L'alcool au volant : un combat perdu d'avance?
Alcool et automobile : un cocktail mortel
Analyse critique des moyens employés
Tentative de Synthèse

 

La répression

 

                 Dans cette partie, nous examinons de près les moyens de répression utilisés dans la lutte contre l'insécurité routière afin de déterminer quels impacts ils ont pu avoir sur l'évolution du phénomène. Il est important de distinguer entre l'évolution de la législation (durcissement des lois observé depuis plusieurs dizaines d'années) et la mise en application de la loi, qui passe par des contrôles plus stricts et plus nombreux et par une condamnation systématique des contrevenants.

 

 

 

 

 


 

Plan du site :

toutes les parties

I.3 ) L'évolution du problème

I.4 ) Dépistage et comptage

II ) Analyse critique des moyens employés

II.1 ) Cadre juridique et historique

II.2 ) La prévention

II.3 ) La répression

III ) Tentative de synthèse

 

 

II.3 ) La répression

 

1 ) Une multiplication des contrôles sur les routes ?

 

                              Depuis quelques années déjà, la Grande Cause Nationale justifie qu'on mobilise la quasi-totalité des forces de gendarmerie à l'approche des grands week-end, en prévention des repas bien arrosés. Mais des efforts importants sont également concédés tout au long de l'année : en 1999, les contrôles de sécurité ont progressé de 10%, les crédits pour les équipements de contrôle ont augmenté de 25%. D'autre part, les contrôles sont mieux coordonnés, plus ciblés et le système de sanctions a légèrement changé, avec notamment la possibilité de payer immédiatement par chèque bancaire.

 

 

2) L'application des lois : différences entre théorie et pratique

 

Comment défendre le prévenu :

               Nous avons interrogé un avocat du barreau d'Orléans au sujet de la défense adoptée pour un individu contrôlé en état d'ivresse au volant. Il nous a répondu qu'il faut tout d'abord différencier deux types de conduites en état d'ivresse: l'alcoolisme occasionnel et la récidive (ou le fort taux d'alcoolémie). Ces deux infractions ne sont pas traitées de la même façon par la justice.

  • La récidive et le fort taux d'alcoolémie :

Les peines prononcées :

    • une suspension de permis.
    • de l'emprisonnement assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve (notamment une obligation de soins).
    • de l'emprisonnement assorti d'un sursis simple.
    • parfois de l'emprisonnement ferme ( de plus en lus souvent).

     

La défense généralement adoptée :

               L'alcoolisme est une maladie qui altère la volonté. De fait, il est difficile pour un alcoolique de prendre la décision de se faire soigner. Le passage devant le tribunal peut être l'occasion d'un déclic qui poussera l'intéressé à faire les démarches nécessaires pour se soigner. L'alcoolisme étant une maladie, elle doit être traitée comme telle, l'emprisonnement n'est une solution efficace. Ce dont a besoin le prévenu, c'est avant tout des soins. Le rôle du tribunal est bien entendu de punir, mais également de prévenir tout risque de réitération de l'infraction. Dans ces conditions, une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis mis à l'épreuve est la seule peine apte à prévenir le risque de récidive et à protéger les intérêts de la société. Une fois soigné, le prévenu ne fera plus parlé de lui car l'infraction qui lui est reprochée est strictement liée à l'alcool.
               Pour éviter l'annulation du permis ( hors le cas où elle est automatique) et une suspension trop sévère, la défense avance le fait que la perte du permis de conduire pendant une période donnée, conduit souvent à une perte d'emploi. Celle ci entraîne à son tour un déclassement social et des difficultés évidentes pour une personne déjà malade. S'il faut punir, il ne faut pas aggraver la situation.

 

  • L'alcoolique occasionnel :

Les peines prononcées :

    • des amendes.
    • une suspension de permis.
    • des peines de prison avec sursis (parfois du sursis mis à l'épreuve).
    • rarement de l'emprisonnement ferme.

La défense généralement adoptée :

               Le but est de démontrer que le prévenu n'est pas un alcoolique habituel et qu'il s'agit d'une simple erreur de parcours. La conduite en état d'ivresse est sanctionnée parce qu'alors le conducteur n'est plus maître de lui. Or justement, c'est quand on n'est plus maître de soi qu'il est impossible d'avoir conscience du fait qu'il ne faut pas conduire. Il convient également, même si la loi ne prévoit rien à ce sujet, de s'interroger sur la responsabilité des tiers ( patrons de café, discothèque,...), qui ont laissé partir au volant de son véhicule le prévenu alors qu'il était ivre, et qu'il n'était plus capable d'avoir lui même conscience de ce qu'il ne devait pas conduire.
               Les mêmes arguments que dans le cas précédent sont développés pour évitet une suspension de permis sans amménagement. D'autre part, les avocats mettent en avant le fait que la conduite avec un taux légèrement supérieur à 0,5g/L peut arriver à n'importe qui et n'est qu'un accident de parcours.

 

La réaction des associations de victimes:

               Certaines associations de victimes de la route, comme la fondation Anne Cellier, accusent les gouvernements de ne pas vouloir contrarier les conducteurs afin de ne pas perdre d'électeurs. Mme Cellier voudrait que les politiques cessent de penser avec une logique électorale. De plus, nous avons vu que les lois avaient été modifiées en 1995, année d'élections présidentielles et qu'en 2002, d'après les prévisions pour 2003, le budget accordé à la sécurité routière doit faire un bond de plus de 50%.
               D'autre part, Mme Cellier regrette que le problème de la sécurité routière soit gérer par le Ministère des Transports et non par le Premier Ministre. Elle voudrait également une coopération entre tous les ministères afin d'assurer une stratégie cohérente dans la lutte contre la violence routière.

               La famille d'un jeune homme de 22 ans tué dans un accident de la route a attaqué l'Etat pour "faute lourde de la justice": le chauffard était en état d'ivresse aggravé. Or, neuf mois plus tôt, l'homme avait déjà provoqué un accident alors qu'il conduisait sous l'empire de l'alcool, et le tribunal ne l'avait condamné qu'à une peine modeste : 1 000 F d'amende et six mois de suspension de permis. Il n'avait repris le volant que depuis trois mois lorsque l'accident arriva.
               Pour Me Jehanne Collard, vice-présidente de la Fondation Anne-Cellier contre l'insécurité routière, la responsabilité de l'État est engagée. « Il s'agit d'une bavure judiciaire, explique l'avocat. Cet individu était passible de deux ans de prison ferme, une amende et une suspension de permis sur une longue période. Or, les magistrats ont choisi la sanction minimale : aucune peine de prison, même avec sursis, une amende symbolique et une suspension de permis de courte durée. Le laxisme de la justice l'a encouragé à récidiver. » Me Collard demande donc que l'État soit condamné à verser un euro symbolique aux proches de la victime. Et la vice-présidente de la Fondation Anne-Cellier de conclure : « Accepter cette requête, c'est admettre que la tolérance de la justice à l'égard de l'insécurité routière doit cesser. »
               Cette procédure judiciaire peut-elle aboutir ? Au cours de ces dernières années, plusieurs « bavures judiciaires » ont pu ainsi être reconnues. Cette évolution donne des raisons d'espérer à Me Jehanne Collard. « La justice a commis une erreur tragique en sous-estimant le danger que représentait le chauffard, constate-t-elle. Les magistrats n'ont pas rempli leur mission de garant de la sécurité publique, et ce dysfonctionnement a coûté la vie à un homme. Le scénario du drame était écrit d'avance. »

 

 

 

 

 

 

Adrien Charpentier et Samuel Bozonnet - Controverse
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