Le diagnostic
pré-implantatoire

       
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Contexte général
Le bébé médicament
Extension du DPI pour le cancer
Le bébé médicament

          

        Après plusieurs débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat, après l’audition de plusieurs intervenants, le décret d’application autorisant la pratique du « bébé médicament » est finalement paru en France le 22 décembre 2006, plus de deux années après le vote de la loi relative à la révision des lois de bioéthiques, le 6 août 2004.

 

I/ Mais qu’est-ce que le bébé médicament ?

 

        Les parents ayant un enfant atteint d'une maladie incurable peuvent avoir recours à une technique d'assistance médicale à la procréation (fécondation in vitro) pour bénéficier du diagnostic préimplantatoire et ce, afin de mettre au monde un bébé capable de guérir l'aîné, grâce à des cellules-souches prélevées dans le cordon ombilical à sa naissance.

              Ces cellules sanguines du cordon sont destinées à être greffées chez le membre de la fratrie victime d'une maladie grave et pour lequel cette solution représente la seule chance de survie.

              Par conséquent, le DPI doit permettre de repérer les embryons qui sont à la fois sains et compatibles avec le système HLA de l’enfant malade. René Frydman (hôpital Antoine-Béclère, Clamart) considère que cette technique est « relativement bien maîtrisée ». Pour pouvoir être réimplanté, l’embryon doit passer un triple test : être apte à se développer, être exempt de la maladie recherchée et être compatible avec son aîné. Il estime qu’au terme de ces trois sélections un embryon sur seize pourra être réimplanté.

 Cependant, les maladies concernées et susceptibles de faire l’objet d’une greffe sont rares, la plus répandue étant l’anémie de Fanconie. La greffe ne réussit par ailleurs pas à tous les coups. Selon Carine Camby, directrice de l’Agence de la biomédecine, une dizaine de familles seront concernées chaque année.


II/ A l’Etranger


        La pratique de cette nouvelle extension du bébé médicament  est cependant réalité depuis plusieurs années hors de la France. C’est aux Etats-Unis qu’Adam, le premier bébé médicament, a vu le jour en 2000 pour sauver sa soeur aînée Molly.


Adam et Molly

 
         La plus haute juridiction britannique a autorisé, le 28 avril 2005, le recours à cette pratique au terme de plusieurs années de bataille juridique. Les
Law Lords ont à l’unanimité confirmé la décision d’une Cour d’appel d’avril 2003. Leur décision met un terme à la bataille juridique engagée par un groupe de réflexion sur les questions bioéthiques, « Comment on Reproductive Ethics » (CORE), pour interdire cette technique. En 2001, l’autorité britannique de régulation de la procréation assistée (HFEA) avait autorisé des parents d’enfants malades à recourir à un DPI accompagné d’un typage tissulaire (choisir un embryon dont les tissus sont compatibles avec ceux de l’enfant malade). Cette décision avait été annulée en première instance en décembre 2002. A l’issu du jugement, la fondatrice de CORE, Josephine Quintavalle, avait déclaré : « C’est exactement le scénario de bébés faits sur mesure que le pays a en horreur ».

Cette pratique est également autorisée en Belgique et en Espagne.

En Suisse, en revanche, les Chambres fédérales ont accepté en 2005 le principe du DPI mais ont interdit le bébé médicament Le 1er juin 2006, les évêques suisses ont affirmé, dans une déclaration, que « la Suisse doit donner un signe clair en interdisant le « bébé médicament », le principe même du DPI, et toute autre forme d’instrumentalisation des embryons humains », et proposent une autre alternative à ces pratiques éthiquement inacceptables : l’encouragement aux dons d’organes, de sang et de moelles osseuses.

Même aux Etats-Unis, où le bébé médicament est accepté, les réticences furent nombreuses à la naissance d'Adam face au risque d’instrumentalisation de l’enfant à naître. Témoignant de cette inquiétude et tout en même temps de leur volonté d’offrir une nouvelle chance aux familles touchées par une pathologie incurable, les députés français ont, en légalisant le bébé médicament en 2004, donné naissance au terme « bébé du double espoir », destiné à rappeler que ce type de diagnostic préimplantatoire doit d’abord être guidé par le désir d’enfant et le désir de vie.

 

 

III/ Les interrogations
 

Au commencement du débat de nombreuses interrogations ont été synthétisées par le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) dans son avis du 4 juillet 2002.

  

Les contraintes médicales imposées par la pratique du bébé médicament ne sont pas à négliger. La stimulation ovarienne fait courir à la mère le risque de l’hyperstimulation, et être contraignant. En ce qui concerne les embryons, au maximum deux d’entre eux sont transférés avec une probabilité d’aboutir à une grossesse de l’ordre de 12 à 15 %. Si le préjudice immédiat pour l’enfant donneur est inexistant, on peut être cependant conduit à proposer ensuite des greffes de moelle en cas de nouvelle atteinte hématologique. En d’autres termes la rechute de l’hémopathie (maladie des globules rouges, des globules blancs ou des plaquettes) amène à envisager de nouveaux « dons » à partir de l’enfant compatible. De nouveaux problèmes sont alors posés. Il s’agit de s’interroger sur les contraintes médicales subies par l’enfant qui n’a « rien demandé » et qui sera susceptible de devoir supporter d’autres opérations au cours de sa vie.

 

Sur un plan proprement éthique, la finalité thérapeutique de sauvetage de l’enfant malade risque de l’emporter sur l’attente spécifique du second enfant. L’assistance médicale à la procréation est déviée de son objectif initial et devient une aide à la thérapeutique d’un tiers. Ainsi le risque de dérive est important, vers un eugénisme positif visant à sélectionner du « bon ». Se pose alors la question majeure de l’instrumentalisation de l’enfant à naître. Si le DPI devait révéler des embryons indemnes, tout en n’étant pas HLA compatibles, le fait de les rejeter ne revient-it pas à considérer l’embryon comme un instrument de l’intérêt de l’enfant malade ? Les parents doivent être avertis de toute éventualité. Apparaît enfin le problème relationnel au sein de la famille où règne l’affrontement de la situation d’un enfant qui va mourir à celle d’un enfant qui risque d’être assujetti.


IV/ Le vote de la loi en France
 

Jean-Yves Nau, journaliste au Monde, a récemment mentionné brièvement dans un article, daté du 15 novembre 2006, le processus aboutissant au vote. Il écrivait : « Une majorité des membres du CCNE se prononça contre ce qui leur apparaissait être une instrumentalisation humaine. Une minorité, "par souci de solidarité", jugea impossible de s'opposer au "désir des parents de suivre une procédure de DPI pour obtenir des embryons sains et compatibles." La révision des lois de bioéthique de 2004 a vu une majorité se prononcer en faveur de la position défendue par la minorité du CCNE. » Mais d’après une interview que nous avons faite de Stéphane Viville, chef de service de biologie de la reproduction au CHU de Strasbourg, le journaliste Jean-Yves Nau « manipule les médias » en interprétant trop rapidement l'avis du CCNE.  Il est nécessaire, par conséquent, de s’intéresser aux étapes qui ont conduit au vote de la loi.

   

Le projet de loi relatif à la bioéthique a tout d’abord été déposé à l'Assemblée Nationale le 20 juin 2001 par Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, au nom de M. Lionel Jospin, Premier ministre. Il avait alors déjà deux ans de retard par rapport à l'échéance de révision des lois fixée en 1994. Durant ce même mois, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France rappelait sa « ferme opposition à l’utilisation de l’embryon à des fins thérapeutiques ».

   

Le projet a été ensuite examiné par une commission spéciale présidée par M. Bernard Charles et dont M. Alain Claeys était le rapporteur. Il a été adopté en séance publique le 22 janvier 2002.

   

 

Le CCNE a été saisi pour donner son avis sur la question de l’extension du DPI, notamment au bébé médicament. Cet avis reste favorable, contrairement aux écrits de Jean-Yves Nau, sous condition que l’attente d’un deuxième enfant soit la motivation première de la démarche (cf encadré). Il semble donc que Jean-Yves Nau ait mal interprété l’avis du CCNE, qui refuse l’instrumentalisation de l’enfant mais accepte un dépistage s’il est secondaire dans l’intention des parents.

   

Le professeur Axel Kahn, célèbre généticien français, a insisté sur la nécessité de traiter les demandes au cas par cas. Dans son intervention auprès du Sénat en décembre 2002, il approuve la pratique dans le cas de Molly mais la refuse dans un cas comme celui de Florian, un garçon atteint d’une maladie semblable à celle de Molly mais non génétique.

   

« […]Dans sa très grande sagesse, Kant a dit « jamais uniquement comme un moyen ». En réalité, on est toujours le moyen de quelque chose […] »

« J'ai toujours considéré qu'il y avait peu d'argument moral pour s'opposer à une telle pratique […] Néanmoins, il faut faire très attention et examiner les choses au cas par cas. En effet, ce sentiment-là ne s'étend pas du tout à d'autres situations que l'on a connues et pour lesquelles j'ai eu l'occasion de prendre une position tout à fait différente. (NDLR : cas de Florian)[…] »

« En résumé, dans certaines situations, notamment dans un cas semblable à celui de Molly, il est difficile, pour des raisons morales, de s'opposer à un diagnostic pré implantatoire. Toutefois, il est très important de ne pas étendre cela à une généralisation d'une pratique de la fécondation in vitro et du tri d'embryons uniquement dans l'intérêt d'un tiers. »

 

Par suite, le Sénat a examiné le projet de loi dont il était saisi en première lecture après l'Assemblée nationale au cours de ses séances des 28, 29 et 30 janvier 2003. Il a discuté différents amendements, dont certains présentés au nom du gouvernement par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, qui modifient substantiellement le texte de l'Assemblée nationale et ont tous été adoptés.

 

            Plus précisément, le troisième point de l’article 17 sur les diagnostics prénatal et préimplantatoire prévoit, par coordination avec la création de l’APEGH (Agence de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine), le remplacement de la référence à la CNMBRDP (Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal), pour les autorisations relatives au diagnostic préimplantatoire.

 

Le professeur Arnold Munnich a fait part à la commission de l’Assemblée, discutant du bébé médicament, des difficultés du praticien confronté à ces demandes concrètes et à une réglementation qui les légitime dans certains cas et non dans d’autres. Il fait part de son opinion sur l’avis du CCNE, concernant le statut de l'enfant à naître.

     

« Au fond, je suis persuadé que l’on ne peut pas être mieux accueilli dans une famille que lorsque l’on a sauvé, en arrivant à la vie, son frère ou sa sœur. Je crois que cet enfant, loin d’être mal reçu, ne sera pas instrumentalisé […] »

« Mon problème, et je finirai par là, est bien plus délicat et douloureux lorsque des couples, dont un premier enfant présente une hémopathie maligne avec une deuxième ou troisième rechute, viennent réclamer l’assistance de la PMA (Procréation médicalement assistée) pour identifier l’embryon potentiellement sauveur de son frère ou de sa sœur […] »

 


Comme le prévoyait la révision des lois de bioéthique, une nouvelle agence devait être créée. Cependant, M. Jean-François Mattei s’est déclaré sceptique à l’idée de sa création, du fait du nombre déjà élevé des agences exerçant des compétences dans le domaine sanitaire. 

Pour le ministre, « regrouper l’Etablissement français des greffes et l’APEGH (…) paraît donc être d’une logique imparable, étant entendu que l’idéal à deux ans serait de préparer le rapprochement de l’AFSSAPS et de cette nouvelle agence, que j’appellerais volontiers, après fusion, si vous en étiez d’accord, l’Agence de biomédecine car, en définitive, c’est bien de biomédecine qu’il s’agit. »

 

La commission a souscrit à la proposition faite par le ministre d’une telle fusion et son rapporteur a proposé d’approuver les amendements du Gouvernement ainsi annoncés.

 

Parmi ses nombreuses missions, l’Agence de la biomédecine est notamment chargée de :

Ø            Délivrer les autorisations des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal et des centres de DPI 

Ø      Agréer les praticiens réalisant de l’assistance médicale à la procréation, du diagnostic prénatal et du DPI, des examens des caractéristiques génétiques
 

        L’Agence de la biomédecine est entrée en fonction au début du mois de mai en 2005.

 

        

V/ Conclusion

        Dès l’été 2005, l'Agence de la biomédecine a effectué un sondage sur un échantillon représentatif de la population française. Malgré le récent vote de la loi autorisant la technique dite du bébé du double espoir, les Français ont marqué leur nette désapprobation pour cette pratique. Même si le sondage révélait que 46% de la population considérait le DPI comme une "très bonne chose", le procédé du bébé médicament ne fut plébiscité que par 35 % des personnes interrogées, quand 47 % des Français s'y montraient totalement défavorables et que 18 % s’y déclaraient « plutôt opposés ».

         Malgré ce sondage, le décret d'application de la loi est paru au Journal Officiel le 23 décembre 2006, sans que celà ne provoque vraiment de remous. De toute façon, étant donnée la date récente de parution du décret, il est clair qu'en France, aucun bébé médicament n'a pu voir le jour pour l'instant, et la controverse reste principalement basée sur des considérations éthiques et morales. Sans doute sera-t-elle réveillée à l'annonce du premier bébé médicament français.

    
        En revanche, il existe une seconde extension du DPI, déjà pratiquée en France, dont les médias se sont saisis et qui de ce fait remet en lumière la controverse du bébé médicament :  l'extension du DPI à la détection de prédispositions aux cancers, en particulier le cancer du côlon.


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