L’Open Access

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L’OPEN ACCESS, UNE DÉFINITION CONTROVERSÉE

Le mot « Open Access » est tombé dans l’usage de la langue française, même si son équivalent français existe. En effet, la traduction la plus proche de « Open Access » en français est « libre accès ». De manière générale, l’Open Access désigne l’accès permanent et gratuit sur internet aux données issues de la recherche scientifique et de l’enseignement. Pourtant le terme Open Access renvoie à plusieurs réalités, tant au niveau idéologique qu’au niveau pratique.

Accès libre ou accès gratuit ?

L’idée d’un accès libre à ces données scientifiques sur internet n’a pas toujours été désignée par l’appellation “Open Access” : auparavant, on parlait de “free access”, ou accès gratuit. Mais cette dénomination avait des connotations ambivalentes

Nous sommes confrontés à l’ambiguïté de l’adjectif « libre ». Est-ce que libre signifie « gratuit », ou simplement, « avec peu ou pas de barrières » ? C’est pour cela qu’en réalité, il faudrait distinguer le libre accès (ou libre open access en anglais), qui renvoie à ce qui est en accès libre car soumis à une licence d’utilisation dite libre, comme Creative Commons, par exemple, et l’accès ouvert (gratis open access en anglais), qui renvoie à ce qui est en accès gratuit pour l’internaute. Dans ce dernier cas, un docu­ment en accès ouvert est consul­table sans barrière autre que la capacité d’avoir un accès à inter­net et un navi­ga­teur web et il ne faut donc pas payer (d’où le « gra­tis ») ni s’identifier pour avoir accès au texte intégral.

De plus, Maître David Forest résume un des enjeux de cette définition de l’Open Access:

Open Access veut dire accès ouvert, la question c’est « accès ouvert » à quoi, qui donne libre accès à qui et sur quoi ?

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Des définitions formelles de l’Open Access

Une réponse à cette question peut se trouver dans trois définitions formalisées qui ont vu le jour lors de réunions de divers acteurs sur la question : l’Initiative de Budapest pour l’accès ouvert en 2002, la Déclaration de Bethesda pour l’édition en libre accès en 2003, et  la Déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance scientifique en 2003, pour n’en citer que trois. Ces mouvements ont contribué à l‘institutionnalisation de l’Open Access, dans un effort de cerner et cibler son domaine d’action.

Ainsi, par exemple, l’Initiative de Budapest entend

Par « accès libre » à cette littérature, […] sa mise à disposition gratuite sur l’Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces articles, les disséquer pour les indexer, s’en servir de données pour un logiciel, ou s’en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l’accès et l’utilisation d’Internet. La seule contrainte sur la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l’intégrité de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités.

Multiples acteurs, multiples définitions

Cependant, envisager l’Open Access selon une certaine définition est susceptible de mettre en danger les rôles de certains acteurs (par exemple, les éditeurs, dont la valeur de ce qu’ils apportent réellement est remis en cause) et au contraire en valoriser d’autres (comme celui des bibliothèques qui peuvent se voir attribuer de nouvelles fonctions). Il faut rappeler ainsi que tous les acteurs ne conçoivent pas l’Open Access de la même manière. Thomas Parisot, du portail CAIRN, explique :

Concernant l’Open Access, il est apparu progressivement que ce terme pouvait être employé de façon très différente par des bibliothécaires (qui voient souvent dans l’OA une source potentielle d’économie et un outil d’équilibrage de leurs rapports de force avec les grands groupes éditoriaux), des grands éditeurs (qui l’entendent désormais comme une inversion en cours de leur marché, des lecteurs vers les auteurs, et comme source de nouvelles concurrences, comme celle des réseaux sociaux scientifiques), des chercheurs (qui y voient un idéal égalitaire louable ainsi qu’un levier supplémentaire pour donner à leur propre production le maximum d’audience possible) ou encore des décideurs politiques en la matière (qui y voient un juste retour sur investissement de l’argent public investi dans la recherche et un levier pour le transfert du savoir universitaire dans l’économie réelle).

L’acteur choisit donc une définition de l’Open Access, qui lui permet d’accentuer un aspect du libre accès. En effet, les acteurs que nous avons rencontrés et les articles que nous avons analysés mettent presque toujours en avant : soit le côté économique, soit le côté idéologique, ou encore l’aspect nécessaire ou l’aspect juridique. Bien entendu, l’acteur choisit de mettre l’accent sur un aspect qui permet de justifier sa position et laisse dans l’ombre les aspects qui pourraient lui porter préjudice. Tout l’enjeu de notre travail est de mettre en lumière ces stratégies et arguments d’acteurs et la structure du débat ainsi créée autour d’un objet qui n’est pas défini de la même manière par tous : l’Open Access. Ainsi, notre attention se porte sur une controverse dont l’objet n’est pas précisément défini et varie selon l’acteur. Qu’est ce donc que l’Open Access ? Nous avons essayer de voir comment les acteurs du débat se positionnent par rapport à cette question, en lien avec leur position dans le champ éditorial, à travers différentes questions qui encadrent la définition de l’Open Access.

Tous les acteurs ont donc leur manière de percevoir quel est le savoir concerné par l’Open Access, comment celui-ci doit circuler, comment peut-on financer ce modèle et enfin, quelles devraient être les politiques en la matière. Ces aspects s’articulent pour fonder une définition de l’Open Access selon chaque acteur. C’est sur cette définition même que les acteurs se battent.

Pourquoi parler de « voies »?

Cependant, ils ont dû s’accorder sur un certain vocabulaire, permettant de diviser l’Open Access en sous-divisions qui traduisent un engagement différent pour l’Open Access. Certains acteurs peuvent être mobilisés pour défendre un certain type d’Open Access mais tout à fait contre un autre type. Ainsi, Doriane Ibarra de la Bibliothèque des Mines, défend un auto-archivage, appelé “voie verte” contre un système d’abonnement payant, ce qui est devenu la “voie dorée”. En effet, le mouvement pour le libre accès a cherché à s’appuyer sur des « voies », adossées à une conception du savoir particulière et un modèle économique, pour rendre concret cette initiative de démocratisation de savoir, et pour l’imposer plus facilement au système de publication de la recherche scientifique. Parler en termes de « voies », rend plus facile le débat de va-et-vient entre différents acteurs, qui se positionnent souvent par rapport à ces voies. Elles sont ainsi un moyen d’objectivation de la question de l’Open Access en matière de recherche scientifique, mais en même temps, elles sont en constante redéfinition. Il existe de multiples manières de publier en libre accès, et non pas un moyen homogène de le faire. Il est important également de rappeler que ces « voies » ne sont pas des solutions à cette problématique du libre accès, mais simplement un moyen de créer un langage sur lequel tout le monde peut s’accorder et se comprendre. Derrière ces « voies », se dissimulent maints débats sur la conception du savoir scientifique et  celle-ci est loin d’être réglée. Nous avons cherché à rendre compte de ces débats sur les différents types d’Open Access dans notre site, afin que tout lecteur, même peu averti sur le sujet, puisse comprendre le débat qui est intimement lié à la réification de ces voies, vocable central dans cette controverse.

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