La découverte des premiers antidépresseurs remonte à 1957. Deux cliniciens, Nathan Kline et Roland Kuhn, ont mis en évidence de façon indépendante les propriétés antidépressives de substances qu’on appelle aujourd’hui les Inhibiteurs de la Monoamine Oxydase (IMAO) et les antidépresseurs tricycliques. Cependant, la prise de ces substances s’accompagnait trop souvent d’effets secondaires indésirables (hypotension, vertiges, tremblements…). Aussi, les laboratoires pharmaceutiques ont mis au point une nouvelle génération d’antidépresseurs, les Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine (ISRS, SSRI en anglais), qui comportaient, selon eux, moins d’effets secondaires. L’une des molécules les plus emblématiques fut la fluoxétine, commercialisée en France en 1988 sous le nom de Prozac.
Depuis la fin des années 1980 et l’émergence des ISRS, la consommation des antidépresseurs dans le monde n’a cessé d’augmenter. Cependant, de nombreuses voix se sont élevées contre leur utilisation pour soigner la dépression. Certains les jugent inefficaces, d’autres leur opposent un traitement non chimique, fondé sur la psychothérapie. Mais alors, faut-il prescrire des antidépresseurs ?
Mettons-nous dans la peau d’un prescripteur (psychiatre, psychologue, médecin généraliste…) chargé de traiter un patient potentiellement dépressif. Pour savoir s’il faut ou non lui prescrire un antidépresseur, nous devons tout d’abord déterminer si ce patient est réellement dépressif, et si oui, à quel point : la question du diagnostic est déterminante en vue d’une éventuelle prescription. Si le patient est effectivement dépressif, il paraît intéressant de remonter aux causes biochimiques et/ou environnementales de sa dépression afin de mieux en combattre les symptômes visibles. Enfin, pour guérir effectivement le patient, nous devons établir quel traitement sera le plus efficace pour améliorer significativement son état, et ainsi nous poser plusieurs questions : les ISRS sont-ils plus efficaces que des placebos ? Quels sont leurs effets secondaires, leur efficacité à long terme ? Sont-ils plus efficaces que les traitements par psychothérapie ? Si nous pouvons répondre à ces questions, nous serons en mesure de savoir s’il faut, ou non, prescrire des antidépresseurs à notre patient.