Etudes scientifiques et avis des professionnels de la santé


Quelques cas particuliers de composés controversés ou reconnus nocifs

Les antioxydants sont des molécules réduisant les radicaux libres, au fort pouvoir oxydant, dans l’organisme, et ainsi protégent les molécules organiques comme les lipides et l’ADN. Les plus connus sont le bêta-carotène (provitamines A), le tocophérol (vitamine E) et les polyphénols. L’étude Dietary supplements and human health: For better or for worse ? a confirmé l’importance de leur présence dans l’alimentation, ou de leur apport par des compléments alimentaires, si l’alimentation n’était pas équilibrée, et à des doses nutritionnelles. La différence entre les formes naturelles et synthétisées de ces molécules serait en effet à l’origine des risques que cette consommation impliquerait. Les antioxydants interagiraient avec certains traitements contre le cancer, en protégeant les cellules cancéreuses aussi bien que les cellules saines, comme le confirme un bulletin de l’Institut National du Cancer américain.

L’étude confirme ces données en paraphrasant Paracelse : l’emploi de vitamines et minéraux peut être bénéfique ; c’est la dose qui fait le poison.

Un autre exemple de complément alimentaire mis en cause est celui des mélanges de nutriments comprenant du sélénium (oligo-élément minéral). Une carence aiguë en sélénium peut être à l’origine de graves maladies, comme des cardiomyopathies (maladie de Keshan) ou certaines formes endémiques de crétinisme. De façon plus générale, absorbé dans les doses normales d’un régime équilibré (ou en supplément si les apports sont insuffisants), il a été montré que le sélénium prévient les risques de certaines formes de cancers. L’étude précédemment citée explique néanmoins qu’un excès de sélénium chez certaines populations peut accroître le risque de développer d’autres cancers ou du diabète. La difficulté réside dans le fait que l’action du sélénium demeure encore peu claire, et semble liée à la présence ou non de certaines allèles dans le génome du patient. Des études supplémentaires sont encore nécessaire, et par conséquent la prise de sélénium comme complément alimentaire reste contrôlée.

Le genistein fait également partie de ces molécules controversées. Il s’agit d’une isoflavone contenue dans le soja, dont les avantages ont été vantés pour la réduction des symptômes de la ménopause, pour prévenir l’ostéoporose ou des cancers comme le cancer de l’utérus. Toutefois, l’étude souligne que cette molécule est également suspectée, d’après certaines etudes cliniques, d’avoir une certaine génotoxicité, mais également d’accroître les risques de cancer du sein et de diminuer l’efficacité des traitements employés contre ce dernier en interférant avec eux.

Attitude du monde médical face aux résultats scientifiques et au marché actuel

Les allégations des fabricants de compléments alimentaires ou les réclamations de consommateurs doivent s’appuyer sur des faits scientifiquement prouvés pour être acceptés par le monde médical et les organismes de régulation. Cependant, comme le souligne Sylvie Berthier, ces études doivent être menées sur un grand nombre de personnes pour être révélatrices d’un effet, et c’est extrêmement coûteux. Rares sont donc les informations données s’appuyant sur de véritables études scientifiques. Elle ajoute en outre que le cas des aliments est de plus très complexe : les études ne présentent que le comportement d’une seule molécule, or celle-ci est comprise dans un aliment entier, et son action in vivo peut donc être différente. La réussite d’une expérience in vitro n’implique pas nécessairement qu’elle sera reproduite dans le corps, où de nombreux autres facteurs interviendront, comme les interactions entre organes. On commet ici l’erreur, selon le docteur Guerrier, de séparer le corps de l’individu : On dit que le corps est une machine, et qu’il suffit donc de la brider un petit peu, de faire ce qu’on veut, et que ça va fonctionner. Mais ça ne marche pas du tout comme ça. Parce que le corps n’est pas une machine.

Entre les études réalisées en laboratoire et les interrogations des consommateurs, il y a une responsabilité des médecins, mais ils ne sont pas correctement formés à la nutrition , regrette Sylvie Berthier, déplorant le manque de sensibilisation des médecins et pharmaciens à la nutrition. La conséquence en est, selon le docteur Guerrier, qu’ on est en train de rendre les gens dépendants aux médicaments et compléments alimentaires, alors que normalement c’est juste un moyen de les aider à un moment donné.

Les compléments alimentaires sont en effet dans certains cas une partie de la solution aux problèmes rencontrés, car selon le docteur Guerrier, la diététique a ses limites. Elle n’agit pas par exemple sur les syndromes prémenstruels, sur la dépression, très peu sur la boulimie, l’anorexie, l’acné, les problèmes de circulation. […] C’est pour ça qu’[elle alliait] diététique et compléments alimentaires , qui peuvent alors se révéler utiles, mais restent « une béquille. Mais en même temps dans le milieu médical on ne sait pas comment s’adapter à la source ; ce n’est pas notre culture . L’origine du problème se situe selon elle bien en amont, car c’est notre conception globale du corps qui est remise en question : « Ce qu’on trouve dans la grande distribution n’est donc pas efficace, mais surtout parce que ce qu’on recherche n’existe pas vraiment : on ne peut pas se substituer à la nature. »

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