“Si vous utilisez une cigarette électronique dans le but, à terme, d’arrêter de fumer, sachez que cette méthode n’est pas efficace. Pas plus qu’une autre en tout cas…” C’est la conclusion d’une étude menée aux Etats-Unis en mars 2014 qui indique que les utilisateurs de e-cigarettes ne sont pas plus nombreux à renoncer au tabac que les autres fumeurs.
Ce résultat conforte des recherches précédentes montrant que cette cigarette électronique, non réglementée par les autorités américaines, ne présente pas un avantage particulier pour cesser de fumer, contrairement à ce qu’affirment les publicités de ses fabricants, soulignent les auteurs dont les travaux paraissent dans le JAMA [2] Pediatrics.
La cigarette électronique est très souvent évoquée dans les médias comme un outil de sevrage tabagique, laissant miroiter un outil magique qui permettrait d’arrêter immédiatement de fumer. Mais la cigarette électronique ne serait pas un outil plus efficace que ceux qui existent déjà actuellement pour lutter contre l’addiction à la nicotine . Plusieurs études se sont penchées sur l’efficacité de la cigarette-électronique pour arrêter de fumer, dont celle de Bullen, Howe et Laugensen, qui ont déterminés une étude comparative au sevrage tabagique entre la cigarette électronique et le patch de nicotine. L’étude révèle que l’efficacité entre les deux méthodes est tout à fait comparable, de l’ordre de 7% environ de personnes qui arrêtent définitivement de fumer en choisissant l’un ou l’autre des deux produits.
Cependant les conclusions ne sont pas aussi claires que voulues, et de nouvelles expériences se placent en contradiction avec celle de Bullen, Howe et Laugensen. D’après le site web formindep.fr [3], de nombreuses études scientifiques peuvent cependant émaner d’acteurs impliqués de manière directe ou indirecte dans la sphère du marché de la cigarette électronique, ce qui biaise inéluctablement le résultat de l’étude, aussi scientifique soit-elle.
Certaines études américaines vont dans ce sens : l’étude “The electronic cigarette: Effects on desire to smoke, withdrawal symptoms and cognition”, menée il y a peu, annonce ainsi que “La cigarette électronique est une aide pour les fumeurs dans le but de diminuer la dépendance en nicotine, que 20 minutes après avoir fumé une cigarette électronique, la volonté de recommencer décroit nettement et la cigarette électronique a des effets positifs sur les capacités d’attention et mémorielles des fumeurs.” L’étude américaine Efficiency and Safety of an electronic cigarette as Tobacco Cigarettes Substitute a aussi montré que la cigarette électronique permettait de réduire la consommation de tabac, puisque pour 300 personnes cobayes, 8% ont complètement arrêté de fumer du tabac au bout d’un an.
Certains médecins ont aussi pris parti en faveur de ce nouveau produit pour en affirmer les vertus dans l’aide au sevrage. Un tabacologue affirme ainsi dans un article du quotidien du médecin.fr que “la cigarette est efficace pour le sevrage au tabac. C’est un substitut nicotinique efficace, qui conserve le plaisir de fumer et évite tout le stress et l’angoisse provoqués par les autres substituts comme le patch.”
Il faut cependant noter que le monde de la santé est divisé par ces résultats, et met en doute l’efficacité de la cigarette électronique dans son rôle médical, comme l’affirme un médecin généraliste dans Le Soir : “les arguments vantant son efficacité pour arrêter de fumer doivent être soumis à des critères scientifiquement mesurés et non pas à des observations qui sont faites sans mesure scientifique véritable.”
Pour le Comité National Contre le Tabagisme [1], l’argument du sevrage tabagique n’est pas recevable : “Aucune étude scientifique valable n’est actuellement publiée à partir de séries suffisamment importantes avec randomisation permettant d’évoquer un effet thérapeutique possible sur la consommation de tabac. Bien évidemment, des observations individuelles d’arrêt du tabac avec utilisation des cigarettes électroniques existent de même que des observations d’échec après recours au vapotage.
Les quelques études actuellement publiées concernent de faibles nombres de vapoteurs, et sont souvent méthodologiquement « faibles » ; la fréquence observée d’arrêts de la consommation de tabac fumé parait modeste.”
Plus modéré, Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT, relativise les résultats trouvés des deux côtés [4] : “Certaines études ont déjà été menées pour voir si la cigarette électronique facilitait le sevrage tabagique. Selon ces études, la cigarette électronique est à peine plus efficace que le patch de nicotine, ce qui traduit un impact assez faible sur le sevrage tabagique. Cependant je pense que ces études n’ont pas été menées dans de bonnes conditions : les e-cigarettes étaient de mauvaise qualité, on les envoyait par la poste, et les « cobayes » étaient assez peu suivis. Cela dépend également du type de population auquel on s’intéresse. Si l’on considère les quelques 10% de fumeurs qui cherchent à arrêter chaque année, il est préférable qu’ils suivent le traitement classique pour arrêter de fumer. Cependant, pour les 90% de fumeurs restants qui n’ont aucune intention d’arrêter, la cigarette électronique est un miracle !”
Dans le même sens, les associations de consommateurs comme l’AIDUCE ne présentent pas la cigarette électronique comme étant un moyen plus efficace que les autres pour arrêter de fumer. Elle la place à la même position que le patch ou que les autres substituts.
D’après Sébastien Bouniol [5], “tout le débat qui cherche à réduire l’e-cigarette comme un médicament ou un outil de sevrage tabagique est absurde. Les détracteurs de la cigarette électronique veulent réduire cette dernière à un simple outil de sevrage tabagique alors que c’est bien plus.”
Pour lui la cigarette électronique doit être vue comme une nouvelle façon de fumer :
La cigarette électronique pourrait-elle constituer une nouvelle façon de fumer ?Bibliographie:
[1] Site officiel du CNCT, « Que peut-on dire sur la cigarette électronique? », disponible sur http://www.cnct.fr/nos-actions-de-plaidoyers-90/que-peut-on-dire-sur-la-cigarette-electronique-1-106.html, consulté le 14 avril 2014
[2] Anita Slomski, « E-cigarettes match nicotine patches in smoking quit rates », Journal of the American Medical Association, octobre 2013
[3] Site Web de l’association Formindep, « Avec la cigarette électronique est-ce du sérieux? », publié le 23 mai 2013, disponible sur http://www.formindep.org/Avec-la-cigarette-electronique-est.html, consulté le 10 avril 2014
[4] Interview de Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT
[5] Interview de Sébastien Bouniol, Vice-président de l’AIDUCE