Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la volonté de lever l’anonymat ne fait pas l’unanimité même parmi les enfants issus d’un don de gamètes. Les arguments avancés dans les deux sens du débat s’appuient sur le respect et la protection de l’enfant, tout en s’opposant cependant.
D’un côté, il s’agit d’éviter de perturber l’enfant avec un géniteur qui n’est pas son père. On ne veut pas prendre le risque d’immiscer en lui une confusion entre le lien biologique et le lien familial.
Préserver l’anonymat du donneur permet d’empêcher l’enfant de s’attacher à un individu ne souhaitant pas s’engager dans la vie de ce dernier, éviter de le mettre dans une situation de rejet du donneur difficile à vivre psychologiquement.
C’est pourquoi, par exemple, la personne de l’ADEDD que nous avons interviewée prévient que si l’anonymat vient à être levé, il faudra en conséquence développer des organismes et des méthodes pour accompagner les enfants frustrés par la découverte de leur donneur. Cette personne est issue d’un don de gamètes et nous a concédé que de nombreuses questions avaient germé en elle quand elle l’a appris, après ses 20 ans.
D’un autre côté, on peut soutenir que l’enfant souhaite en connaître plus sur son donneur car celui-ci est étroitement lié à sa conception même, donc représente une partie de son histoire. Quand bien même son lien avec le donneur n’est-il que biologique, connaître celui qui lui a transmis ses caractères a un poids important dans la construction personnelle de l’enfant. Pour se construire, se découvrir soi-même et évoluer, il est bon de comprendre précisément son origine.
En effet la sociologue Irène Théry souligne dans son article Don de gamètes, cellules reproductrices humaines : qu’est ce qui justifie l’anonymat ? [1] que certaines personnes « ressentent un malaise dans l’idée qu’une partie de l’histoire de leur conception est manquante et qu’elle se résume à une éprouvette contenant un matériau biologique. »
« Il ne s’agit pas seulement de connaître son patrimoine génétique, mais de pouvoir s’inscrire dans une lignée humaine. »
Et ce, sans parler des risques de maladies génétiques qui pourraient concerner l’enfant à son insu.
Aussi ne suffirait-il pas de délivrer des informations non personnalisantes, d’une part parce que cela ne satisferait pas tous les besoins évoqués ci-dessus, d’autre part parce que cela risquerait au lieu de satisfaire la curiosité de l’enfant de l’attiser plus encore et de ne donner lieu ensuite qu’à une plus grande frustration et sentiment d’injustice.
[1] Irène Théry. (février 2018). Don de gamètes, cellules reproductrices humaines : qu’est-ce qui justifie l’anonymat ?. L’Humanité, Tribune Idées.