La remise en question du maintien de l’anonymat du don de gamètes est aujourd’hui d’autant plus légitime que de plus en plus de français contournent la loi par le moyen de tests ADN génétiques facilement réalisables.
La révolution technologique a encore frappé et le domaine de la génétique s’en trouve bouleversé. À l’heure où les hommes sont capables de manipuler le code génétique avec la méthode CRISPR, les tests ADN pour obtenir des informations sur son ascendance sont apparus comme une évidence.
C’est la technique la plus répandue parmi les entreprises privées aujourd’hui nombreuses qui proposent ce service. Parmi elles MyHeritage, LivingDNA, Gene by Gene, AncestryDNA et bien d’autres. [1]
Le développement de la base de données ADN a été rapide : en 2018, on estime au nombre de 18,5 millions le nombre de profils détenus par les grandes entreprises. Ces profils proviennent en majorité des États-Unis, de même que les entreprises elles-mêmes. [2]
Cependant, le test génétique est illégal en France à moins de détenir une ordonnance médicale, une injonction judiciaire ou un projet de recherche strictement défini, qui le permettent. Cela n’empêche pas 100 000 à 200 000 français par an à y recourir sans aucun des justificatifs cités ci-dessus. Pour cela, ils font appel aux entreprises privées étrangères qui livrent en France. Le prix est raisonnable (60 à 100 euros) et le processus simple. Il suffit de répondre à un questionnaire sur le site de l’entreprise et d’envoyer à celle-ci un échantillon de salive. Rien qui ne suffise à décourager les personnes nées par don de sperme qui cherchent désespérément à retrouver leur donneur.
Pourquoi la France se borne-t-elle à interdire le recours à ces tests ADN ? Catherine Bourgain, sociologue, généticienne, directrice du Cermes3 (unité Inserm 988, Villejuif) et membre du comité d’éthique de l’Inserm s’exprime à ce propos dan l’article Tests génétiques « récréatifs » : Juste un jeu ? de l’Inserm [1]. Elle met principalement en avant le risque de vente de données récoltées par les entreprises privées. En effet, elle stipule que « cet été, 23andMe a vendu à GlaxoSmithKline une licence exclusive d’accès aux données de ses 5 millions de clients pour 300 millions de dollars. » Au delà de l’argument de protection des données non garantie, un argument social et éthique est également de mise : « Ces tests véhiculent un discours qui réduit la parenté, l’identité et la santé à leurs dimensions génétiques. », ce que nous ne valorisons pas en France.
« Les test ADN véhiculent un discours qui réduit la parenté, l’identité et la santé à leurs dimensions génétiques.
Tous ne sont pas de cet avis, c’est pourquoi certains français décident de braver l’interdit pour trouver leur donneur par ces tests génétiques. Le premier en France à avoir mené cette action et à l’avoir médiatisée est Arthur Kermalvezen. Non seulement il a retrouvé son géniteur par ce moyen, mais il a partagé son expérience à grande échelle par l‘intermédiaire de son livre Le Fils. Son géniteur a également été interrogé sur Europe 1 pour témoigner. Arthur Kermalvezen et sa femme Audrey, également née d’un don de gamètes, militent aujourd’hui pour la levée de l’anonymat du don de gamètes au nom de leur association ORIGINES.
[1] Inserm (février 2019). Tests génétiques « récréatifs » : Juste un jeu ?. Sciences.
[2]https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_ADN_généalogique