Témoignage avec un gynécologue obstétricien


Après notre entretien avec PMAnonyme, nous avons compris que les médecins des CECOS n’étaient en général pas favorables à la levée de l’anonymat. Nous avons voulu rencontrer un gynécologue obstétricien sans lien avec ces médecins et dont l’avis diffère. Ce dernier s’engage sur la question de la PMA en France et est l’une des figures les plus médiatisées à ce sujet, et c’est pour cela qu’il nous a semblé essentiel de le rencontrer. Toutes les informations ci-dessous nous ont été données lors de cet entretien avec lui et sa compagne et correspondent donc à leurs points de vue.

Voici leur témoignage

Ce dernier considère que nous pouvons faire des manipulations diverses et variées pour qu’advienne un enfant mais que nous n’avons pas le droit de lui cacher ces manipulations. Ceux issus de ces dons l’ont rendu sensible à cette question : « vous, vous êtes issu d’un père et d’une mère. Moi, je suis issu d’une mère et d’un matériau biologique, c’est invivable ». Il existe 70 000 personnes issus du don de sperme. Les procédures que nous avons appliquées jusqu’à présent ont été mises en place dans les années 1970 où le modèle familial était composé d’un père, d’une mère et des enfants et la stérilité du père devait passer inaperçue dans le monde extérieur. Et cette mentalité du ni vu ni connu est très nuisible aux enfants qui sont issus de dons.

Je suis issu d’une mère et d’un matériau biologique, c’est invivable

Promettre l’anonymat n’est plus possible à cause des possibilités offertes par internet, donc pour lui, ce n’est même plus la peine d’en discuter. Les CECOS sont tous dans un conflit d’intérêt car ils s’imaginent une raréfaction des donneurs avec la levée de l’anonymat. Pourtant, les pays où cette levée est de vigueur n’ont pas eu ces résultats, seul le profil des donneurs a changé. Il est favorable à une plateforme intermédiaire qui mettrait en relation enfants et géniteurs en posant la question au géniteur de savoir s’il veut rencontrer l’enfant quand lui le voudra. Cette plateforme préciserait bien au géniteur que l’enfant ne peut rien revendiquer.

C’est souvent une déception pour les enfants mais ils ont besoin de rencontrer leur géniteur. Nous ne pouvons pas lui interdire de le rencontrer uniquement parce qu’il pourrait être déçu, ce n’est pas à des personnes extérieures de décider pour lui. Les CECOS ne devraient plus être écoutés sur ce point car selon lui, il s’agit d’un conflit d’intérêt : les CECOS ont peur de voir leur commerce s’éteindre. En France, il est demandé au donneur d’être altruiste alors qu’aucun pays autour ne le fait. Demander un peu moins d’altruisme doit pouvoir s’envisager. Ces personnes ont fait un effort et il semble normal de les dédommager pour cela. L’Église s’oppose à ces changements et le fait comprendre au législateur. De ce fait, beaucoup de chapitres de la loi n’ont pas changé malgré une opinion publique très favorable à ce changement. Il pense que la révision des lois de la bioéthique pourra le permettre. Dans les années 1970, sous l’impulsion de Georges David (médecin transfuseur), les règles de transfusion sanguine ont été transposées au don de sperme.

Les CECOS considèrent que cette envie de connaître son donneur est psychiatrique, qu’il s’agit d’une fixette non justifiée etc. Il défend la liberté et le droit de l’enfant à connaître ses origines. Il nous a parlé d’un patient qui, à chaque fois qu’il prenait l’ascenseur, croyait voir ses enfants. En effet, les donneurs n’ont eux aussi pas accès aux informations sur leur don : ils ne savent même pas si leur don a été utilisé. Il ne faut plus voir le sperme comme un produit biologique. Le nombre d’enfants issus d’un donneur doit émaner d’un dossier national interconnecté pour ne pas pouvoir donner ses gamètes sans contrôle à l’échelle national.

Il défend la liberté et le droit de l’enfant à connaître ses origines.

Selon lui, cette décision est dans les mains du président. Il a essayé de faire avancer la situation dans son service en essayant d’y instaurer le don d’ovules, mais il a été bloqué par son chef. D’après la personne interviewée, le vrai lobbying est un lobbying patriarcal : depuis la nuit des temps, les hommes ont voulu contrôler le corps des femmes et leur appareil reproducteur car ils n’acceptent pas que ce soit elles qui l’aient, c’est une certaine forme de misogynie.

Il a ensuite comparé la situation avec celle de l’IVG. Les personnes contre l’IVG peuvent tout à fait ne pas en faire ! Mais aujourd’hui, elles veulent vérifier que les autres n’en feront pas. Il nous donne l’exemple de personnes venant avec leur fille pour une IVG en disant qu’en tant que catholique, elles ne le feraient pas mais que pour leur fille, elles acceptent. Ainsi, les religieux peuvent se faire des lois et les respecter, mais ils n’ont pas de légitimité pour forcer le reste de la population à les suivre.

L’enfant doit savoir qu’il vient d’un géniteur le plus tôt possible, il faut lui dire et lui répéter à 2 ans, à 3 ans etc. Il doit pouvoir connaître l’identité complète de son géniteur à 16/18 ans, connaître son visage car il fait parti de sa biographie. L’anonymat a été promis au donneur jusqu’à aujourd’hui et il ne peut pas y avoir de loi rétroactive. Il aimerait que les personnes nées de dons puissent solliciter leur donneur en passant par le CNAOP. Il pense que les donneurs ne seront pas opposés à rencontrer leur enfant, après ce geste d’altruisme.

Dans les années 1970, pour un homme, il n’était pas possible d’annoncer sa stérilité. Aujourd’hui, un enfant est éduqué par plusieurs d’adultes et plusieurs adultes peuvent avoir participé à sa naissance. Donc pour lui, il n’y a plus d’argument contre la levée aujourd’hui si ce n’est maintenir la façade bourgeoise de la famille d’antan. Eux, en tant que médecin, ont toujours poussé les parents à en parler aux enfants. Des parents hésitent à le dire à leurs enfants pour ne pas les pousser dans un mouvement de recherche sans succès mais de toute façon, les enfants le sentent, ils ont une sorte de prescience, et leur cacher, c’est pire que tout.

Il n’y a plus d’arguments contre aujourd’hui si ce n’est maintenir la façade bourgeoise de la famille d’antan.

Dans ce cas, où est la controverse aujourd’hui ? Pour le comprendre, il faut aller voir les psychanalystes, restés sur la pensée de Freud, et les CECOS, car ils sont allés voir les parlementaires pour éviter tout changement : le directeur du CECOS de Paris est un militant de l’anonymat.

Il suffit que cette levée de l’anonymat soit prise en compte dans la révision des lois de la bioéthique pour que les changements aient lieu très vite car la société est mûre sur ce sujet. Il y a une grande pénurie de donneurs. Les CECOS ne disparaîtraient pas avec la levée de l’anonymat. Mais ils ont peur que leurs pratiques, qu’ils suivent depuis longtemps, changent.