L'équité sociale

Le péage urbain est souvent considéré comme une mesure injuste, socialement parlant. A première vue, ce retour de « l’octroi » pour reprendre la formule de Denis Baupin, l’adjoint chargé des transports à la Mairie de Paris, favoriserait les usagers aisés qui pourraient s’acquitter facilement de la taxe et serait synonyme de « sélection par le portefeuille ». Il pénaliserait également les banlieusards, ceux-ci ayant davantage besoin de leur voiture, le réseau de transport en commun se faisant de moins en moins dense au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Paris.
Cependant, lorsque l’on se penche sur la question, on remarque rapidement que la question de l’équité sociale est bien plus complexe.

En effet, si les recettes sont utilisées dans le but de moderniser et améliorer les transports en commun, les bénéficiaires seront les usagers des transports en commun. De nombreuses études ont fourni les profils des automobilistes à Paris. Elles ont montré que le revenu moyen de ces individus était supérieur de 30% à celui des usagers des transports collectifs. Dès lors, si les recettes générées par le péage urbain étaient utilisées pour financer les transports en commun, le péage urbain occasionnerait un transfert, depuis les automobilistes plus aisés, vers des classes plus modestes.

En réalité, le problème est insoluble tant que l’on ne se met pas d’accord sur ce qu’est une mesure « juste ». Ainsi, faire supporter à chacun le même coût (tant que celui-ci n’est pas exorbitant) peut être une solution juste. Mais ceci est particulièrement injuste quand on raisonne en pourcentage du revenu et un tarif en fonction des revenus serait plus équitable. Il faut donc faire un choix. Chacune de ces conceptions correspond à une philosophie différente, et il n’en existe pas une plus « vraie » que l’autre. Matthieu Glachant, lui, opte pour la première solution et précise : « On accepte sans problème de payer un prix uniforme pour un ticket de métro ».
De la même façon, les défenseurs du péage urbain citent l’exemple du stationnement payant, qui constitue indéniablement le premier des péages urbains, et qui n’est pas particulièrement controversé, bien que le principe soit similaire à celui du péage urbain.

Des deux solutions précédentes, la première est de loin la plus réaliste, quant à la réalisation pratique du péage urbain. L’étape suivante réside dans le choix du tarif. En effet, un montant trop important rendrait l’installation particulièrement discriminatoire et donnerait des résultats trop extrêmes. Ainsi, les résultats de la voie rapide lyonnaise TEO équipée d’un péage, restent mitigés. Devant les tarifs qu’ils jugent trop élevés, les usagers préfèrent emprunter d’autres itinéraires. Par conséquent, comme la voie est peu fréquentée, il est impossible d’en baisser les prix.
De même, l’autoroute A 14 reliant La Défense à Orgeval est loin de faire l’unanimité. En s’acquittant de la somme de 4,40 euros à 6,50 euros selon l’heure de passage, il est possible de faire les 16 kilomètres en un temps très court. Il n’est pas à la portée de tous de débourser une telle somme quotidiennement. Et dans les faits, pendant qu’une poignée d’automobilistes rejoignent La Défense rapidement sur une autoroute au trafic fluide, les autres s’entassent sur l’itinéraire gratuit qui se trouve complètement saturé, ce qui ne contribue pas à faire baisser la pollution.

Les effets distributifs du péage urbain dépendent cependant du type de péage choisi. Voici les résultats de trois scénarii (Types de péages) réduisant chacun le trafic de 20% :

Un péage de zone concernant Paris intra-muros générerait une perte moyenne de 1,60 euros par jour quel que soit le revenu de l’usager.
Un péage de zone concernant Paris intra-muros et agrémenté d’une réduction s’élevant à 90% pour les résidents (comme c’est le cas à Londres) occasionnerait une perte moyenne de 1,30 euros, ce chiffre étant beaucoup plus élevé quand on se restreint aux classes les plus modestes et aux banlieusards.
Un péage de type cordon à l’entrée de Paris impliquerait une perte quotidienne de 1,90 euros, là encore beaucoup plus importante pour les classes les plus modestes et les banlieusards.

Ainsi, il existe des péages urbains plus ou moins équitables et le travail des économistes consiste à en étudier les effets redistributifs et l’équité sociale.

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