Débordement et explosion médiatique
La naissance d’une controverse à grande échelle
Dès 2006, le New York Times commence à se poser des questions, et publie dans un article des chiffres mettant potentiellement en évidence un effet d’aubaine, symbole d’une faille dans la construction du système marché carbone, exploitée par les usines chimiques accréditées pour faire des bénéfices, en plus de la production et de la commercialisation de HFC-22, secteur d’activité en théorie prioritaire des ces usines. En décembre 2007, l’ONG suisse Noé21, très active dans cette controverse, a saisi le conseil exécutif, lui demandant de réviser la méthodologie AM0001 concernant les projets HFC-23. Cette requête fut rejetée par le conseil exécutif (constitué de membres favorables ou défavorables à l’inclusion des gaz industriels dans les Mécanismes de Développement Propre), les organismes des Nations Unies restant relativement flous quant aux raisons de ce rejet.
Quels sont les principaux reproches à l’encontre des projets HFC-23 ?
Le HFC-23 est un sous-produit de la synthèse du HFC-22, et le ratio w = (HFC-23 créé / HFC-22 synthétisé), appelé waste ratio, est l’un des points centraux du débat ayant lieu entre les ONG, telles Noé21, CDM Watch ou encore l’Environmental International Agency (EIA), et les acteurs finançant les projets MDP HFC-23, comme la World Bank (Banque Mondiale).
En effet, selon une note du Panel des Méthodologies, les usines accréditées sont soumises à une limite supérieure en terme de production de HFC-22 (indexée sur la production du liquide réfrigérant entre 2000 et 2004), et au niveau du waste ratio (qui ne doit pas dépasser 3%).
Cependant, selon un rapport de l’EIA, publié début juillet 2010, les usines sont capables, chiffres à l’appui, de maîtriser le waste ratio dans un intervalle compris entre 1 et 3 %. Cependant, durant les périodes d’émission de crédits, il est systématiquement proche de 3 %.
En réalité, lors de l’introduction des projets HFC-23 dans le marché carbone, la technologie de l’époque ne permettait pas d’atteindre un waste ratio inférieur à 3 %. Le scénario de référence, sur lequel est fondé le calcul des réductions d’émissions et donc le nombre de crédits générés, prenait donc en compte un waste ratio de 3 %. Aujourd’hui, la technologie permet d’atteindre 1,2 %, mais la méthodologie n’a pas suivi les évolutions techniques et le scénario de référence n’a pas évolué à ce sujet.
De même, s’il existe une limite de production de HFC-22 pendant les périodes d’accréditation, celle-ci est souvent atteinte lorsque les usines ont le droit de générer des crédits. De plus, la production (plus importante que de mesure) de HFC-22 aurait, alors que le but des projets MDP est de réduire les émissions par rapport à un scénario de base, engendré un surplus de rejets, puisque le HFC-22, s’il est moins nocif pour l’environnement que le HFC-23 (équivalent carbone compris entre 1300 et 1400), le reste. L’additionnalité du projet est alors remise en cause, les émissions ne seraient pas effectivement réduites grâce à eux mais au contraire plus importantes.
Les projets HFC-23 sont en réalité sujets à controverse depuis leur introduction dans le Mécanisme de Développement Propre. Dès la mise en place de cette méthodologie, plusieurs ONG sont montées au créneau en prévenant que les gaz industriels n’avaient pas leur place dans le marché carbone. Devant une telle situation, le Comité Exécutif a, pendant deux mois (entre septembre et octobre 2004) ouvert son site à des suggestos quant à la méthodologie AM0001 qui venait d’être validée. Un article de l’Öko-Institut commence à mettre en évidence les problèmes sous-jacents à une telle inclusion, notamment au niveau du waste ratio. Toutes ces suggestions ont notablement influencé les modifications que la méthodologie a subi ultérieurement. La méthodologie AM0001 a d’ailleurs été révisée à plusieurs reprises depuis le 26 septembre 2003, date de mise en place de la première version. Une page sur le site de la convention climat permet de suivre l’historique de ces évolutions. La plus notable a eu lieu lors de la version du 19 mai 2006. Elle impose aux entreprises sollicitant une accréditation d’avoir produit du HFC-22 au moins trois ans entre 2000 et 2004. Au fur et à mesure des modifications, la règlementation devient de plus en plus stricte.
C’est ici que la notion de débordement prend tout son sens : un projet qui rentrait initialement dans le cadre du marché carbone est aujourd’hui contesté, car les entreprises et différents organismes (financiers notamment) en profitant exploitent le système jusqu’au bout, tout en restant dans la légalité, quitte à ne plus coller à la mentalité et au but premier du marché carbone, à savoir réduire les émissions de GES.
Cependant, de 2006 à 2010, aucune vraie mesure n’a été prise à l’encontre des projets HFC-23 donc Fenyui Industries a préféré continuer sur sa lancée en attendant de voir ce qui allait se passer.
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