Au coeur de nombreuses controverses sociotechniques, la question de l'information est cruciale. En effet, dans la mesure où les sujets abordés sont relativement aboutis et complexes, il est délicat pour de nombreux acteurs, et encore plus pour ce qui est du grand public (qui, quelque part, a également son rôle dans la controverse), d'en avoir abordé tous les aspects. Ainsi, l'avis que l'on se forge est généralement issu d'informations partielles et partiales. Ce paragraphe a pour but de faire le point sur la question de l'information et la façon dont celle-ci est utilisée dans la controverse sur la légitimité de l'EPR.
Entre 1974, date des premiers sondages en la matière en France, et 1977, la position pro-nucléaire dans l'opinion publique perd 34 points, ce qui fait de 1977 l'année où la position opposée devient majoritaire. Ainsi, en 1975, si 53% des Français pensent encore que « le programme nucléaire doit être une priorité nationale », 34% sont d'un avis contraire. 47% estiment que le programme d'équipement « ne donne pas de garanties sérieuses contre les dangers de la radioactivité » et 51% pensent que les « sabotages ou les coups de main terroristes sur des matériaux radioactifs » ne pourront être empêchés. 36% accepteraient une « diminution de leur niveau de vie pour éviter les risques de l'énergie nucléaire ». Enfin 75% estiment ne pas avoir reçu une information suffisante pour se faire une idée même approximative ! 9. Ces attitudes s'inscrivent dans un climat de méfiance généralisée. De nombreux intellectuels et scientifiques prennent à cette époque leurs distances avec l'énergie nucléaire. En 1977, 500 scientifiques grenoblois demanderont au président Valery Giscard d'Estaing l'arrêt du Superphoenix. De nombreuses personnalités critiquent le programme nucléaire français, et appellent au renforcement de l'antinucléaire (Minkovski, Cousteau,...).
Curieusement, 1977 sera le point de retournement et le nucléaire regagne des sympathisants dès l'année suivante (52% d'opinion favorable en 1980, 62 en 1981 9). On compte encore des changements de tendance, et en 1986, année de l'accident de Tchernobyl, le nucléaire est à nouveau perçu comme un « danger inacceptable » (49%). Cette proportion faiblira avec le temps.
Cette évolution en dents de scie illustre bien le fait que fondamentalement, les gens avouent ne pas fonder leurs opinions sur des critères concrets. En 1997, 80% des gens s'estiment mal informés. Nous avons pu nous confronter à cette ignorance relative du grand public en réalisant des interviews de passants, qui effectivement, la plupart du temps estimaient être trop peu informés pour nous répondre.
Par ailleurs, il est certain que sur un sujet aussi technique et sensible, les médias caricaturent en un certain sens la controverse, en accentuant les oppositions et simplifiant les concepts au risque de les déformer. Médiatiquement, on continue toujours à opposer renouvelable, économie d'énergie, nucléaire - de moins en moins, mais je trouve c'est... - Moi je me suis fait piéger par Arte, ils m'ont fait comparer le réacteur au photovoltaïque, 30 millions de mètres carrés de panneaux pour un réacteur nucléaire, et juste après j'ai dit « passez pas ça comme ça parce que, encore une fois, il ne faut pas opposer les deux », ils l'ont passé quand même ! Donc ça parle, ils cherchent un peu toujours l'opposition et le débat. Il y a peu de gens qui disent que le nucléaire va régler tout. Donc il y a besoin des renouvelables, il y a besoin des économies d'énergie, etc.
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Comme le souligne la cartographie préliminaire, l'information du public peut être regroupée en trois grandes catégories : presse généraliste, presse plus spécialisée et information par les acteurs-mêmes (associations, état ou entreprises), formant ainsi trois pôles d'information indépendants.
Les débats publics