Qu’est ce qu’une voie ?
Notre site développe les grands enjeux de l’Open Access, formulés sous formes de grandes questions sur lesquelles les acteurs débattent aujourd’hui. Nous avons essayé de mettre en avant comment leurs arguments justifient leur position dans le champ éditorial de la recherche, pour montrer la structure de cette controverse.
Au cours de nos lectures et de nos entretiens, le terme de « voies » apparaît très fréquemment. C’est en effet un terme qui s’est peu à peu répandu. Il permet de simplifier le débat autour de grandes « solutions » sur la forme que l’Open Access pourrait prendre, et donc sur la définition même de l’Open Access. Nous avons décidé de nous interroger sur ce terme.
Un terme clé dans le débat sur l’Open Access
C’est un mot devenu performatif, puisqu’il isole plusieurs « scénarios » d’Open Access, caractérisés par une idée de ce qu’est le savoir, de sa façon de circuler et du financement possible. Il semble d’ailleurs que c’est autour de cette question du modèle économique que les points de vue divergent le plus.
Ainsi, les acteurs ont, au cours du temps, distinguer des solutions qui leur permettent de se mettre d’accord sur « ce dont ils parlent ». Les deux « voies » principales, la voie verte et la voie dorée, ont été définies par Stevan Harnad, figure proue du mouvement pour l’accès libre, mais l’utilisation de ce terme s’est propagée à tous les acteurs, comme instrument pratique de simplification et d’objectivation. Aujourd’hui, ces voies sont mêmes utilisées dans le discours politique (voir le discours de Madame Fioraso). Elles sont envisagées comme des solutions, et ce terme structurant de « voie » pourrait même guider les règlementations futures, qui en favorise une plutôt qu’une autre.
Attention au vocabulaire
Pourtant, les différentes voies restent des objets mal-définis. La voie dorée recouvre plusieurs significations selon la date à laquelle l’énonciateur parle, car elle a été sujette à un glissement de sens. La voie diamant, platine et freemium s’entrecoupent : certains acteurs les distinguent clairement, d’autres les confondent. Même la voie verte, qui semble se distinguer des autres, recouvre de multiples réalités, qu’il est a priori difficile d’associer au même terme.
Sur Blogo Numericus, Marin Dacos, agrégé d’histoire, ingénieur de recherches au CNRS et directeur du Centre pour l’édition électronique ouverte (CLEO) dont il est le fondateur, met en garde contre l’utilisation d’un vocabulaire spécifique, réducteur, comme le terme de « voies ».
Les mots sont très importants, nous le savons. Ils sont les vecteurs que nous utilisons pour poser les débats et changer le monde. Celui qui définit le vocabulaire du débat détient les termes de l’alternative. Il détient, finalement, les clés du futur. Il faut donc que nous soyons particulièrement méticuleux lorsque nous choisissons les mots que nous employons pour défendre une cause. Il est frappant de noter que, parfois, deux parties semblent s’entendre entre elles pour fixer une discussion binaire qui résume le débat à leurs irréductibles positions. Élégante façon de jeter hors du bateau la diversité des solutions, et de simplifier la décision politique, en la ramenant à une option « noire » et une option « blanche ». Cette alliance objective entre ennemis est à l’oeuvre sur la question du libre accès aux résultats de la recherche scientifique.
Ainsi, il nous a semblé capital de consacrer un espace aux « voies », terme performatif qui est aujourd’hui au cœur de la définition de l’Open Access pour de nombreux acteurs, mais nous rappelons que plutôt qu’employer le terme de « voies », qui est réducteur, il serait plus judicieux de parler de « modèles » dans le but de ne pas enfermer le débat sur l’Open Access dans des oppositions stériles.