La controverse pas à pas

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Les enfants issus d'un don

Révélation du mode de conception

Lorsqu'un enfant est conçu par IAD, la question de la révélation du mode de conception est primordiale. Faut-il révéler à l'enfant que son père n'est pas vraiment son père ? Si oui, doit-on attendre qu'il atteigne la majorité ? Dans quelles circonstances lui annoncer ? Au cours d'une étude auprès d'une vingtaine d'enfants nés par IAD ([1]), le psychologue Jean-Loup Clément découvre qu'il n'y a pas de révélation-type. Elles ont généralement lieu entre 10 et 30 ans (parfois plus tôt, voir le cas d'Arthur), de façon concertée ou parfois beaucoup plus explosive (dans le cas d'un divorce par exemple)

Mais de façon générale, plus un enfant est informé tardivement, plus il est obligé de relire et de reconstituer son histoire personnelle. L'enfant peut avoir des difficultés à concevoir que ses parents aient eu recours à une telle méthode et le lui aient caché jusqu'alors.

Opinion sur la méthode de l'IAD

La méthode de l'IAD apparaît pour la plupart des enfants IAD comme une preuve d'amour de leur père envers leur mère. Il se placent du côté de leur mère qui a pu vivre ainsi l'expérience de la grossesse et de la maternité. Malgré sa stérilité, le père ne l'a pas privée du désir de grossesse et d'accouchement comme il aurait pu le faire en ayant recours à l'adoption.

Arthur : un trouble lié à la quête de ses origines

Arthur Kermalvezen, étudiant en psychologie, a 24 ans. Comme ses deux sœurs, il est né après une insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD). Au sein de l'association PMA, il milite pour lever l'anonymat du don de gamètes en France.

Interview :

 

Agathe* : elle vit l’anonymat de son géniteur comme une tragédie.

Témoignage. Née grâce à un don de sperme, elle vit l’anonymat de son géniteur comme une tragédie.
Extrait du Point n°1956 Mars 2010.

En bonne avocate, Agathe* a pris des notes et choisit ses mots avec soin. Pour maîtriser le chaos de ses émotions, elle fait un récit structuré, excessivement précis. Mais, dans ce café du 20e arrondissement de Paris où elle a commandé à déjeuner, la jeune femme ne touche pas une miette de son repas. « Je suis nouée, s'excuse-t-elle. Je suis comme un château de cartes dont on aurait brusquement retiré une des fondations : tout s'est écroulé. » C'était en octobre 2009, dans la maison familiale, pendant le petit déjeuner. Brisant, en accord avec son ex-mari, le pacte qu'ils avaient fait trente ans plus tôt, la mère d'Agathe révèle à ses deux enfants qu'ils ont été conçus, son époux étant stérile, avec le sperme d'un donneur anonyme.

Agathe a 29 ans. C'est une juriste brillante à la vie bien construite, qui a un compagnon et projette d'avoir des enfants. Mais la révélation fait l'effet d'une déflagration. « Ma mère a cru bien faire. Elle fait une psychothérapie et a sans doute voulu soulager sa conscience. Elle a surtout pensé que c'était le moment pour moi, avant que je ne devienne mère à mon tour, de connaître la vérité. Mais c'est le ciel qui m'est tombé sur la tête... »

Inquiétante hérédité

La jeune femme quitte la maison familiale. Son premier geste : appeler son père, que pas une seconde elle ne cesse de considérer comme tel, pour l'assurer que rien n'est changé. Le second : couvrir de tissus les miroirs de son appartement, ces glaces qui lui renvoient une image qu'elle ne reconnaît plus. Il y a dans ce teint pâle, dans ces yeux sombres, dans ce corps frêle une part d'hérédité qui lui fait horreur. « En octobre, on parlait beaucoup du criminel Francis Evrard à la radio : cela m'a obsédée. Mon géniteur, lui aussi, était peut-être un assassin... Je me sentais sale. Et puis j'ai fait des rêves atroces : je donnais naissance à un enfant que je rejetais, que je refusais de voir. » Elle a conscience que sa réaction est irrationnelle, purement instinctive. Elle ne croit pas en la prédestination génétique. Alors, pour dompter la tempête intérieure, elle écrit à la banque du sperme qui a réalisé, trente ans plus tôt, le rêve de ses parents.

Le hasard est curieux : Agathe a fait un troisième cycle en droit de la bioéthique. Elle sait qu'en France la loi interdit de révéler l'identité des donneurs, mais elle a des questions, précises. Son frère est-il issu du même don qu'elle ? Combien de grossesses ont-elles été réalisées avec les gamètes de cet homme ?

Consanguinité

Les Centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) disposaient-ils à l'époque d'un fichier centralisé permettant de vérifier qu'un même homme n'allait pas donner sa semence dans toute la France ? « Car c'est la première chose à laquelle on pense : la rencontre possible avec des membres de la fratrie génétique. Mon compagnon a tout de suite vérifié que son père n'avait pas été donneur... »

Des semaines, des mois passent. Agathe insiste, téléphone, puis finit par être reçue. Ses interrogations sont traitées par la commisération. « J'ai été accueillie par un médecin et une psychologue de 22 ans, et j'ai été sidérée par leur amateurisme. Leur seule réponse a été de me conseiller d'aller voir un psy. On m'a dit : "Que votre frère soit votre frère génétique, qu'est-ce que cela peut vous faire ?" Quant au nombre de grossesses réalisées avec le même sperme : cela, visiblement, ne me regardait pas. »

Droit d'accès

Et puis Agathe, qui a demandé que l'on sorte son dossier, ne voit aucun document sur la table. Elle ne s'attend pas à y avoir accès, mais elle imagine que l'acte du don est daté, écrit, classé quelque part avec l'identité précise du donneur, et que la seule vision de ce dossier administratif, fermé sur la table, lui redonnera de la pesanteur. « Car, comme le dit mon frère, on a brusquement l'impression de flotter dans les airs. » Or le médecin est venu les mains vides. Agathe s'étonne. Puis elle comprend : il n'y a sans doute aucun dossier à son nom.

En serrant la main de la journaliste, lorsqu'elle repart le ventre vide, la jeune femme assure tout de même avec ses mots de juriste que son « affaire ne s'arrêtera pas là ». Agathe, pour l'instant, n'a plus envie d'avoir des enfants

* Le prénom a été changé.


Se heurtant à l'impossibilité de découvrir l'identité de leur géniteur, certains enfants issus du don développent des troubles de construction identitaire. Mais la levée de l'anonymat pose le risque d'une tri-parentalité ou d'une déception de l'enfant.
Le nombre de donneurs en France est dans un état critique. La levée de l'anonymat entraînerait à court terme une pénurie encore plus forte, à moins d'envisager une rémunération des donneurs.