Ce
qui ressort fortement des appels lancés par les associations
de défense des victimes, c'est que la société "accepte"
chaque année de payer à la route son lourd tribut de morts
et de blessés, alors même qu'elle se révolte contre
des risques moindres dans nombre d'autres domaines : l'insécurité
ou la crise de la vache folle n'en sont que deux exemples parmi d'autres.
Ce qui semble caractériser notre problème, c'est la relative
absence des victimes, ces gens comme nous "qui n'ont pas eu
de chance", des personnes souvent fauchées dans la fleur
de l'âge. Alors que les Anciens Combattants sont bien organisés
et très présents dans les lieux scolaires, les associations
de proches des victimes de la route, comme la fondation Anne-Cellier,
pénètrent encore rarement dans la sphère scolaire.
Peut-être est-ce là l'une des clés pour comprendre
ce phénomène qui engendre quelques 8000 morts chaque année.
La prévention
: un outil trop pratique ?
Il
apparaît dans cette étude que les responsables politiques
ont eu le choix des outils pour lutter contre le problème de
l'alcool au volant, et notamment, ils ont dû déterminer
dans quelle mesure la répression devait s'accompagner de mesures
préventives. Cet équilibrage nécessaire et tout-à-fait
justifié (nul ne remet en question l'utilité d'une de
ces méthodes) a cependant pu être biaisé par une
observation très simple : si la prévention coûte
cher, la répression est bien plus délicate à faire
passer quand il s'agit de lutter contre la consommation (intempestive)
d'une boisson nationalement appréciée. On a d'ailleurs
pu constater qu'à chaque durcissement de la loi, les condamnations
réellement prononcées tardent à atteindre les sanctions
prévues par les textes. Du point de vue des responsables politiques,
la prévention a pu être privilégiée par souci
de ne pas prendre des mesures impopulaires, réclamées
notamment par certaines associations de victimes.
Un sujet
d'hypocrisie sociale ?
En
conclusion, il faut se demander si les ambiguïtés décrites
ne relèvent pas d'un seul et même phénomène
d'hypocrisie sociale : ceci tend à montrer que la société
refuserait d'assumer ses responsabilités dans le domaine de l'alcool
au volant, préférant fermer les yeux sur les dangers liés
à deux plaisirs nationaux que sont la consommation d'alcool d'une
part, et la conduite d'autre part. Cette attitude ferait écho
au comportement de chaque individu qui, bien qu'informé par les
multiples campagnes de prévention, rejette trop souvent la
faute sur l'autre sous prétexte que "moi, je conduis
bien" ou "moi, je tiens bien l'alcool".