La controverse pas à pas

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A l'étranger

Les couples receveurs

En France, les couples hétérosexuels en désir d'enfant peuvent avoir recourir au don de sperme seulement dans des cas bien particuliers stipulés dans la loi sur la bioéthique datant du 29 juillet 1994 :

 

 

Conditions pour recevoir un don :

Le don de sperme étant anonyme, il est impossible pour les familles demandeuses de choisir leur donneur. Cependant, des critères ethniques sont pris en compte (couleur de peau, des yeux, de cheveux) par les médecins afin d'éviter une trop grande différence entre parents et enfant. Le groupe sanguin est également considéré afin d'éviter que l'enfant ne découvre qu'il est issu d'un don de sperme.

En 2005, on comptait 221 donneurs pour 1881 couples demandeurs et un temps d'attente situé entre 1 et 2 ans.

Enquête : le point de vue des couples procréant par don de sperme sur l'anonymat du don de sperme

Dans la revue Andrologie n°20 (organe officiel de la Société d'Andrologie de Langue Française) présentant un dossier intitulé "Procréer par don de spermatozoïdes avec ou sans anonymat", une enquête statistique rigoureuse présente l'opinion d'un des acteurs de la controverse, les couples receveurs, quant à l'information des enfants de leurs origines et à la levée de l'anonymat.

Voici un condensé des données intéressantes à en retirer.

Réalisée en 2006 dans quatorze , l'étude a permis d'interroger 534 couples concernés par le don, et a donc recueilli 1068 témoignanges d'hommes de 36 ans en moyenne et de femmes de 32 ans en moyenne. Elle divisait ces gens en trois catégories : certains n'avaient pas encore eu recours au don (groupe G1), certains étaient en cours d'AMP (groupe G2), les autres en avaient déjà bénéficié et souhaitaient recommencer (groupe G3).

Voici le questionnaire utilisé :

Questionnaire aux couples demandeurs d'assistance médicale à la procréation avec don de spermatozoïdes.

Qui répond à ce questionnaire ?

- homme

- femme

1) La législation française précise actuellement que le don de gamètes est anonyme : un enfant ainsi conçu ne pourra jamais connaître l'identité du donneur ou de la donneuse, même s'il le souhaite.

a) Êtes-vous en accord avec cette disposition ?

- oui

- non

b) Aujourd'hui, envisagez-vous d'informer votre enfant des modalités de sa conception ?

- oui

- non

- ne sait pas

c) Pensez-vous que la législation devrait changer pour qu'un enfant conçu par don de gamètes puisse connaître l'identité du donneur ou de la donneuse s'il le désire à sa majorité ?

- oui

- non

2) Si la législation permettait la levée de l'anonymat des donneurs ou des donneuses, à la majorité de l'enfant s'il le désire :

a) envisageriez-vous toujours de recourir au don de gamètes pour fonder une famille ?

- oui

- non

b) si oui, informeriez-vous votre enfant du mode de sa conception ?

- oui

- non

3) Tout en maintenant leur anonymat, souhaiteriez-vous que des informations non identifiantes concernant le donneur ou la donneuse puissent être données ?

Au couple bénéficiant du don :

- oui

- non

A l'enfant :

- oui

- non

Si oui, préciser lesquelles.

En ce qui concerne l'anonymat, les résultats sont assez probants : 90 à 95 % des hommes et femmes sont en accord avec la disposition législative prévoyant l'anonymat du donneur de sperme, toutes catégories confondues, et ce sans hésitation ou ambiguïté. Les couples ayant déjà un enfant issu du don de gamètes sont cependant moins en accord avec la loi de ce point de vue. Environ un quart des personnes interrogées renonceraient à leur projet parental si la loi levait l'anonymat du don de sperme : assez logiquement, ce sont surtout les hommes qui pensent cela.

En ce qui concerne l'information de l'enfant, plus de 50% des couples pensent expliquer à leur enfant l'origine de sa conception, et très peu sont tout à fait contre l'information. La catégorie G3 est moins favorable à l'information que les autres. Un élément intéressant suit : en cas de levée de l'anonymat, le nombre de personnes souhaitant informer l'enfant descend à 40 %. D'une manière générale, les futurs parents sont plus hésitants sur ces questions.


En ce qui concerne la transmission d'informations du donneur, 35% des femmes et 25% des hommes pensent que des données (non identifiantes) sur le donneur pourraient être transmises au couple, respectivement 30% et 20% lorsqu'il s'agit de les donner à l'enfant. Il s'agit en général de données médicales, et non de données comportementales.

Toutes ces données sont à analyser. D'abord, il convient de nuancer les résultats : les personnes interrogées l'ont été au sein de CECOS, ce qui ne représente pas tout la population désireuse d'avoir recours au don ; de plus, on n'interrogeait pas les gens ayant eu un enfant grâce au don mais ne souhaitant pas en avoir un autre. Des biais dans les réponses sont aussi possibles, sous l'influence des entretiens avec les médecins. Enfin, les couples ne feront peut-être pas exactement ce qu'ils annoncent ici. Exemple : en Suède, une étude a montré que si la moitié des parents envisagaient d'informer leur enfant de ses origines, 11% le faisaient vraiment.

Le fait que les hommes soient plus attachés à l'anonymat et réticents à la transmission d'information concernant le donneur est patent. Cela s'explique évidemment par la crainte de l'apparition d'une triparentalité, de la perte du statut de père, qui se révèle bien réelle.

Ensuite, on pourrait être tenté d'accorder plus de crédit aux réponses du groupe G3, qui a l'expérience de la procréation par don de sperme.

Quoi qu'il en soit, une donnée intéressante apparaît. On argue souvent du fait que la levée de l'anonymat provoquerait une baisse du nombre de donneurs : ici, on voit qu'elle provoquerait aussi une baisse du nombre de demandes, et serait donc un frein à la constitution de nouvelles familles.

Enfin, la levée de l'anonymat semble faire diminuer le nombre de personnes envisageant de révéler à leur enfant ses origines. Or, on recommande de plus en plus aux parents de le faire, dans un souci de bon développement, puisque "une révélation tardive pourrait être très mal vécue par l'enfant".

Cette étude est instructive. Elle donne une idée de l'opinion des couples receveurs, acteurs majeurs de la controverse, dont nous n'avons pas pu interviewer de représentant : le secret qui entoure la procréation par don de sperme rend les recontres difficiles. Elle révèle, en France, une hostilité assez certaine face à la levée de l'anonymat, ce que confirme le peu de personnes qui voyagent pour profiter des législations différentes dans les autres pays. En revanche, les futurs parents sont ouverts à l'information de leurs enfants quant à leurs origines, bien qu'ils se rétractent un peu avec l'expérience.

Dans la même revue, une autre étude est publiée, qui interroge 407 personnes membres d'un couple demandeur. Il ne nous a pas semblé utile de détailler les caractéristiques des personnes interrogées : elles sont assez représentatives de la population qui demande à bénéficier du don. Voici les résultats de l'enquête, qui englobe un champ plus large de questions.

Ces premières données dénotent une certaine propension pour les parents à parler de leur expérience à leurs proches, surtout chez les femmes. Dans une bien moindre mesure, les femmes en parlent sur des forums internet.

Une fois encore, l'intention de parler aux enfants de leur mode de conception est assez généralisée. Toutefois, les conditions de cette annonce sont souvent floues. Rappelons que c'est un sondage d'intentions, et non de faits, donc que ces réponses peuvent ne pas être en accord avec la réalité.

Ces résultats montrent que les gens considèrent le don de sperme comme un don d'une partie importante de soi, sans pour autant prendre le transfert de patrimoine génétique pour quelque chose de déterminant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour terminer, en ce qui concerne les réglementations à appliquer au don de sperme, et plus particulièrement à l'anonymat, les personnes interrogées approuvent massivement (92,1%) l'anonymat. Cependant, elles sont bien moins catégoriques quant à une éventuelle rémunération du don : les avantages (plus de donneurs) et inconvénients (motivations douteuses) de cette mesure sont connus. Ils y sont en moyenne plutôt favorables.

La tendance principale qui se détache de ces deux études est la suivante : les couples qui demandent la procréation par don de sperme sont très favorables à la réglementation française actuelle, ce qui laisse naturellement à penser qu'ils sont contre la levée de l'anonymat. Ils ne s'inscrivent donc pas dans la dynamique actuelle favorable à la levée de l'anonymat.


Se heurtant à l'impossibilité de découvrir l'identité de leur géniteur, certains enfants issus du don développent des troubles de construction identitaire. Mais la levée de l'anonymat pose le risque d'une tri-parentalité ou d'une déception de l'enfant.
Le nombre de donneurs en France est dans un état critique. La levée de l'anonymat entraînerait à court terme une pénurie encore plus forte, à moins d'envisager une rémunération des donneurs.