Le cancer : hasard, environnement, génétique?

Entretiens

Épidémiologiste et biostatisticienne à l’institut Gustave Roussy :

          Les réactions vraiment violentes suscitées par l’article sont réellement frappantes car certains scientifiques étaient outrés que les résultats de l’étude mènent à croire que 2/3 des cancers étaient le fruit du hasard alors qu’on fait des études sur d’autres causes. L’étude ne paraît pas si incohérente car on ne connaît pas tous les facteurs de la cancérogenèse et considérer que le cancer n’est pas que le résultat de facteurs exogènes ne peut pas être exclu. Une erreur de réplication, une erreur mécanique pourrait en effet être une cause de cancers qu’on ne peut expliquer que par des facteurs exogènes.

           L’article réalisé par Cristian Tomasetti et Bert Vogelstein n’est donc pas dénué de tout contenu scientifique car les calculs et conclusions de la première partie de l’article ont du sens et se tiennent alors que ce sont celles qui ont provoquées des réactions d’opposition très vives.

Sociologue française réagissant à l’article de Tomasetti et Vogelstein:

       Ce qui dérange dans l’article de Tomasetti et Vogelstein est qu’ils ont effectué des comparaisons entre les organes, sauf qu’en agissant de la sorte, ils absolutisent un processus naturel de la genèse du cancer sans jamais évoquer le fait que pour qu’il y ait initiation du processus, il faut qu’il y ait un évènement qui se passe et cet évènement est exogène et non endogène.

      Les répercussions de cet article sont négatives. En effet, ce type d’article est terriblement contre productif,car il fait croire que la science va trouver quelque chose qui explique le cancer.Il y a une fascination pour une science toute puissante.

         Les facteurs environnementaux restent prédominants. Leur référence au hasard porte uniquement sur la comparaison entre deux types d’organes, c’est parce que des cellules de certains organes se reproduisent plus vite que le hasard joue. Le rein est l’organe d’épuration par lequel les toxines passent,donc une autre hypothèse serait que c’est parce que l’exposition aux agents toxiques est beaucoup plus fréquente que le cancer du rein se développe plus.
Si après la seconde guerre mondiale, on avait commencé à récolter des données sur les personnes atteintes de cancer,on aurait aujourd’hui une base très importante qui permettrait de réaliser des études statistiques et de mettre en place des politiques de santé publique.
Il y a aussi un gros problème qu’est la reprise du travail pour les personnes actives atteintes de cancer lié au travail: ils reprennent leur activité dans le même lieu, avec les mêmes agents cancérigènes .

         Il y a eu boom médiatique car cela va a l’encontre de l’idéologie dominante. Massivement, depuis 70 ans,grâce au travail qu’ont fait les industriels pour instruire le doute sur la toxicité d’un produit, la seule industrie qui n’a pas complètement réussi étant celle du tabac, toute la santé publique et tout le corps médical ont centré la causalité du cancer sur les comportements individuels,sans instruire de ce qui se passe au niveau métabolique et de l’accès a la nourriture (dans le cas de l’obésité et des cancers sous jacents). La où ce n’est pas cher et où les produits ne sont pas de qualité, on a une connaissance des facteurs collectifs de mise en danger et pourtant , on n’est pas prévenu car les industriels bloquent. Le livre de Stéphane HOREL Intoxication:Perturbateurs endocriniens, lobbyistes et eurocrates : une bataille d’influence contre la santé traite de ce sujet. Les industriels utilisent des stratégies de désinformation et de disqualification des scientifiques disant le contraire. Pour revenir sur les différents impacts entre les 2 articles, c’est triste que ça ait fait la première page du monde, on est dans un engrenage qui cherche a servir les intérêts des grands groupes. Ce qui est très surprenant,ce sont les médecins qui alertent et qui ne sont pas entendus.