Il peut être surprenant de voir qu’un produit de la santé, un vaccin, bénéficie d’une stratégie marketing digne d’un produit de la grande consommation. Afin de populariser au plus vite leur vaccin, les laboratoires ont mis en place une campagne de publicité massive. Des spots publicitaires télévisés ou au cinéma sont diffusés un peu partout aux Etats-Unis. En France, outre les dépliants informatifs usuels disponibles chez les médecins, les gynécologues, les plannings familiaux etc., on rencontre aussi des encarts publicitaires dans les journaux et les magazines féminins : les firmes trouvent là un moyen efficace d’atteindre leur clientèle cible.
Voici une interview du Professeur Claude Béraud, professeur honoraire à l’université de Bordeaux, ancien vice-président de la Commission de la Transparence de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, ancien membre du Conseil Médical et Scientifique permanent de la Mutualité Française, qui nous explique ce qu’il en est de la législation concernant la publicité pour les médicaments, et de l’enjeu que cela représente pour les firmes pharmaceutiques.
La politique du médicament français se fait dorénavant à Bruxelles. Au sein de l’Union Européenne, la publicité pour les médicaments est interdite sauf pour quelques catégories des soins : anti-VIH, anti-diabète et vaccins.
Les laboratoires exercent un lobby important sur le Parlement européen. France Prescrire, et la Mutualité Française, ont créé une association qui a pour but de solliciter Bruxelles afin de continuer à empêcher la publicité pour les médicaments en Europe. Pour l’instant, ils ont réussi, mais une nouvelle directive va être présentée après les élections européennes concernant la publicité pour l‘ensemble des médicaments en Europe.
Pour l’instant, en France, la publicité sur les médicaments est interdite sauf pour les vaccins.
La mise sur le marché des deux vaccins contre le cancer du col de l’utérus est un énorme enjeu pour les deux laboratoires concernés, car c’est l’occasion unique pour eux de faire de la réclame pour leur marque.
Leurs campagnes sont donc extrêmement agressives et misent sur la culpabilisation des mères de famille. Cette campagne conduit les mères affolées à amener leurs filles chez le médecin en exigeant qu’elles soient vaccinées, ce qui est discutable sur le plan éthique.
En tant que médecin, je fais sortir du bureau la mère et je discute avec la fille de cette vaccination en lui expliquant notamment ce qui n’est pas dit dans la campagne de publicité, à savoir notamment qu’elle peut être contaminée sans pénétration lors de rapports sexuels. Je n’accepte pas la demande des mères automatiquement.
Je ne suis pas contre le vaccin, mais je ne le prescris que dans les conditions énoncées ci-dessus.
Certains journalistes n’hésitent pas à mettre en avant dans leurs articles des exemples de méthodes soient-disant utilisées par Glaxo-Smith-Kline et Merck pour favoriser l’augmentation de leurs ventes. Par exemple dans un article du New York Times daté du 19 août 2008, on peut lire :
« To encourage vaccination on campus, Merck provided the American College Health Association with an unrestricted grant to train its officers to speak about the new vaccine and to create kits to discuss cervical cancer and promote the vaccine for college health services. The association now recommends the shot for all female college-age students, even though many in that group already have HPV, rendering the vaccine less useful.”
Pour approfondir ce point, consultez en annexe un article du New York Times du 19 août 2008.
En allant plus loin, des journalistes ont accusé les laboratoires de corruption. Le premier cas date de septembre 2008 : dans son émission télé Markt, la chaîne publique allemande WDR déclare que la Société allemande des assurés et des patients, la DGPV, censée promouvoir les intérêts des citoyens de manière non partisane, aurait été payée par l’industrie pharmaceutique pour promouvoir le vaccin contre le cancer du col de l’utérus : Sanofi Pasteur MSD aurait reconnu avoir versé 15 000 € à la DGPV en échange d’une promotion de son produit.
Un peu plus tard dans l’année, une deuxième accusation de corruption est lancée. On peut lire dans Le Figaro du 19 décembre 2008 qu’un procureur suédois a ouvert une enquête préliminaire sur des soupçons de « corruption et de fraude » de la part de membres de plusieurs comités du prix Nobel. Il accuse ni plus ni moins la firme AstraZeneca, qui perçoit des royalties à la fois sur le Gardasil et sur le Cervarix, d’avoir payé pour que l'Allemand Harald zur Hausen, qui a découvert le papillomavirus, reçoive le prix Nobel de médecine 2008, aux côtés des Français Luc Montagnier et Françoise Barré Sinoussi (pour la découverte du virus du sida). Dans son article le journaliste explique les liens qui unissent certains membres votant du comité Nobel de médecine et la compagnie AstraZeneca, faisant apparaître tout l’intérêt qu’auraient des personnes à ce que Harald zur Hausen recoive le prix. L’auteur parle de « corruption active », alors que les personnes concernées se défendent de malversation et abus d’influence.