La voie verte
Scénario scientifique
Modèle économique
Aspect technique
Complément
Scénario scientifique
L’essence-même de la voie verte est obtenir une visibilité immédiate des travaux des chercheurs, sans barrières d’argent. Il s’agit de permettre un accès simple aux résultats de la recherche, et de garantir la visibilité des établissements de recherche et la valorisation des travaux qui y sont menés.
Les termes « verte » et « dorée » utilisés pour qualifier les deux voies principales ont été proposés aux alentours de 2004, mais ces deux conceptions du savoir scientifique ont existé et ont été théorisées bien avant cette date par divers acteur. En ce qui concerne la voie verte, on peut aisément dire que Stevan Harnad, diplômé et chercheur à l’Université de Princeton, et professeur à l’Université du Québec à Montréal, au Canada, en est l’initiateur. Il a mené un combat militant long de plus de vingt ans pour promouvoir cette voie de l’Open Access. En effet, il a crée 1990 la revue Psycholoquy, un des premiers périodiques en libre accès, et quatre ans plus tard, il est à l’origine de la « Proposition Subversive », qui stipule que les articles scientifiques devraient être gratuitement accessibles en ligne en même temps qu’ils sont publiés dans les périodiques scientifiques.
Jean-Claude Guédon, dans un article de Libération, rend hommage à l’impulsion donnée par Stevan Harnad à la voie verte.
A l’époque, la voie verte nous semblait la moins prometteuse car nous ne voyions pas comment la faire marcher, par exemple sur le plan légal (droit d’auteur). Grâce à Stevan Harnad, cette solution, heureusement, est demeurée vivante et elle est essentielle pour l’open access.
L’Université de Liège a produit une vidéo qui met en lumière les apports de Stevan Harnad à l’impulsion de la voie verte de l’Open Access.
Cependant, Pierre Mounier, de revues.org, nous explique qu’il ne faut pas en rester au volet idéologique de la voie verte de l’Open Access :
Je pense que le mouvement du libre accès, comme tous les mouvements, a au début eu besoin de militants. Vous avez besoin de gens comme Harnad, qui sont des gens qui font des propositions politiques fortes, qui frappent l’imagination, qui provoquent de l’adhésion et du rejet et qui clivent pour construire quelque chose. Mais je pense qu’au bout d’un moment, cette génération d’acteurs qui structure un mouvement doit passer la main; s’ils restent sur le devant de la scène, ils deviennent contre-productifs parce qu’ils sont clivants justement. Je pense qu’un mouvement a besoin à un moment donné d’élargir sa base et de toucher des gens sur d’autres critères que simplement les critères politiques, militants, de valeur.
Modèle économique
Dans ce modèle, le coût de publication est financé par l’abonnement à la revue, mais n’importe qui peut ensuite accéder aux articles archivés en ligne. Cet archivage peut être considéré comme coûteux par certains éditeurs par rapport à leur retour sur investissement. C’est pourquoi ils peuvent exiger une période d’embargo avant diffusion des articles en archives ouvertes, période durant laquelle l’article est en accès réservé, uniquement dans la revue payante.
Aspect technique
La voie verte de l’Open Access constitue une des deux stratégies énoncées dans l’Initiative de Budapest pour l’accès ouvert, en 2002. En effet, nous pouvons lire dans ce texte :
Pour réaliser le libre accès à la littérature des revues savantes nous recommandons deux stratégies complémentaires : en premier lieu, les savants ont besoin d’outils et d’assistance pour déposer leurs articles de revues au comité de lecture dans des archives électroniques ouvertes, une pratique communément appelée auto-archivage. Lorsque ces archives sont conformes aux standards définis par l’Open Archives Initiative, des moteurs de recherche et autres outils peuvent traiter des archives distinctes comme un seul et unique fonds d’archive. L’utilisateur n’a alors plus besoin de savoir quelle archive existe, ni où elle est localisée pour accéder à son contenu et l’utiliser.
Qu’est-ce qu’une archive ouverte ?
Une archive ouverte est un serveur dont le contenu est accessible en ligne, librement et gratuitement. Le contenu de ce réservoir de données est un ensemble de documents scientifiques : le texte intégral de publications. Ces documents sont validés par la communauté scientifique lors de la présentation aux pairs lors de colloques, comités de lecture, etc… La conservation des contenus est garantie par cet archivage, indépendamment de la situation économique de l’éditeur ou de sa politique.
Ghislaine Chartron, à propos de la création de @rchivesic :
Quand on a créé l’archive ouverte, c’était justement pour que les manuscrits circulent entre les chercheurs, et puis surtout parce qu’il y avait plein de textes qui n’étaient pas publiés, par exemple, les textes des conférences, tout n’aboutit pas à une publication.
Elle dit également déposer son manuscrit dans des archives ouvertes
pour faire circuler mon texte plus vite, auprès des collègues parce que c’est vrai que parfois il faut un an avant qu’un texte sorte, ou 6 mois, alors que l’idée est là, vous avez envie tout de suite d’être lu.
Pierre Mounier, de revues.org, sur le processus de dépôt sur des archives ouvertes et sa différence avec le « fair gold » ou « freemium » :
Le truc c’est que sur HAL, qu’est-ce que vous avez ? Vous n’avez jamais tous les articles de tous les numéros présentés ensemble de la revue. C’est les auteurs qui déposent chacun dans la collection de leur institution. On peut donc dire que ce n’est pas du tout le même service que celui qu’offre notre plateforme en termes de trouver l’information. Par ailleurs, le PDF qui est sur HAL, de manière générale, n’est pas le PDF final de la revue, mais c’est un PDF généré automatiquement par HAL, à partir du manuscrit de l’auteur. Donc là il y a différentes choses qui peuvent être déposées sur HAL, l’auteur peut déposer son manuscrit personnel, ce que l’on appelle le pre-print, avant, au moment où il soumet l’article à la revue, il dépose son manuscrit sur HAL. Ensuite la revue lui fait un retour en lui disant « On accepte votre article mais il faut modifier ceci, cela, réécrire ça, ça ce n’est pas juste, etc… » et il refait une deuxième version, qui est le post-print. Ça peut être ça aussi qui est sur HAL. Il y a la troisième version ensuite, où la revue a repris la deuxième version du manuscrit, elle fait des corrections orthotypographiques, elle met en page éventuellement, elle fait son truc à elle, et ça c’est la version définitive maintenue. Cela fait au moins trois versions pour le même article. HAL ne rend pas ce service : HAL rend le service de « je veux avoir accès à l’information sur tel article », que je sais déjà existait mais ce n’est pas la même démarche. C’est complémentaire et non pas concurrent.
Graphique : Le modèle Green Open Access adossé au modèle de publication traditionnel
Graphique : Le modèle Green Open Access sans fonction éditoriale traditionnelle
Complément
Une étude de Richard POYNDER, journaliste et spécialiste en la matière de la technologie de l’information, a montré que 30% de la littérature mondiale serait en libre accès, mais la voie verte serait plus efficiente que la voie dorée, car elle représenterait les deux tiers des articles en libre accès.
La voie verte peut-elle réellement « marcher » ?
Ghislaine Chartron en doute.
Ce qu’avait fait Stevan Harnad, le pionnier de la voie verte, ça n’a jamais marché, « l’open commentoring », l’open commentaire, ça ne donnait rien. Les chercheurs ne donnent pas beaucoup d’eux-mêmes quand ils ne sont pas cadrés dans une relation de confiance entre l’éditeur, l’auteur, et leur expertise. La confiance est un élément clé dans le système de la communication scientifique.
Elle estime qu’il faut maintenir la fonction éditoriale en place, qui est essentielle dans le processus de publication scientifique : idéalement, il faudrait une politique de Green Open Access adossée au maintien de ce système éditorial. En effet, elle dit :
Le modèle idéal serait d’assouplir le système pour permettre à l’article version brute de circuler, et de maintenir dans le même temps l’existence des revues, qui font un vrai travail d’animation du champ scientifique. Il faudrait des revues régies par des professionnels et des chercheurs, des revues adossées à des éditeurs exigeants; en effet, ce sont les éditeurs qui font monter la qualité.