Fiche Organisations Environnementales
Organisations environnementales
Le combat des associations environnementales, d’abord aux côtés de Rheebu Nuu, puis à l’écart depuis le pacte de 2008
Selon Pierre-Yves Le Meur, anthropologue à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), en Nouvelle Calédonie, il y a eu un jeu d’alliances entre Rheebu Nuu et plusieurs associations écologistes locales. Leur but était de chercher une « légitimité autour d’un discours écologiste assez radical, et une complémentarité entre le comité autochtone et les associations écologistes. » (Propos extraits de l’entretien réalisé le 23/03/12).
Cependant, depuis la signature du pacte de 2008, il estime que « les associations écologistes ont été sorties du débat par Rheebu Nuu. Rheebu Nuu a mis en place un discours de développement durable, alors que les associations écologistes ont adopté un discours plus radical ». En effet, Rheebu Nuu a accepté de négocier avec l’industriel Vale Inco, ce qui a aboutit à la signature du Pacte pour un développement durable du Grand Sud, en septembre 2008. Rheebu Nuu a dès lors choisi de modérer son discours et a intégré des organismes comme l’ŒIL et le CCCE (Comité Consultatif Coutumier Environnemental). Si certaines associations environnementales comme EPLP (Ensemble Pour La Planète) et le WWF Nouvelle-Calédonie ont intégré le conseil d’administration de l’ŒIL, d’autres continuent de se battre, un peu à l’écart, comme Corail Vivant. « Nous avons travaillé et agi [avec le comité Rheebu Nuu] sur le terrain jusqu'en 2007, période de la signature d'un pacte liant l'entrepreneur aux autres acteurs qui a créé, entre les principaux acteurs, l'OEIL (Observatoire écologique sans véritable efficacité ni pouvoir). Pour ce qui nous concerne nous avons été écartés dès 2008 de toute approche », regrette Didier Baron, président de Corail Vivant (propos extraits d’un mail envoyé à notre équipe le 14/05/12).
Ci-dessous sont présentés les points de vue de trois associations écologistes néo-calédoniennes impliquées dans la controverse autour le l’usine de Goro.
- CORAIL VIVANT
« Notre dernier mot n’a pas été dit » : un combat ininterrompu contre les impacts négatifs de l’usine
L’objectif principal de cette association est de préserver les récifs coralliens de Nouvelle Calédonie et l’écosystème du lagon. Didier Baron, que nous avons contacté, insiste sur son opposition au projet Vale Inco : « Nous étions, bien entendu, opposés au projet INCO. Nous ne pensions pas que la Province Sud serait capable d'élaborer une législation sur les installations classées et d'en décréter efficacement l'application (Ce qui se vérifie encore aujourd'hui). » Didier Baron critique notamment les procédés utilisés pour l’extraction du nickel : « Le procédé d'extraction latéritique par la voie acide présente entre autres deux dangers majeurs : la faible teneur (1,2) du minerai induit un décapage plus important des sols pour parvenir au même niveau de production latéritique (2.7). Donc une destruction plus importante. L’autoclave à 400° sous pression représente un danger continu mortifère sur un grand rayon. Bien entendu les autres pollutions (tuyau, imprégnation des nappes, dénaturation des sols et des cours d'eau (Chgt du PH), production de CO², pompage dans le lac de Yaté,etc...)… Il était à craindre enfin un bouleversement socio-économique de la région peuplée de tribus. »
Bien qu’étant écarté des négociations depuis 2008, date de la signature du pacte, Corail Vivant continue sa lutte : « notre dernier mot n'a pas été dit. Notre fondement repose sur la remise de la gestion entre les mains du peuple Kanak du site […] Il faut savoir qu'une fuite de 100 tonnes d'acide a provoqué l'évacuation de l'usine la semaine dernière », indique Didier Baron.
D’une collaboration avec Rheebu Nuu à une prise de distances
Corail Vivant a, entre 2000 et 2001, cherché à convaincre les populations locales des dangers potentiels que représentait la construction de l’usine de Goro. « Vis à vis de ces tribus nous nous sommes rendus à une réunion du "comité d'embauche" à l'invitation du Grand Chef Atiti (qui était totalement pour cette implantation). Après avoir évoqué tous ces risques nous avons indiqué que nous serions à sa disposition dans l'espace coutumier. Nous l'avons supplié de mettre en œuvre une structure de vérification technique qui aiderait à la prise de décision des coutumiers. Il sortit de cette réunion le comité Rhéébu Nùù avec lequel nous avons travaillé et agi sur le terrain jusqu'en 2007 », indique Didier Baron.
Cependant, l’association Corail Vivant reconnait qu’il est difficile de faire valoir son point de vue, surtout depuis 2008, date à laquelle Rhéébu Núú a pris ses distances en signant le pacte. Depuis, Corail Vivant communique principalement par le biais d’un magazine trimestriel et par une radio associative.
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ACTION BIOSPHERE
Une association en opposition à la pollution générée par l’usine
Action Biosphère est une association écologiste qui est représentée au conseil d’administration de l’ŒIL. Yorita Lauvray, présidente d’Action Biosphère, a répondu à nos questions par mail. L’association s’oppose à l’usine de Vale Inco : « Comme l'a écrit un internaute sur le site du journal les Nouvelles Calédoniennes de la semaine dernière : " Action Biosphère dénonce cette
usine depuis 14 ans", nous avons été les premiers.... », nous a écrit Yorita Lauvray le 16/05/12. L’association regrette notamment que le classement du lagon au patrimoine mondial de l’UNESCO ne soit pas suffisant pour protéger la zone : « Avec ce classement, le Sénat Coutumier et nous avions l'intention de protéger le lagon et par extension toute la Nouvelle-Calédonie. Nous avons très vite démontré que le tuyau posé en "zone tampon", "tuerait" inévitablement la Réserve Merlet à 5 km et les récifs coralliens classés au Patrimoine Mondial, les effluents étant plus légers, plus chauds et toxiques. ». Action Biosphère préconisait le classement de l’intégralité de la Nouvelle-Calédonie, à des degrés divers selon l’impact anthropique. Si six zones sont désormais protégées, les abords des régions minières ne le sont pas. « La pollution prend des allures de destruction systématique et touche déjà les zones protégées. », explique Yorita Lauvray.
Faible écho dans les médias
Tout comme Corail Vivant, les moyens d’action de l’association Action Biosphère sont limités en raison du faible intérêt des médias. Ainsi, la présidente d’Action Biosphère nous déclare que « les médias officiels ne nous donnent pas la part belle, seuls deux hebdomadaires locaux acceptent nos articles, ce qui ne nous apporte pas d'adhérents supplémentaires. Nos articles essentiels sont sur notre site. Nous sommes des bénévoles et fonctionnons avec nos fonds propres. Les médias conventionnels semblent enfin nous emboîter le pas depuis peu. »
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EPLP (Ensemble pour la planète)
Site internet ici
« L’homme n’est ni à côté, ni au dessus des écosystèmes. Il est dedans. »
Au cours de l’émission « Temps de parole », diffusée sur RFO Nouvelle-Calédonie le 23/11/2010 (vidéo accessible ici), Martine Cornaille (présidente d'EPLP) répond dans ces termes au journaliste qui lui demande si elle est contre le nickel : « En tout cas on est contre le nickel tel que son exploitation a été menée jusqu’à présent. Donc si cette activité économique semble incontournable pour la NC, il faut qu’elle soit faite de façon à ce que l’essentiel, qui est notre environnement, soit préservé. Puisque encore une fois l’homme n’est ni à côté, ni au dessus des écosystèmes. Il est dedans. » Martine Cornaille dénonce en particulier la politique fiscale appliquée envers les industries minières. « Lorsqu’on parle encore des cadeaux fiscaux qui sont faits aux industriels, par le biais de la défiscalisation, ou de la détaxation du fioul et du charbon, c’est autant de manque à gagner pour la collectivité », s’explique-t-elle. La présidente d’EPLP précise ensuite sa position : « Il n’est pas question de ne plus faire de nickel, il est question de faire du nickel autrement ».
Une association active au sein de l’ŒIL
Martine Cornaille est membre du conseil d’administration de l’ŒIL, en tant que représentante des associations écologistes. Céline Duron, chargée de communication scientifique au sein de l’ŒIL, nous a indiqué que l’avis des associations était souvent pris en compte lors de réunions : « EPLP est très active, donc régulièrement, en situation de crise, on fait des bilans sur les actions de communication, sur les données qu’ils ont, sur celles qu’on a … Donc à l’occasion de réunions, on les sollicite pour savoir si les études qu’on peut mener sont pertinentes, … » (Propos extraits de l’entretien réalisé le 15/05/12).
Pour accéder aux cartographies, cliquer ici pour celle d'avant 2008, et ici pour celle d'après 2008.