les hommes. Elle doit donc être interprétée comme expression de la domination masculine qui réduit le corps féminin à un objet procurant du plaisir aux hommes.
Quant au proxénétisme, il ne peut être autre chose qu’une forme de domination masculine d’après Emmanuel Jovelin. Les réseaux de traite qui forcent les femmes à se prostituer dans des pays étrangers, en faisant tout pour qu’elles ne puissent pas s’échapper, ne leur laissent pas la moindre portion de liberté. Essentiellement gérés par des hommes, les réseaux ont un pouvoir absolu sur les prostituées qu’ils dominent totalement. Cette vision, Lilian Mathieu s’y oppose : l’oppression et l’exploitation des femmes ne relèveraient pas, selon lui, de la domination masculine. Cette position est par ailleurs raillée par Christine Le Doaré dans Les femmes étrangères rêvent de devenir putes, c’est ça ? (Rue89) : « Vous l’ignoriez peut-être, mais les femmes étrangères prostituées sont venues s’échouer sur nos trottoirs de leur propre chef ! Contrairement aux hommes, qui rêvent de devenir géomètres, maçons, profs ou kinés, les femmes étrangères, elles, rêvent de devenir « putes » ».
De plus, défendre que la prostitution apporte uniquement la liberté et l’indépendance revient à nier la domination financière et sociale qui existe toujours aux côtés de la prostitution. “Vouloir la légalisation de la prostitution implique de nier sa dimension sexiste, mais aussi de gommer les rapports de forces sociaux et économiques particulièrement violents qui y sont à l’oeuvre.” écrit Mona Chollet dans L’utopie libérale du travail sexuel. En rejetant le titre de victime, les prostituées feignent de croire que ce terme décrit uniquement un trait psychologique -attitude passive et pusillanime – et non la place qu’elles occupent dans le rapport de force. Les femmes sont poussées à la prostitution par la domination masculine, il n’existe pas de choix libre.
Rosen Hicher, ancienne prostituée, témoigne par ailleurs de la violence du rapport de force dans la prostitution, expérience traumatisante : “Il n’y a aucune liberté, tout est question d’argent, de domination. Prostitution de rue ou escorting de luxe, maison close, bars ou appartement, la relation qui s’établit entre le client et la personne prostituée est toujours la même : domination et instrumentalisation. Le client prend physiquement possession du corps de la personne prostituée. Déshumanisée, elle devient un objet au service d’un tiers qui peut s’autoriser tous les excès et toutes les violences. Dans le commerce, le client est roi, et dans la prostitution, c’est encore plus vrai”. Enfin, comme l’explique Natacha, escort-girl, dans “Ils veulent dominer une femme, la pute fait le job” (Libération), c’est justement ce rapport de domination que recherche le client en allant voir des prostituées. « On voudrait nous faire croire qu’il vient pour se faire materner voire dominer, mais ce n’est pas du tout représentatif du client moyen. »
Au premier abord, on pourrait penser que la prostitution est essentiellement répartie entre le racolage de rue des prostituées et les réseaux de traite. Cependant, elle englobe bien plus d’activités, allant de celle des escort-girl sur internet à l’assistance sexuelle en passant par les prostitués masculin et transgenre.
Une prostitution via internet florissante
Aujourd’hui, beaucoup d’alternatives à la prostitution de rue se développent suite à la loi de 2016. Une recrudescence du racolage et du proxénétisme sur internet a notamment été remarquée ces dernières années, appelée “cyber-prostitution” ou encore “escorting”. Les escort-girl ou escort-boy, nom utilisé pour qualifier les prostitué.e.s qui recrutent sur internet, postent des annonces sur les sites spécialisés ou passent par des plateformes réservées. Cette partie de la prostitution n’est d’ailleurs pas du tout concernée par la loi de 2016, comme le déplorent les députées Catherine Coutelle et Maud Olivier : dans une première version de la loi, elles proposaient d’interdire sur internet la publicité pour les systèmes prostitutionnels. «Mais internet, c’est sacré, et impossible d’y toucher.» regrettent-elles. Aujourd’hui, on peut signaler un tel site mais la loi n’implique pas qu’il faille le supprimer. Pourtant, d’après les deux députées, si on veut vraiment bloquer la prostitution qui passe par internet, on pourrait repérer les numéros de téléphone et les sites internets; c’est clairement faisable.
Par ailleurs, un certain nombre de prostituées trouvent que la délocalisation de la recherche de client de la rue vers internet leur permet plus de sûreté. Plus besoin de trainer dans des coins glauques pour trouver les clients, elles peuvent faire le tri depuis chez elles via les réponses aux annonces. Plus de pression non plus quant à la pénalisation des clients : « On fixe un rendez-vous privé par mail, observe Prince, escort boy. Comment prouver qu’il s’agit d’une prestation ?”. De plus, d’après le député Guy Geoffroy, « cette prostitution [via internet] a généré l’apparition de nouveaux clients, qui répugnaient à recourir à la prostitution de rue. Le sentiment de s’adresser à une professionnelle indépendante, tout à fait consentante, en même temps que la facilité de la démarche via Internet a pu encourager le passage à l’acte de certains clients ». Elle a également facilité l’accès aux mineures qui commencent à se prostituer, leur permettant de mentir plus aisément sur leur âge.
Un droit au sexe ?
La question d’un “droit au sexe” et des métiers qui pourraient en découler est également source de controverse ; dans le cas des handicapés, plusieurs positions s’opposent. Marcel Nuss, fondateur de l’APPAS (Association Pour la Promotion de l’Accompagnement Sexuel), se bat pour que les handicapés puissent vivre leur sexualité grâce à des accompagnants sexuels, et que cette assistance, aujourd’hui organisée dans la clandestinité, soit reconnue. Il réclame la reconnaissance d’un droit à l’accompagnement sexuel. En outre, Marie-Elisabeth Handman, ethnologue, apporte son plein soutien à cette revendication. “Je pense que c’est un excellente idée. Je ne vois pas pourquoi sous prétexte qu’on est handicapé, on n’aurait pas le droit à une vie sexuelle. Il est donc évident cela devrait faire partie, tout comme la kinésithérapie, des professions paramédicales.” déclare-t-elle. “De plus, selon les prostituées qui offrent leurs services aux handicapés, ceux qui en bénéficient ont besoin de moitié moins de médicament que les autres”. Jill Prévôt, ancienne prostituée reconvertie en assistante sexuelle, explique sa prise de conscience de la douleur des personnes que le handicap prive de sexualité. « J’étais une valide dans un monde de valides. Jusque-là, je n’avais jamais côtoyé de personnes handicapées. J’avais plein de préjugés; je pensais que parce qu’il était tétraplégique, il ne pouvait rien ressentir. Mais ce n’est pas du tout le cas”. Pour Jill Prévôt, ce métier a une grande dimension humaniste, à la fois de partage et de don.
A l’opposé, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rejeté en 2013 une proposition de légalisation de l’assistance sexuelle, au nom de la non-marchandisation du corps humain. « Si une chose est interdite pour tout le monde, pour des raisons éthiques, il semble difficile d’envisager qu’elle soit autorisée dans le cadre d’initiatives individuelles et seulement au profit de certaines personnes » explique ce dernier. D’autre part, légaliser l’assistance sexuelle reviendrait à autoriser une forme de proxénétisme, ce qui n’est bien évidemment pas du tout envisageable puisque contraire à la loi française. De plus, réserver ce droit uniquement aux handicapés participerait à nouveau à l’enfermement et la ghettoïsation de cette partie de la population. Rémi Gendarme, Zig Blanquer et Pierre Dufour, handicapés engagés contre cette proposition, dénoncent l’incompatibilité de celle-ci avec l’impératif d’inclusion promu par la loi de 2005 : en tant que mouvement d’assistance des valides envers les personnes handicapées, elle irait totalement à l’encontre du “modèle social” du handicap prôné. Il faut viser l’intégration et pas l’enfermement dans un ghetto.
Enfin, “s’il est vrai que de nombreuses personnes handicapées rencontrent des difficultés pour accéder à une vie affective et sexuelle du fait de certaines limites physiques et/ou psychiques, l’assistance sexuelle est une mauvaise réponse fondée sur des conceptions erronées” explique le CLHEE (Collectif Lutte et Handicaps pour l’Egalité et l’Emancipation). En légalisant l’assistance sexuelle, on conforterait inévitablement l’idée qu’un rapport affectif ou sexuel entre valides et personnes handicapées n’est pas normal, ce qui ne va ni dans le sens de l’émancipation et de l’autonomie des personnes handicapées ni de leur libération sur un plan sexuel.
La prostitution masculine
La prostitution masculine, si elle est souvent négligée car bien inférieure en proportion à celle féminine, fait néanmoins partie intégrante des métiers du sexe. Elle se distingue cependant de cette dernière sur plusieurs points. Dans Sociologie de la Prostitution, Lilian Mathieu explique que les “carrières prostitutionnelles masculines et féminines diffèrent sensiblement”. Les jeunes hommes qui s’engagent dans un tel parcours ont en effet plus souvent tendance à s’afficher dans les endroits considérés comme lieux prostitutionnels que leurs homologues féminins. Ils fréquentent pour la plupart surtout la scène homosexuelle, mais aussi celle hétérosexuelle à la recherche de la réalisation de certains fantasmes ou d’exotisme, notamment sous une apparence féminine.
D’autre part, la prostitution masculine se développe aujourd’hui de façon significative, sous l’action de divers facteurs. D’un côté, Prince, escort-boy, explique qu’internet est en train de complètement révolutionner la prostitution masculine : « [elle] a toujours existé, mais c’était jusqu’ici seulement dans les hautes sphères. On s’échangeait des cartes de visite dans un milieu fermé. » Aujourd’hui, elle se démocratise de plus en plus grâce à internet. De plus, la prostitution masculine est aussi « une question d’égalité” d’après l’escort-boy. « Il est admis que les hommes ont des besoins sexuels, mais beaucoup de femmes cherchent aussi du sexe, et seulement du sexe. Est-ce que ça doit rester réservé aux hommes? Je ne le pense pas. Cela reste marginal, parce que, culturellement, ce n’est pas accepté. » explique-t-il.
Selon lui, la prostitution masculine sera donc amenée à croître dans le futur via un assouplissement des contraintes sociales.