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Fiche Populations

Des populations locales partagées sur le sujet

      Selon Didier Baron, président de l’association écologiste Corail Vivant, les populations kanakes n’étaient pas a priori opposées au projet Goro Nickel. Il explique qu’il a essayé de leur faire prendre conscience des impacts environnementaux et socioculturels que pouvait entraîner l’usine. Cela a conduit en 2001 à la création du comité autochtone Rheebu Nuu. « Il était à craindre enfin un bouleversement socio-économique de la région peuplée de tribus. Vis à vis de ces tribus nous nous sommes rendus à une réunion du "comité d'embauche" à l'invitation du Grand Chef Atiti (qui était totalement pour cette implantation). Après avoir évoqué tous ces risques nous avons indiqué que nous serions à sa disposition dans l'espace coutumier. Nous l'avons supplié de mettre en œuvre une structure de vérification technique qui aiderait à la prise de décision des coutumiers. Il sortit de cette réunion le comité Rhéébu Nùù avec lequel nous avons travaillé et agi sur le terrain jusqu'en 2007 », nous a écrit Didier Baron le 14/05/12.

Des inquiétudes à propos des impacts environnementaux…

      Selon l’ŒIL(voir la fiche ici), les tribus kanakes sont particulièrement demandeuses d’informations en ce qui concerne l’influence de l’usine sur leur environnement. Céline Duron, chargée de communication scientifique de l’observatoire, le rappelle : « Parce que ce sont les premiers concernés, et concrètement ils se demandent est-ce que je peux aller pêcher le poisson, est-ce que l’air que je respire est pollué, … »  (Propos extraits de l’entretien réalisé le 15/05/12). Une des principales missions de l’ŒIL, observatoire de l’environnement, est donc de communiquer avec les tribus et de les tenir informées des impacts environnementaux liés à l’activité minière.

      Les populations kanakes sont par tradition très attachées à leur terre, comme le rappelle Lambert Tara dans le documentaire Sous le vent de l’usine :

Lambert TARA, membre du Conseil de la tribu d’Unia :   

Question : « Vous diriez encore aujourd’hui que vous êtes contre la mine ? »

L TARA : « Oui. Contre la mine, contre l’usine. On veut transmettre la terre en héritage à nos enfants. […] Je sais que maintenant c’est un discours … arriéré, mais je le dis quand même. »

 

      Ce documentaire a été coréalisé par Anne Pitoiset, correspondante du journal Les Echos, et spécialiste d’anthropologie économique en Calédonie, ainsi que par Laurent Cibien en 2009.  D’une durée de près d’une heure, il a pour but de donner la parole aux habitants des tribus kanakes vivant à proximité de l’usine.

…et des impacts socioculturels…

Evolution du mode de vie

L’industrie minière crée des emplois dans les tribus kanakes. Ceci a plusieurs conséquences. Le rythme de vie des familles est bouleversé. Les femmes, plus à l’écart de ce phénomène, doivent participer davantage à la vie de la tribu, comme l’illustre le documentaire Sous le vent de l’usine. Mais ce développement économique apporte avant tout une augmentation de pouvoir d’achat aux populations locales. Les traditions se perdent au profit d’un mode de vie occidentalisé. Les jeunes quittent les tribus et se rendent de plus en plus souvent en ville (lire avis ci-dessous). Nombreuses sont les personnes qui regrettent la naissance d’un esprit individualiste au sein de la communauté mélanésienne.

Anne Pitoiset a remarqué cette tendance et souhaite la rendre visible dans son documentaire.  Les habitants des tribus kanakes ont un mode de vie de plus en plus européanisé. De l’électricité à la télévision par satellite, les progrès techniques font leur apparition chez les populations locales. La journaliste des Echos reconnaît que l’on ne peut empêcher les kanaks d’améliorer leur mode de vie. Mais elle redoute que les tribus perdent leur âme dans les prochaines décennies :

 « Maintenant les populations ont pris l’habitude de profiter des retombées économiques,  on le voit bien.  […] Je ne sais pas si on peut leur en vouloir de se précipiter comme ça dans la modernité. […] C’est un piège pour les tribus, les tribus kanaks elles …. Je suis sure que dans 25 ans il n’y aura plus grand-chose…. » (propos extraits de l’entretien réalisé le 23/01/12)

 

 

Georgy KAQEA, salarié de l’usine

 « Maintenant qu’on a de l’argent, on va plus à Nouméa. Pour sortir, pour s’amuser. On est jeune ! »
Question : « C’est un peu fermé la tribu ? »

« C’est vrai qu’on est un peu dans le cocon tribal ».

 

 

Eliane ATTITI

« La vie à Goro avant était sereine et calme, car il n’y avait pas autant d’agitation.  […]. La vie mélanésienne était plutôt communautaire, donc avec un peu d’argent on faisait ce qu’on pouvait. Maintenant il y a beaucoup trop d’argent. Ca crée de l’individualisme ».

(Propos extraits du documentaire Sous le vent de l’usine.)

Des retombées économiques pour les populations ? 

Selon Anne Pitoiset, la principale attente des kanaks est de profiter des retombées économiques et notamment des emplois créés : « Eux, ce qu’ils veulent, c’est le développement économique, c’est l’emploi et puis c’est une rente. » (propos extraits de l’entretien réalisé le 23/01/12)

Dans le documentaire Sous le vent de l’usine, Robert Attiti, qui est à la tête d’une entreprise  comptant une centaine d’employés, travaillant sur la mine de nickel, souligne l’importance à ses yeux de la création d’emplois générée par l’usine :

Robert ATTITI 

« au début on avait surtout besoin de main d’œuvre, d’opérateurs… Mais maintenant il faut aller au-delà, il faut envoyer nos enfants faire de longues études »
R. A. espère que des gens de sa commune puissent devenir cadre : « ce serait un pari gagné ».  « Avant la construction de l’usine il n’y avait qu’un seul entrepreneur sur la commune. Maintenant on est une vingtaine ».

 

 

 

 

Mais une fois encore les avis de la population divergent sur le sujet. Ces deux femmes vivant à proximité de l’usine se montrent dans le film beaucoup plus sceptiques quant aux retombées économiques générées par l’usine :

« L’argent il vient, il nous dit bonjour et il retourne dans son usine. Il ne fait que voyager. »

« [Le cocotier] est une richesse. Plus que le nickel ».

La signature du pacte 

     Tous ces propos montrent que la position des populations locales vis-à-vis de l’usine de Goro n’est pas uniforme. Certains y sont favorables, espérant profiter des retombées économiques pour les tribus. D’autres se montrent plus sceptiques et craignent des impacts environnementaux et socioculturels.

     Anne Pitoiset nous a expliqué selon elle dans quel contexte le pacte avait été signé en 2008 : « ils se disputaient entre pro et anti-usine, et ça générait tellement de problèmes dans les familles, […] qu’ils ont préféré se rassembler pour signer un pacte avec Vale plutôt que de continuer à se diviser, parce que ils se disaient : « si on se divise, notre société, elle est perdue » ». Pierre Yves Le Meur, anthropologue à l’IRD, parle lui également de « conflits intra kanaks » (propos extraits de l’entretien réalisé le 23/03/12), qui se rajoute aux conflits qui on opposé les différents acteurs de la controverse Goro Nickel. 

Pour accéder aux cartographies, cliquer ici pour celle d'avant 2008, et ici pour celle d'après 2008.