La sphère juridique permet de défendre la diversité des petits commerces en centre-ville en mettant en place des réglementations locales. Il convient de préciser que la régulation du commerce ne se fait pas tellement par des lois au niveau national mais plutôt par des réglementations locales décidées par les collectivités locales et plus spécialement le maire.
On s’intéresse aux petits commerces sédentaires de détail, dans toute leur diversité (boulanger, fruitier, libraire, artisan,…). Les relations étroites qui ont toujours existé entre cette activité commerciale et la ville ont été bouleversées par trois évènements majeurs le long de la deuxième moitié du XXème siècle :
- L’urbanisation croissante.
- La généralisation de l’automobile.
- L’apparition des grandes et moyennes surfaces.
À cela s’ajoute aujourd’hui la croissante progression du commerce électronique dans tous les domaines (environ +30% par an) bouleversant de façon profonde la nature même des relations « commerçant – client ». En parallèle, nous assistons aussi à un retournement du comportement de la société civile, qui suivant de nouvelles valeurs comme la protection de l’environnement, le développement durable et la recherche du vendeur expert, s’est défait de son étiquette de consommateur de masse et devient « consommateur expert »* : demandeur d’une offre variée, de qualité et proximité, économe de ses déplacements. (*Expression de Gérard Monédiaire, maître de conférences de droit public et directeur du CRIDEAU).
L’objectif de cette sphère juridique est désormais de rechercher un équilibre stable entre les grandes surfaces commerciales et le petit commerce traditionnel à travers une législation spéciale essayant de s’adapter, qui de nos jours est qualifiée comme droit de l’urbanisme. Nous allons ainsi décrire de façon chronologique l’évolution de cette législation de l’urbanisme. Comment elle a essayé de s’adapter aux changements du mode de vie des citoyens, ainsi que détailler les conséquences des différentes mesures qui ont été prises au cours du temps.
L’origine de cette législation remonte aux années 1970, lorsque face à la montée en puissance des grandes surfaces durant la dernière décade, la législation de l’urbanisme fait sa première apparition dans l’histoire à travers la mise en place de la fameuse loi de Royer (27 décembre 1973) dont le but était de sauver le petit commerce en limitant la croissance des grandes surfaces. Cette première apparition de l’urbanisme commercial peut donc être décrite, nous citons l’expression de Gérard Monédiaire dans sa fiche Plu et Commerce : « l’urbanisme commercial a été conçu à l’origine comme une police économique ». Malheureusement pour le petit commerce, cette loi n’obtient pas l’équilibre recherché entre les deux types de commerce, et entre 1974 et 1996 la surface de vente autorisée par an passa de 500 000 mètres carrés à 1 million, et atteint le chiffre record de 4 millions de 1996 à 2008.
À ce stade, on constate bien que la « qualité de l’urbanisme » (la beauté ou pas des grandes surfaces et hypermarchés en centre ville) était loin d’être une préoccupation pour les législateurs. Les mesures prises étaient de caractère purement économique.
Il me paraît intéressant faire remarquer à quel point la vision purement économique de l’urbanisme commercial n’était pas compatible avec les lois régissant dans l’Union Européenne. Cette incompatibilité s’est manifestée par plusieurs évènements majeurs, parmi lesquels : la plainte devant la Commission Européenne de la part du groupe allemand ALDI critiquant une législation fondée sur des critères concurrentiels, est à souligner. Face à la menace d’être inculpée, la France décide de modifier ses règles de contrôle de l’implantation commerciale. La grande nouveauté adoptée est de supprimer tout type de documentation spéciale ne concernant que l’urbanisme commercial, et à la place, d’intégrer cette régulation dans des documents d’urbanisme locaux : c’est la naissance de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, couramment appelée loi SRU ou loi Gayssot, texte qui modifia en profondeur le droit de l’urbanisme et du logement en France. La loi SRU a eu un fort impact dans le droit de l’urbanisme avec :
- le remplacement des schémas directeurs (SD) par les schémas de cohérence territoriale (SCOT) ;
- le remplacement des plans d’occupation des sols (POS) par les plans locaux d’urbanisme (PLU) ;
La loi SRU représente donc un pas très important en imposant la compatibilité des autorisations d’exploitation commerciale avec les SCOT.
Toutes les nouveautés apportées par la loi SRU sont notées de façon détaillée dans l´historique.
Un nouveaux pas est réalisé le 4 août 2008, c’est la mise en place de la Loi de Modernisation de l’Économie (LME) n°2008-776 du 4 août 2008. La nouveauté la plus remarquable apportée par cette loi correspond aux nouveaux critères adoptés pour l’obtention de l’autorisation de construction de tout local dont la surface de vente dépasse les 1000 mètres carrés. En effet, les nouveaux critères n’ont aucune considération économique, mais par contre prennent en compte la qualité architecturale, le développement durable et le respect de l’environnement.
Puis, l’avancée majeure permettant la régulation par le droit de l’urbanisme, correspond à la mise en place de la loi Grenelle 2 n°2010-788 du 10 juillet 2010 qui introduit la prise en compte de la nature du commerce dans les documents d’urbanisme locaux. Pour cela, la loi Grenelle délimite des zones d’aménagement commercial (ZACOM) qui organisent le territoire.
Après ce petit résumé de l’évolution de cette sphère juridique, on constate que de nos jours l’urbanisme commercial consiste en une superposition entre le droit commun de l’urbanisme intégrant la problématique commerciale et la législation spécifique du code de commerce décrétant un nombre maximum de mètres carrés autorisés (plus de 3 millions en 2009, 2010 et 2011).