Certaines études montrent que les jeunes s’intéressent de plus en plus à la cigarette électronique, et l’installation de magasins spécialisés près de collèges ou de lycées en France va dans ce sens : la jeunesse, et les non fumeurs dans un mesure plus générale, sont aujourd’hui aussi ciblés par la cigarette électronique au même titre que les fumeurs de cigarettes classiques.
Aux Etats-Unis, cette tendance a été analysée [1] par plusieurs groupes tentant de comprendre l’attrait des jeunes pour ce nouveau produit. Selon un récent rapport d’un groupe d’élus démocrates du Congrès américain, les fabricants de cigarettes électroniques profitent d’un vide légal pour promouvoir leurs produits auprès des jeunes chez qui ils cherchent à provoquer une addiction à la nicotine. Les fabricants entendent « attirer les enfants par la ruse dans l’addiction à la nicotine », avait ainsi affirmé le 14 avril le sénateur Richard Durbin et « il est temps que la FDA intervienne et règlemente ». L’usage de saveurs comme la pina colada ou la pastèque, notamment, est par exemple très populaires chez les jeunes américains.
Une autre étude outre-outlantique concluait ainsi : “l’utilisation de la cigarette électronique a doublé chez les collégiens et lycéens américains entre 2011 et 2012: 1,78 million de jeunes ont « vapoté » en 2012, selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies. De plus, quelque 160.000 jeunes y ont goûté sans avoir jamais touché à des cigarettes traditionnelles.”
Le message n’est en revanche pas le même du côté des vendeurs d’e-cigarettes [2] : selon eux, il n’y a que des anciens consommateurs de tabac qui achètent ce genre de produit, jamais de non fumeur pour le moment. Et il n’y a selon eux que peu de jeunes d’après les vendeurs qui nous ont répondu.
Les associations de consommateurs vont dans le même sens et nient tout lien entre la cigarette électronique et la cigarette classique : l’AIDUCE précise aussi qu’il n’y a aucune étude qui démontre que la cigarette électronique serait une passerelle vers le tabac.
L’AIDUCE ne contredit pas le fait qu’il soit possible que certaines personnes essayent la cigarette électronique sans avoir été fumeur mais estime ce phénomène marginal car il n’y a a priori aucune raison pour commencer à fumer par la cigarette électronique. Cependant, elle ne condamne absolument pas cette pratique. D’une manière générale, l’association respecte la liberté de chaque consommateur et n’émet aucun jugement et ce surtout parce que jusqu’à présent, selon l’association rien n’a été prouvé sur la dangerosité du produit.
Ainsi, Sébastien Bouniol nous a affirmé [3] : “la passerelle de l’un vers l’autre est très très peu probable à mon avis pour plusieurs raisons. D’une part la dynamique d’absorption de la nicotine dans le corps et par le cerveau est très différente entre le tabac fumé et la cigarette électronique. Il faut vapoter en continu pendant 35 minutes pour obtenir le même taux de nicotine ce qui est très improbable. Ce qu’on absorbe avec une cigarette électronique est très différent de ce que l’on absorbe avec une cigarette traditionnelle. En général ce qui force l’addition c’est la force du “shoot”, c’est pour ça qu’on considère que les patchs et les gommes sont sûrs : car on n’a pas cet effet de pic. Avec la cigarette électronique on est un peu entre les deux, la dynamique est différente, on n’a pas cet effet de “shoot” qu’on obtient avec la cigarette classique. D’autre part les arômes sont différents, l’arôme du tabac n’existe pas dans la cigarette électronique, les arômes sont divers et variés. J’imagine très mal, ayant été moi-même fumeur pendant des décennies, que quelqu’un qui vapote pour la saveur melon ou capuccino puisse passer facilement de ce procédé là et de ce goût-là vers une cigarette qui est très violente pour les non-fumeurs. Les seules études sur le sujet, menées je crois par l’OFT, montrent qu’il y a en effet des jeunes qui utilisent la cigarette électronique, mais qu’ils sont, pour une majorité écrasante, déjà des fumeurs. Dire qu’il y a un lien de causalité entre cigarette électronique et tabagisme, c’est aller déjà très loin, au-delà de ce que l’on peut tirer de ces chiffres pour l’instant. “
Le monde de la santé est en revanche divisé sur l’état actuel de la consommation de cigarettes électronique par les jeunes.
Ainsi, on peut lire d’après un tabacologue dans le quotidien du médecin.fr, que “la cigarette électronique n’est en aucun cas orientée vers les jeunes qui ne fument pas”, tandis qu’un médecin généraliste annonçait dans Le Soir que “la cigarette électronique constitue une porte d’entrée à la normalisation du fait de fumer, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques.”
Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT, et tabacologue, a pris plus de précautions en nous répondant, plaidant le manque d’information rassemblé autour du sujet [4] : “En effet, il existe un problème autour de l’expérimentation de l’e-cigarette, et je n’ai pas d’avis tranché la dessus, pour la bonne raison qu’il reste de nombreuses zones d’ombre, ou l’on manque de données tout simplement parce que le problème est très récent. D’autre part, les chiffres de l’expérimentation de l’e-cigarette sont à bien distinguer avec ceux de la cigarette. Il est aujourd’hui estimé que un quart à un tiers des personnes ayant essayé l’e-cigarette l’ont adopté.”
Cet usage de la cigarette électronique par les jeunes notamment, et par les non-fumeurs en général est donc à surveiller de près car, si la dangerosité de la cigarette électronique n’est pas totalement prouvée, son innocuité ne l’est pas non plus, et l’ajout de ce risque chez les jeunes serait préjudiciable, sans compter le basculement vers le tabac.
Bibliographie:
[1] Céline Boff, « La cigarette électronique échappera-t-elle longtemps aux taxes? », 20 minutes, publié le 13 janvier 2014
[2] Interview d’un vendeur d’e-cigarette
[3] Interview de Sébastien Bouniol, Vice-président de l’AIDUCE
[4] Interview de Bertrand Dautzenberg, président de l’OFT