Précédemment nous avons étudié le fonctionnement de BANCOSOL et de SEWA afin de montrer les particularités de ces différentes IMF. Cela nous a permis de prendre conscience qu’il existe plusieurs manières de faire de la microfinance, dans un but commun qui est la réduction de la pauvreté.
Pour aller plus loin dans la controverse, nous allons compléter cette analyse en se posant la question suivante : De quelle manière les populations locales ont été impliquées dans la conceptualisation de SEWA et BANCOSOL, et comment sont-elles impliquées aujourd’hui ?
| BANCOSOL | SEWA |
Implication des populations locales à la phase de conceptualisation | Elle provient de deux origines :
Cette implication est centrée uniquement sur un service financier.
A priori, elle ne prendrait pas en compte les inégalités dans la communauté et donc il n’y aurait pas de women empowerment («le ciblage des femmes n’est pas voulu a priori […], il reflète [leur] prédominance dans le commerce »
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Ici, les clientes elles-mêmes ont créé SEWA et siègent à son conseil d’administration. SEWA est donc autofinancée.
On est en face ici d’un projet dirigé et conçu par les clients et pour les clients. Cette façon de procéder émane d’une vision interne de la microfinance. |
Implication actuelle des populations locales | Cette implication est visible par la proximité géographique (par exemple s’il existe des défauts de paiement, ou pour faciliter le dialogue).
On la retrouve aussi pour les prêts solidaires : on a alors un membre du groupe responsable de la collecte des remboursements. On induit donc plus de responsabilité dans le groupe et on voit émerger une capacité d’auto-organisation. Cependant, certains critiques (ex : Danny Roy) nuancent ce point de vue en soulignant que les prêts solidaires proviennent surtout d’une volonté de minimiser les défauts de paiement.
Enfin l’implication se traduit dans l’unique formation : avant le versement du crédit, il faut répondre à des obligations légales et présenter des autres services de la banque
| Dans cette ONG, on ne voit pas émerger de problèmes concernant la gestion de la proximité.
Les avantages de cette façon de procéder sont que :
Ainsi, même si le processus n’est pas très différent d’une banque, on voit dans les programmes de MF une insertion qui outrepasse le seul aspect financier, et une implication des clients qui est par conséquent meilleure |
CONCLUSION | Mitigée : les populations sont certes impliquées mais la volonté première n’est pas de les faire participer pour les responsabiliser mais c’est le moyen pour la banque de minimiser les problèmes de remboursement.
On est en présence d’une « participation passive » ou « top down » | Assez bonne : les populations sont actrices car elles sont propriétaires à la base. Il y a plus de participation de la part des clients car ils organisent et gèrent l’institution eux-mêmes
On est en présence d’une participation active ou « bottom up » |
Ainsi, nous voyons que selon les modèles d’IMF, en fonction de leur tendance institutionnaliste ou bien welfariste, impliquent les populations locales de manière assez différente. Nous commençons à voir que ces paradigmes portent également en eux une certaine idée préconçue sur l’emprunteur, qui s’incarne dans le fonctionnement de l’IMF sur le terrain.
Nous allons maintenant faire la synthèse des observations faites sur SEWA et BANCOSOL afin de présenter la vision du citoyen-emprunteur et la conception du développement mise en avant dans chacun des deux paradigmes principaux (institutionnaliste et welfariste).