Un des documents cristallisant la controverse est la charte de Niquinta. Cette charte, qui serait la retranscription d’un concile ayant réuni en 1167 des figures du catharisme, et notamment un « antipape des albigeois», fait partie des sources sur le catharisme ne provenant pas de l’Inquisition. Sa première apparition est dans un ouvrage de 1660 de Guillaume Besse, une Histoire des ducs de Narbonne, qui la présente comme une copie de la retranscription originale réalisée en 1222, 1232 ou 1233. Si elle était authentique, cette charte accréditerait fortement la thèse d’une église cathare organisée, ce que les sceptiques nient.

Ce document est éminemment problématique en ce qu’il s’agit d’un hapax : aucune autre trace de ce synode, ni même de la charte à proprement parler, ne se trouve ailleurs dans les sources. De longs débats ont eu lieu sur son authenticité, et ne sont toujours pas tranchés.

Cette charte a longtemps été oubliée, jusqu’à ce qu’Antoine Dondaine, en 1949, l’exploite en tant que compte-rendu d’un concile cathare, à l’appui, donc, d’une historiographie traditionnelle du catharisme. En 1999, Monique Zerner organise une table ronde à Nice, avec notamment Jean-Louis Biget et Anne Brenon, et Julien Roche. À la suite de cette table ronde, Jacques Dalarun, directeur de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IHRT), propose d’en faire une analyse formelle. Il paraît à la suite de cette table ronde plusieurs articles aux conclusions contradictoires ; certains concluant à un faux datant de 1660, d’autres à un faux du XIIIème siècle, et enfin l’analyse formelle concluant à un document authentique. (Zerner 2006)

Ainsi, les chercheurs ayant travaillé sur la charte s’accordent à dire qu’ils ne sont pas d’accord, et que le débat reste ouvert. Pourtant, celle-ci reste parfois citée par certains tenants d’une historiographie traditionnelle comme absolument authentique au vu de l’analyse formelle qui en a été faite par l’IHRT :

La description de Julien Roche (‘La Charte de Niquinta : un point sur la controverse’, Slavica Occitania 16, (2003), 229-45) est absolument formelle et fait autorité, combinant en effet sa propre expertise professionnelle en tant qu’Archiviste paléographe avec une connaissance inégalée à la fois des activités des hérétiques dans le diocèse de Carcassonne dans les années 1220, et aussi du contexte précis dans lequel les hérétiques ont ressenti le besoin de faire faire un vidimus de cette charte en 1223.

Peter Biller dans l’article « Bye–bye le catharisme ? » note p.23, paru dans Cathars in Question (2016), traduction de Anne-Christian Patrick

À l’inverse, les sceptiques peuvent la rejeter en tant que faux. Ainsi, au milieu de toutes les sources sur le catharisme, la Charte de Niquinta apparaît comme symptomatique des débats : celle-ci peut devenir soit authentique, soit fausse, sans place à l’incertitude, selon le bord de l’historien.