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Un système qui ne fait que des gagnants ?

Que ce soit dans l'assurance santé ou automobile, les programmes "connectés" sont présentés par les compagnies comme des systèmes de récompenses. En effet, peu importe son comportement, le client ne percevra en aucun cas des pénalités. Dans le meilleur des cas, il obtiendra des réductions qui se manifesteront différemment dans le secteur automobile et dans la santé. S'il vient à ne pas remplir ses objectifs santé ou s'il obtient une mauvaise note de conduite, il n'aura aucune augmentation de tarif ou toute autre sanction. Cependant, selon le docteur Didier Le Vaguerès, président de la Fédération des médecins de France de l'Essonne :

"Récompenser certaines personnes, c'est en punir d'autres"

Didier Le Vaguerès.[0]

Il compare notamment ce système au système scolaire, en nous donnant l'exemple d'une classe d'élèves. Si certains ont des cadeaux parce qu'ils ont eu une bonne note, les autres sont alors punis puisqu'ils n'en ont pas.

Un système qui profite à tous ?

Lorsque nous avons rencontré le docteur Didier Le Vaguerès, médecin généraliste, ce dernier a mis en évidence un réel problème d'équité, qui est selon lui un des problèmes majeurs de l'assurance comportementale.

"L'assurance comportementale ne bénéficie qu'à ceux qui n'en ont pas besoin. C'est un débat inutile."

Didier Le Vaguerès.[0]

Dans le domaine automobile, la question ne fait pas réellement débat. En effet, même si une corrélation entre les accidents sur la route et le milieu social de la personne responsable peut sembler évidente, aucun chiffre ne la prouve.

D'après L'enracinement social de la mortalité routière[1], de Mathieu Grossetête :

"Aucun chiffre officiel en France n'établit de corrélation entre le fait de mourir sur la route et le milieu social alors que ce lien existe pourtant bel et bien."

Mathieu Grossetête.[1]

D'après ce même rapport, la société a intégré que chacun est responsable de son propre comportement au volant et les accidents résultent d'erreurs liées à la conduite ou éventuellement du hasard. Tout le monde peut donc agir de façon à être moins dangereux au volant, sans discrimination sociale. L'ajustement de la tarification du contrat d'assurance ne provoque donc pas d'opposition fondamentale du point de vue de l’équité.

Cependant, comme nous l'a indiqué Jean-Xavier Franco, Manager Communication externe et influence, secrétaire général de la direction chez Generali France, il existe une différence fondamentale entre l'automobile et la santé, qui est la notion de responsabilité. En effet, la conduite est liée directement au comportement, alors que la santé est influencée par des facteurs génétiques. C'est là qu'apparaît une première source d'inégalités dans l'assurance comportementale santé. Tout individu dispose de son propre patrimoine qui fait de lui un être unique. En ce sens, il peut être plus ou moins prédisposé au surpoids par exemple, qui rendra la pratique du sport plus contraignante, d'après le docteur Didier Le Vaguerès.

Outre les inégalités que l'on pourraient qualifier de génétiques, il existe également des inégalités sociales qui influencent fortement la santé. Le docteur Didier Le Vaguerès nous a confié que l'assurance comportementale sélectionne par la récompense les clients provenant de classes sociales relativement élevées, qui présentent généralement moins de risques et sont capables d’améliorer leurs habitudes de santé. Ainsi l'assurance comportementale est finalement pour lui "un débat inutile" puisqu'elle avantage les personnes qui en ont le moins besoin. La vraie solution pour améliorer le bien-être général serait au contraire davantage basée sur l'éducation et l'aide des classes les moins favorisées. C'est vers ces dernières que devraient être orientés des moyens supplémentaires.


Références :

[0] Le Vaguerès Didier - président de la Fédération des médecins de France de l'Essonne.
Entretien réalisé le 10 mai 2017 à Paris.

[1] Grossetête Mathieu (2010). L'enracinement social de la mortalité routière. Actes de la recherche en sciences sociales.