Méfiance vis-à-vis du Docteur Tobacman

Les études du docteur Tobacman ont été ignorées par la communauté scientifique qui les considère faussées ou dotées d’une mauvaise méthodologie, notamment par la toxicologue Myra Weiner ou les scientifiques de l’industrie des carraghénanes (H. Bixler). Cependant, les réseaux sociaux donnent une plateforme pour ces études rejetées par la communauté scientifique. Les études affirmant la nocivité des carraghénanes sont critiquées pour leur manque de rigueur dans les protocoles scientifiques, elles semblent ne pas suivre les “good laboratory practices” qui sont considérées comme preuve d’une étude bien menée. (Weiner, 2016)(Weiner, 2014).

Si les méthodes n’ont pas de failles, elles sont accusées d’être irréalistes et de ne pas correspondre à des conditions réelles, les résultats n’auraient alors pas de valeurs réelles car ne représentent aucune situation possible. Certains tests n’utilisent en effet pas de carraghénanes mais des polyghénanes (une molécule différentes des carraghénanes et qui a des effets néfastes reconnus sur la santé).

Nombreux sont ceux qui ont produit des articles montrant que les carraghénanes ne sont pas dangereux pour la santé ou bien inoffensifs au vu des doses consommées (Kirsch, 2002).

“Effects of carrageenan on cell permeability, cytotoxicity, and cytokinegene expression in human intestinal and hepatic cell lines” (McKim et al, 2016) décrit une reproduction des expériences de Tobacman : cette reproduction n’a pas donné les résultats de Tobacman. Ces expériences ont été financées par FMC Corporation et par l’International Food Additives Council (IFAC).

La NOSB (National Organic Standards Bound), malgré sa recommandation contre l’autorisation des carraghénanes dans la nourriture biologique, admet que la science est plutôt du côté de l’autorisation et donc qu’elle a pu céder à des pressions pour émettre ses conclusions qui perdent ainsi de leur poids. (« What Is Carrageenan? », s. d.)

Des études contradictoires

Des études ont été faites récemment et ont démontré des résultats contraires à ceux montrés auparavant par les scientifiques anti-carraghénanes en suivant les mêmes protocoles.

Les détracteurs du docteur Tobacman critique la fait que la littérature scientifique sur la toxicité des carraghénanes citée par le docteur Tobacman et le Cornucopia Institute pour défendre leur cause contient beaucoup d’études qui ne satisfont pas les standards GLP et certains articles datent de plus de 40 ans.

Le comité mixte FAO/OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) de lOMS a entrepris en 2015 un examen de la sûreté des laits infantiles, qui touchent la partie la plus vulnérable de la population. Le JECFA a exprimé « des préoccupations concernant l’innocuité des carraghénanes utilisée dans les laits maternisés pour nourrissons de moins de 12 semaines. » (Weiner et al., 2015). Weiner et ses collègues (2015), qui citent cette étude, ont fait des tests sur des bébés cochons, les animaux ayant le système digestif le plus proche de celui des humains. Cette étude n’a montré aucun effet négatif dû à la consommation de carraghénanes (Weiner et al., 2015).

Dans cet article Weiner remarque que le comité “Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA)” rassemble des toxicologues expérimentés qui donnent leur avis sur la sûreté des additifs et a la confiance de plus de 130 pays. Ce comité a approuvé les protocoles de cette expérience et a autorisé l’utilisation de carraghénanes dans le lait infantile et dans les préparations pour enfants  ayant besoin d’une attention particulière. Ce comité a également revu les résultats du docteur Tobacman n’y a rien trouvé qui lui paraissaient pertinent (Joint Expert Committee on Food Additives, 2007).

Les scientifiques ne sont pas nécessairement pour l’arrêt de la consommation des carraghénanes car, malgré l’idée du principe de précaution, cela n’est pas justifié scientifiquement mais signifie aussi que les industriels vont devoir se rabattre sur des additifs différents, plus nombreux et qui modifieront le processus industriel de fabrication des produits qui seront alors plus cher. Les défenseurs de l’utilisation des carraghénanes avancent que les personnes qui parviennent à influencer les législateurs dans leur sens ne sont pas qualifiées scientifiquement ou présentent des études faussées mais réussissent malgré tout à obtenir des mises en garde envers les carraghénanes. Ils craignent que cela ne constitue un précédent pour l’univers de l’agro-alimentaire qui serait alors régi par des règles imposées par celui qui est le plus bruyant et non par ceux qui sont qualifiés pour émettre une opinion. (site Food Science Matters, s. d.). Ce site appartient à Dupont Nutrition and Health qui produit notamment des carraghénanes. Comme rapporté sur ce site, aucun cas d’empoisonnement ou de maladie causés par des carraghénanes n’a à ce jour été prouvé.

Un contraste entre les sphères scientifique et publique

Les carraghénanes sont aujourd’hui des additifs autorisés dans l’industrie agro-alimentaire dans tous les pays suivant des dosages et des utilisations précises ( suivre le lien pour plus de détails). Les organismes de régulation et les industriels acceptent les études effectuées en nourrissant des animaux et relus par d’autres scientifiques alors que les personnes recommandant la méfiance envers les carraghénanes sont critiqués car ils préfèrent se baser sur des études discréditées par la communauté scientifique telles que celles du docteur Tobacman qu’ils cherchent à rendre populaire auprès du public (Bixler, 2017).

Les industriels et les scientifiques n’ont pas vu l’impact qu’auraient pu avoir les articles du docteur Tobacman et se sont contentés de les classer comme irrecevables au lieu de tout de suite les discréditer. Ces études considérées comme faussées par la communauté scientifique ont ainsi pu trouver un écho chez les associations et sur les réseaux sociaux. Les personnes refusant les conclusions du docteur Tobacman accusent également certains blogueurs (Food Babe) de faire du sensationnalisme pour attirer les clics et les visites sur leurs blogs (c’est ainsi qu’ils gagnent de l’argent) et de ne pas avoir de véritables preuves scientifiques de ce qu’ils avancent ni de réputation établie dans le monde de l’agro-alimentaire.


Bibliographie :

Weiner, M. L. (2016). Parameters and pitfalls to consider in the conduct of food additiveresearch, Carrageenan as a case study.

Weiner, M. L. (2014). Food additive carrageenan: Part II: A critical review of carrageenan in vivo safety studies. Critical Reviews in Toxicology, 44(3), 244‑269. https://doi.org/10.3109/10408444.2013.861798

Kirsch, P. P. (2002). Carrageenan: a safe additive. Environmental health perspectives, 110(6), A288–A288.

What Is Carrageenan? (s. d.). Consulté 30 mai 2019, à l’adresse Food Science Matters website: https://www.foodsciencematters.com/carrageenan.html

Weiner, M. L., Ferguson, H., Thorsud, B., Nelson, K., Blakemore, W., Zeigler, B., … Mahadevan, B. (2015). An infant formula toxicity and toxicokinetic feeding study on carrageenan in preweaning piglets with special attention to the immune system and gastrointestinal tract. Food and Chemical Toxicology, p. 120‑131.

Joint Expert Committee on Food Additives (Éd.). (2007). Evaluation of certain food additives and contaminants: sixty-eighth report of the Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives ; [Geneva, 19 – 28 June 2006]. Geneva: World Health Organization.