Nous avons pu observer un sursaut pour l’intérêt accordé aux éoliennes offshores dans les années 2009-2010, avec le lancement des deux appels d’offres sur les parcs éoliens par l’état. Ces derniers constituent selon Actu-Environnement un « préalable indispensable » pour exploiter le poten0tiel français.
Le rapport PwC1 sur la création d’une filière industrielle pour l’éolien offshore en France a permis de poser des bases et de définir les enjeux de la mise en place de cette filière.
Après sa publication, relative à l’évaluation de l’impact socio-économique du projet éolien offshore des Deux Côtes réalisée en 2010, on a pu voir que ce texte a eu un impact considérable sur la possibilité de création de cette filière, qui était alors vu d’assez loin.
Les chiffres et les théories qui y sont exposées sont réutilisés dans d’autres sites web avec entre autres « Actu-Environnement », « Le blog des énergies de la mer renouvelable » mais aussi dans des synthèses sur les filières industrielles de la production d’énergie avec le groupe de contact des entreprises – débat national de la transition énergétique.
Cette étude a donc eu un effet de normalisation sur les ambitions mais aussi les possibilités de la création d’une filière française.
__(Cet aspect motivant et optimiste qui paraît être pris comme référence par nombre de groupes d’opinions sur l’éolien offshore ne doit cependant pas être pris comme une référence ultime. Leur estimation du potentiel éolien terrestre est basée sur la la vitesse des vents enregistrés par pays et prend en compte le développement technologique des turbines. L’estimation du potentiel éolien offshore est basée sur la moyenne des vents enregistrés entre 2000 et 2005 au large des côtes européennes tout en excluant les zones où la profondeur de l’eau excède 50m. Les changements climatiques qui opèrent actuellement peuvent-ils remettre en cause ces prévisions? )__
En reprenant l’analyse de Nicolas Lermant, responsable des appels d’offre au ministère des finances, dans son interview traitant de la part des énergies renouvelables dans le redressement productif, les appels d’offre concernant l’éolien offshore ont été réfléchis en prenant en compte l’expérience de l’énergie solaire. Les appels d’offres la concernant ont été très décevants du point de vue de l’industrie française :
« L’offensive industrielle et commerciale d’industriels asiatiques fortement soutenus par leurs Etats a atteint un tel degré qu’aucun industriel européen n’est parvenu à résister. De plus, le panneau solaire est devenu, à tort mais c’est un fait, un produit banal du point de vue des développeurs. Le prix a donc un poids très important, masquant par exemple le bilan carbone, ou la tenue des performances dans le temps, etc… Ceci a généralement conduit à exclure des offres françaises de qualité mais légèrement plus onéreuses. La volonté des gouvernements de développer l’éolien offshore avec une base industrielle française complète a conduit à une analyse fine pour connaître l’offre française, pour nous assurer que des entreprises françaises seraient en mesure de répondre à l’appel d’offres – charge à elles ensuite de remettre des offres compétitives pour l’emporter. Sur le premier appel d’offres pour l’éolien offshore, nous avons vu que deux industriels français, Alstom (associé à EdF) sur trois zones et Areva (associé à Iberdrola) sur une zone, avaient réussi à remettre, avec leur partenaire, les offres les plus compétitives. Avec ces contrats, on peut espérer le développement d’une véritable filière industrielle française sur notre territoire.
Au-delà de mise en place des appels d’offres, c’est l’organisation française et plus exactement la coordination/coopération entre les différents acteurs qui semblent être la cause du retard français :
«Il faut jouer groupés et coordonner nos actions et nos politiques», renchérit le président du Conseil régional Alain Le Vern, qui co-préside avec le préfet le comité de coordination régional sur l’éolien en mer. «Il est indispensable de coordonner les différentes initiatives et les actions en cours, ceci afin que les différentes étapes du processus soient bien identifiées et optimisées pour apporter une réponse adéquate (offres de formations, infrastructures portuaires, construction-maintenance d’éoliennes, etc.). C’est tout l’enjeu de cette démarche : travailler ensemble, avec les acteurs de la filière énergie et les principaux acteurs du développement économique, pour tirer parti de cette formidable opportunité pour structurer cette filière sur le territoire régional. Notre ambition est à terme de créer un pôle de compétitivité Energ’éo».2
Ce point n’est pas mentionné dans le rapport de PwC, enlevant ainsi un paramètre important qui ralentit les processus de création. Une soixantaine d’entreprises y est mentionnée mais aucune collectivité locale ni association de défense n’apparaissent. Par conséquent, le ralentissement français semble caractérisé par une coopération déficiente entre les différentes instances, qui est aussi due à la non-participation d’un certain nombre de citoyens aux projets en cours. Les consultants ont mis en avant les ingrédients de la réussite, à savoir les ressources en matière d’entreprises ou sous-traitants spécialisés : toutefois, le travail collectif qui devrait s’effectuer entre les différents acteurs n’a pas ou peu été pris en compte.
Une réponse à cette problématique provient du syndicat des énergies renouvelables, organisation industrielle qui promouvoit les intérêts des industriels et des professionels des énergies renouvelables auprès des pouvoirs publics, du Parlement et de toutes les instances en charge de l’énergie, de l’industrie, de l’emploi et de la recherche. C’est un des organismes principaux en France qui possède un contact permanent avec les responsables politiques, les cabinets ministériels et l’administration. Il occupe donc un rôle centrale au sein des décisions politiques. À l’aide de sa section Windustry France, le syndicat fournit un accompagnement individualisé des entreprises, en vue de faire évoluer leurs procédés industriels et d’obtenir des marchés auprès des donnurs d’ordres de la filière éolienne. Ici encore, la coordination ne se fait qu’au milieu professionel et ne semble pas toucher les collectivités locales.
Ces différents éléments nous entraînent à nous poser la question : à quel niveau insitutionnel doit s’exercer la coordination ? Les différentes constatations nous poussent à penser que les populations sujettes à la mise en place de parcs éoliens ne rentrent pas en compte ou ne participent pas à la création d’une filière industrielle française de l’éolien offshore. Les enjeux et les conséquences financières semblent plus globales et dépasser l’échelle locale. Les chiffres et les données fournis par les officiels, notamment en termes de retombées économiques et l’emploi créés est sans cesse remis en question par ces populations locales. Dans la majorité, en excluant les entreprises à l’échelle régionale, l’opinion du public apparaît comme réticente quant à l’implantation de parcs éoliens offshore. C’est peut-être pour cette raison que les organismes de coordination ne les incluent pas dans la recherche de solutions. La question légitime qui s’ensuit naturellement est donc celle de l’utilité des débats publics organisés postérieurement à l’établissement géographique des parcs éoliens. Les locaux ont un pouvoir de décision très limité face à supériorité des grands groupes institutionnels. La logique des coordinateurs de l’éolien offshore est par conséquent faussée : en effet, la création d’une filière industrielle vise en premier lieu la création d’emploi, de formations spécialisées et la mise en exploitation des entreprises locales. Si les individus au centre de ces préoccupations ne sentent plus concernés par le problème de l’éolien offshore, comment les motiver afin qu’ils participent à l’essor d’une nouvelle filière industrielle d’avenir?
Sources :
[1] : http://www.pwc.fr/assets/files/pdf/2010/12/pwc_171210_b arometre_eolien_offshore.pdf