La décision du Conseil Constitutionnel du 28 février 2012 est assez claire : la proposition de loi de pénalisation de la négation du génocide arménien est jugée contraire à la Constitution, et plus exactement à la liberté d’expression et le principe de légalité des délits et des peines. Cette décision est sans appel, et comme c’est la loi elle-même et ses conditions d’application qui ont été jugées contraire à la Constitution, elle a dû être abandonnée. Si le Gouvernement ou le Parlement veut une loi de pénalisation, il faudra écrire un nouveau texte.
Il y a à priori peu de chances qu’un texte semblable ne soit pas à nouveau bloqué par le Conseil Constitutionnel. Les motifs d’anti constitutionnalité invoqués semblent inhérents à la nature même d’une telle loi : peu de choses risquent de changer en ce qui concerne le rapport à la liberté d’expression, et le principe de légalité des délits et des peines semble s’opposer à la pénalisation d’une notion aussi floue que « la banalisation » ou « la relativisation » d’un génocide.
Le président François Hollande a cependant affirmé à plusieurs reprises sa volonté de travailler à l’établissement d’une nouvelle loi. Il devra pour ce faire modifier suffisamment le texte afin qu’il ne se heurte pas à nouveau au blocage du Conseil Constitutionnel.
On peut se demander quelles vont être les conséquences des différentes tentatives de loi sur les relations entre la France, la Turquie et l’Arménie. Les relations franco-turques ont été dégradées par ces tentatives (on peut par exemple penser aux accusations du gouvernement turc contre la France d’un génocide en Algérie, ou au rappel de l’ambassadeur turc), ce qui n’est pas négligeable quand on sait que la Turquie est le troisième partenaire économique de la France en dehors de l’Union Européenne. Cependant, la Turquie subit également la pression de la communauté internationale, notamment dans le cadre de sa candidature à l’entrée dans l’Union Européenne. Les relations avec l’Arménie sont plutôt bonnes, même si bien évidemment celle-ci a vivement critiqué le jugement du Conseil Constitutionnel.
Le débat, un peu mis en suspens ces derniers temps, sera très probablement relancé à l’occasion des élections municipales de 2014, puisqu’il s’agit d’un enjeu électoral important dans certaines régions où des communautés d’origine arménienne sont très présentes. Nous verrons alors quelles propositions seront faites et, le cas échéant, comment y réagira le Conseil Constitutionnel.