Ce paragraphe a pour but de présenter le fonctionnement d'’une centrale nucléaire à eau pressurisée (REP, technologie dont relève la grande majorité des usines électronucléaires, dont l’EPR), et de donner des ordres de grandeur. Les chiffres sont ceux d’un réacteur de 900 MW électriques, le plus courant en France. Il est conseillé de se reporter aux plans en fin de page pour mieux visualiser (les plans sont issus de la centrale du Bugey, dans l’Ain (01). Le principe est le même que pour toute autre centrale électrique : il s’agit de produire de la chaleur, qui permet de transformer de l’eau liquide en vapeur afin d’entraîner des turbines ; ce qui produit de l’électricité, à l’instar d’une génératrice de bicyclette. La vapeur est condensée ensuite par l’eau froide d’un fleuve, d’une mer ou l’air ambiant, avant de repartir pour un nouveau cycle. Le caractère atomique de l’installation réside dans la façon de produire la chaleur nécessaire. C’est en effet la fission des noyaux de 235U qui génère l’énergie. Il faut bien se rendre compte des avantages que comporte ce type de production : un gramme d’uranium libère autant d’énergie que la combustion de trois tonnes de charbon, ce qui en fait un combustible très rentable et qui de plus n’occasionne aucun rejet de dioxyde de carbone, seulement de la vapeur d’eau. Cependant, en raison de l’immense quantité d’énergie qui est libérée (la puissance thermique du réacteur est de 2785 MW), une centrale atomique est un défi technique absolument colossal !
Schéma de principe ; les centrales en bord de mer (comme l’EPR à Flamanville) prennent l’eau en source froide, plus avantageuse que l’air
Dans le réacteur, la fission nucléaire produit une grande quantité de chaleur. L’eau chauffée à 320°C circule dans le circuit où elle est mise sous pression pour la maintenir à l’état liquide. Ce circuit est confiné dans le bâtiment réacteur (BR) afin de ne pas contaminer le reste des installations. En effet, le fluide est en contact direct avec le cœur atomique et est donc radioactif.
Le circuit primaire chauffe le circuit secondaire par échange thermique au sein de trois générateurs de vapeur de plus de 20 m de haut, également situés à l’intérieur du BR. Dans un générateur de vapeur, l’eau du circuit secondaire se vaporise. Cette vapeur fait tourner des turbines couplées à un alternateur, qui produit de l’électricité. L’électricité transite ensuite sur les lignes à très haute tension à partir du transformateur (il y a 380 000 V en sortie de salle des machines).
L’eau de ce troisième circuit, alimenté par de l’eau en provenance de la mer ou d’un fleuve, refroidit le circuit secondaire à travers le condenseur. Cette eau froide se réchauffe alors, et est rejetée en aval ou bien est elle-même refroidie dans un aéroréfrigérant, comme sur le schéma de la page précédente.
Ces trois circuits opèrent des échanges thermiques entre eux tout en restant indépendants, pour éviter toute dispersion de substance radioactive à l'extérieur de la centrale.
Ces installations nécessitent une maintenance importante, afin de permettre une bonne disponibilité du parc, c’est à dire éviter que des problèmes techniques n’en viennent à nécessiter l’arrêt de la tranche. La disponibilité des tranches est d’environ 80%. On effectue régulièrement des arrêts de tranches pour ouvrir le cœur et remplacer le combustible usé. Le cœur de chacun des réacteurs contient 157 assemblages formés de crayons renfermant eux-mêmes les pastilles d’uranium. Lors des arrêts programmés du réacteur, un tiers des assemblages est remplacé par du neuf. Cette opération de remplacement est réalisée tous les 18 mois environ, durée du cycle de combustion. Les assemblages définitivement déchargés sont stockés dans la piscine du bâtiment combustible en attente d’évacuation vers le centre de retraitement de la Hague.
Lors d’un arrêt de tranche, il est donc possible d’effectuer des travaux de maintenance sur des équipements inaccessibles en marche normale, voire aussi de les démonter,… Ces travaux sont importants, et pour réduire le temps d’indisponibilité de la tranche, un millier de sous-traitants supplémentaires est appelé à travailler sur le site lors de ces arrêts (typiquement, une centrale de quatre unités atomiques emploie 1200 ouvriers permanents).
Un « crayon » de combustible, en cours de remplacement lors d’un arrêt du réacteur (source : EDF)
Vue de la salle des machines de Bugey 3 (source : personnelle)
Le réacteur doit toujours être refroidi. D’ailleurs, c’est la disponibilité du circuit de refroidissement qui conditionne tout le fonctionnement de la centrale, jusqu’à la puissance nominale du réacteur. C’est pourquoi, puisqu’on ne veut pas, à cause d’un problème qui limiterait la capacité de refroidissement, devoir réduire la production, les circuits sont doublés; la voie A étant prêt à démarrer en cas de défaillance de la voie B par exemple. L’alimentation électrique du matériel étant assurée par la centrale elle-même, en cas de problème, ils ne seraient plus alimentés, ne fonctionneraient plus, ce qui pourrait provoquer une surchauffe du réacteur dans la mesure où l’énergie n’est plus évacuée. Les salles des machines sont pour cela équipées d’énormes moteurs diesel, comprenant plusieurs dizaines de pistons (2 par tranche, pour la redondance). Et si la centrale et les diesels sont en panne, la connexion au réseau électrique peut être utilisée dans le sens inverse, c’est-à-dire qu’au lieu d’être vue comme fournissant de l’électricité, la centrale est considérée comme une usine classique, consommatrice. D’ailleurs, il arrive que pour démarrer une grosse pompe, la Conduite de la centrale soit obligée de prévenir le RTE (réseau de transport d’électricité) car la puissance nécessaire au démarrage peut provoquer des à-coups sur le réseau.
Schéma électrique simplifié de la centrale, avec les redondances. Les deux voies comportent exactement le même matériel.