La place de l’Homme dans l’espace
La mission Mars One soulève des questions éthiques de plusieurs ordres :
- Concernant le modèle adopté par Mars One : L’exploitation médiatique peut-elle aller jusqu’à la diffusion des images de l’équipage confronté à des conditions extrêmes : maladie grave ou décès de l’un des colons, conflits, etc. ?
- Concernant l’exploration spatiale en général :
- Quel cadre éthique pour une mission spatiale de longue durée ?
- Pourquoi confier l’exploration spatiale à des hommes plutôt qu’à des robots ?
- Pourquoi explorer l’espace, et sous quelles conditions ?
Quel cadre éthique pour une mission spatiale de longue durée ?
Aujourd’hui, les communications avec la Station Spatiale Internationale (ISS) sont quasi-immédiates, et un vaisseau Soyouz de secours est en permanence amarré à la station pour rapatrier en urgence des astronautes, le cas échéant. Au cours d’un voyage vers Mars, les communications entre le centre de contrôle et l’équipage prendront jusqu’à 30 minutes – auxquelles il faut ajouter la même durée pour la réponse. Par ailleurs, il sera impossible de venir physiquement en aide à un membre de l’équipage. Les astronautes seront donc dans une situation d’isolement totale. En parallèle, ils devront faire face à des conditions extrêmes : d’une part, à cause des risques liés à la santé physiologique et d’autre part, à cause des facteurs de tensions psychologiques. Les radiations et les problèmes liés à la vie en micro ou faible apesanteur – sans compter les anomalies techniques – sont en effet susceptibles de provoquer des troubles de la santé, pouvant aller jusqu’au décès. Il faut alors définir dans quelle mesure le déroulement de la mission peut être perturbé pour venir en aide à un astronaute en danger.
Le moment viendra sans doute où il faudra mettre en balance un risque important de décès et le succès de la mission », prévient Paul Root Wolpe, spécialiste de bioéthique à l’Université de Pennsylvanie et consultant de la NASA depuis 2001. « L’idée selon laquelle nous choisirons toujours le bien-être de la personne au détriment du succès de la mission sonne bien. Mais elle ne reflétera pas forcément la façon dont les décisions seront prises en réalité.
— La Presse Canadienne [1]
Par la suite, dans le cas d’un décès, que faire d’un corps : le larguer dans le vide sidéral, l’inhumer sur Mars, ou le ramener sur Terre dans le cas d’une mission avec retour ?
Une mission avec retour prévoit que les astronautes reviennent tous sur Terre sains et saufs. Dans le cas de Mars One, comme les colons finiront leur vie sur Mars, il est légitime de se demander quelle priorité sera donnée à leur sécurité et à leur santé.
Par ailleurs, la vie des colons sera médiatisée. Il convient alors de s’interroger s’il faut rendre compte des tensions au sein de l’équipage, de la maladie ou du décès d’un colon : un tel événement, s’il est diffusé, ne risque-t-il pas de mettre à mal l’opinion du grand public vis-à-vis du projet Mars One – voire des voyages spatiaux habités en général, mettant ainsi fin à l’exploitation médiatique dudit projet, et coupant court à la mission ?
Un ingénieur de la NASA soutient que l’exploitation médiatique ne devra pas occulter les difficultés de la mission, pour montrer au public à quel point une mission habitée martienne peut se révéler complexe. Néanmoins, il trouve important que les astronautes participant à la mission gardent une certaine intimité.
Going to Mars is the most complicated thing that human being would ever have achieved to date. I think that transparency is good, and that people should not have secrets kept from them. But on the privacy side, I think privacy is not necessarily keeping secrets. There’s a difference.
— Entretien avec un ingénieur de la NASA [2]
La couverture médiatique sera assurée par les colons eux-mêmes et l’arrivée de compatriotes en dépendra directement. Si les premiers colons ne veulent pas rester seuls sur Mars, ils ont tout intérêt à assurer une bonne diffusion de leur aventure : quelle sera, dès lors, la part de crédibilité de leurs reportages ? Par ailleurs, si les colons sont responsables de ce qu’ils communiquent au centre de contrôle, ils n’ont pas la main mise sur ce qui sera réellement diffusé : quel sera alors le climat de confiance entre les colons et le centre de contrôle ?
De plus, habituellement, la confiance entre les astronautes et les ingénieurs du centre de contrôle repose sur la responsabilité des seconds dans le retour des premiers sains et saufs sur Terre. Un astronome à l’IRAP fait ainsi remarquer :
Si vous parlez à n’importe quel astronaute, et que vous lui demandez « pourquoi vous faites bien votre boulot ? », il vous répondra « Je fais bien mon boulot parce que je sais que eux le feront bien et me ramèneront sur Terre ».
— Sylvestre Maurice, astronome de l’IRAP [3]
Cette responsabilité n’existera pas dans le projet Mars One, dans la mesure où les colons seront de toute façon condamnés dès leur départ de la Terre.
Néanmoins, un entraînement approfondi permet de réduire ces incertitudes. Comme le fait remarquer un ingénieur de la NASA :
The ground engineers work very closely with the astronaut engineers to conduct missions and there is very little improvisation or deviation from what was practiced on the ground.
— Entretien avec un ingénieur de la NASA [2]
Face à de tels dangers, pourquoi explorer l’espace ?
Les candidats au projet Mars One acceptent de finir leur vie sur Mars, loin de leurs proches. Pourquoi sont-ils prêts un tel sacrifice ? En réalité, d’après Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES, l’exploration apparaît comme une composante fondamentale de la vie humaine. D’une part, d’un point de vue biologique, l’homme est une espèce animale qui tend à repousser les limites de l’espace où il vit. Cet élan expansionniste est épaulé par nos capacités technologiques, qui nous permettent de recréer un espace vivable dans l’espace sidéral.
Il y a donc à la fois une espèce d’élan, de capacité qui relève vraiment de la nature du vivant, et qui, dans l’humain, se trouve associée à des capacités culturelles pour pouvoir soit adapter, soit s’adapter à notre milieu.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
D’autre part, la capacité d’imagination, qui semble proprement humaine, permet à l’homme de se représenter ce qui pourrait se situer au-delà des frontières du monde connu ; dès lors, celui-ci est tenté d’explorer cet au-delà pour confronter l’inconnu à son imaginaire, et pour le faire sien. Si nous étions dépourvus d’imagination, nous ne pourrions pas concevoir d’autres mondes. Alors, nous ne serions pas tentés de les explorer, puisque nous ne douterions même pas de leur existence. Il n’y a donc pas d’exploration sans mise en œuvre de l’imaginaire.
Comme nous le disons souvent, nous ne pouvons explorer que les mondes que nous avons imaginés. Si nous ne les avons pas imaginés, ces mondes n’existent pas. Donc je n’ai pas envie de les explorer, puisqu’ils n’existent pas, même pour moi, même en rêve, ils n’existent pas.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
L’exploration réside alors dans un double mouvement d’extériorisation – l’homme va au-delà des limites du monde connu, sort de son cadre de vie habituel, et d’intériorisation – il assimile ce qui constituait l’inconnu, le fait sien. Une fois qu’il s’est approprié, qu’il a étudié ce qui constituait cet au-delà, il peut aller plus loin encore.
Je dis quelques fois qu’en fait, explorer, c’est comme respirer : l’exploration est aussi naturelle à l’homme que l’est sa respiration, au sens où c’est ce double mouvement permanent de sortie de soi et de faire entrer en soi ce que petit à petit on découvre.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Néanmoins, il ne faut pas confondre exploration et colonisation. Si l’exploration est nécessaire à l’homme, la colonisation n’est pas justifiée ; surtout celle de Mars. Comme le rappelle Sylvestre Maurice :
On se dit que l’on est né sur Terre, et qu’il faut qu’on se transporte ailleurs. Ce n’est pas pour coloniser Mars ; ça, c’est une utopie. Mars est une planète froide, déserte, pratiquement sans atmosphère, et ce n’est certainement pas l’avenir de l’humanité. On ne va pas sur Mars en se disant qu’après on ira tous y habiter. L’avenir de l’homme, c’est la Terre. Donc je vais sur Mars simplement pour comprendre un peu le fonctionnement extraordinaire de la planète, de la vie.
— Sylvestre Maurice, astronome de l’IRAP [3]
Explorer : oui, mais en tenant compte des risques
L’exploration se fait ainsi par étapes successives, par sauts. Lorsque l’homme considère qu’il est raisonnable de dépasser les limites du monde connu, jusqu’à d’autres frontières qu’il imagine, il prend le risque et fait le saut. Il convient donc de définir un niveau de risque acceptable ; par exemple, la dose maximale de radiations admissible. Les agences spatiales russe, européenne et canadienne placent la limite acceptable de radiations dans la vie d’un astronaute à 1 sievert (Sv), tandis que la NASA définit cette limite comme le taux de radiations qui augmente de 3% le risque de mourir d’un cancer. De là, les agences spatiales peuvent autoriser ou non un astronaute à participer à telle ou telle mission. Pour cela, elles prennent en compte son exposition antérieure aux radiations et celles prévues par la mission envisagée ; si la somme est supérieure au total admissible de radiations défini pour une vie, l’astronaute ne peut pas y participer. Ainsi, seuls trois candidats pouvaient postuler pour les deux places de la mission d’un an prévue sur l’ISS pour 2015. [5]
Définir un niveau de risque relève donc d’un choix, qui dépend des facteurs environnants. Le chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques rappelle l’exemple souvent cité des missions Apollo, dont la probabilité de succès était estimée à 50%. Il remarque alors :
Aujourd’hui, accepterions-nous de faire la même chose ? Si aujourd’hui, nous envoyions des hommes sur la Lune, nous ne serions pas dans les mêmes conditions et nous refuserions sans doute un tel niveau de risque. […] Donc il n’y a pas de définition a priori du niveau de risque […]. Elle dépend des conditions de la société ou la culture dans laquelle nous sommes.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Ainsi, la définition d’un niveau de risque est essentiellement actuelle. Elle a le mérite de dépasser le concept de liberté individuelle, qui permettrait à tout un chacun de prendre les risques qu’il souhaite.
“NASA cannot say, ‘Well, if an astronaut volunteers to go beyond a set of safety standards, we should let them; it’s their free will’,” Paul Root Wolpe, NASA’s senior bioethicist, told the committee at its meeting on May 30.
— Canadian Medical Association Journal [5]
C’est pourtant sur ce fondement que s’appuie la mission Mars One : les candidats ont décidé individuellement de finir leur vie sur Mars. Comme le précise d’ailleurs le site officiel, le concept de mission sans retour permet de résoudre les difficultés techniques liées au départ de Mars. [6]
Or, Laurie Zoloth, éthicienne à la Northwestern University à Evanston, dans l’Illinois, rappelle que lorsque la technologie actuelle ne permet pas de respecter des niveaux de risque que l’on se fixe, il convient d’attendre de nouvelles avancées technologiques :
The question about long duration spaceflights is “not whether the research is in principle ethical […] but whether it is ethical to do so now, at this particular moment, with these particular limits on our technology, or whether waiting until technology catches up to our ambitions and dreams is the best course.”
— Laurie Zoloth, éthicienne à la Northwestern University à Evanston, dans l’Illinois [5]
De son côté, Sylvestre Maurice soutient que personne ne peut accepter de partir pour un aller simple, et que les potentiels volontaires ne seront d’ailleurs jamais autorisés à partir.
Ethiquement, personne ne s’engagera jamais sur un projet d’aller simple. […] aucun gouvernement, aucune association ou groupe, éthiquement, n’enverra jamais personne à la mort.
— Sylvestre Maurice, astronome de l’IRAP [3]
L’exploration : une aventure collective
Pourquoi le projet Mars One, comme les autres missions habitées, soulève-t-il un tel engouement ? L’homme possède une capacité d’identification, qui lui permet d’affirmer « Nous avons marché sur la Lune » : si un homme pose le pied sur un astre, il le fait au nom de l’humanité entière, et l’humanité entière affirmera y avoir marché. Un exemple est le premier pas de Neil Armstrong sur la Lune.
[…] après les missions Apollo, Neil Armstrong était très surpris de rencontrer des gens qui disaient “Nous sommes allés sur la Lune”. Alors que c’est lui et ses coéquipiers qui sont allés sur la Lune. […] D’ailleurs, dans le droit spatial, les astronautes sont déclarés “envoyés de l’humanité”. Un terme qui n’existe que là. […] Donc il y a effectivement tout un processus d’identification…
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [3]
Explorer l’espace : une mission pour l’homme ou le robot ?
Mars One prévoit d’envoyer des hommes sur Mars. Néanmoins, l’exploration spatiale peut aussi se faire par des robots. Chaque pays a une politique différente vis-à-vis de cette question. Le responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES, remarque que les pays européens ont des positions divergentes sur ce sujet : l’Allemagne est plutôt en faveur des vols habités, tandis que la France y est réticente, et que la Grande-Bretagne y est opposée. Au contraire, les Etats-Unis sont les grands acteurs dans le domaine des vols spatiaux habités : envoyer l’homme sur Mars y apparaît comme une priorité.
La grande différence, et c’est unique sur Terre, ce sont les Etats-Unis. Les Etats-Unis consacrent la moitié du budget de la NASA aux vols habités. C’est sans précédent : il n’y a pas un pays au monde aujourd’hui qui consacre la moitié de ses budgets spatiaux aux vols habités.
— Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES [7]
Le débat s’articule autour de deux arguments : l’envoi de sondes coûte beaucoup moins cher qu’un voyage spatial habité, tandis que les hommes ont des capacités d’analyse que ne possèdent pas les robots.
[…] human skills, however superior, come at too high a price. Automated landers and orbiters may not be able to do as much, but 10 or 20 of them cost the same as a single human mission.
— American Scientist [8]
Certains imaginent des stratégies pour associer le meilleur du robot – sa capacité à collecter de l’information, et le meilleur de l’homme – sa faculté d’analyse. A cause du temps de latence dû à la durée du trajet des informations entre la planète explorée et la Terre, il convient de dépêcher des astronautes sur place pour prendre les décisions en temps réel. Des robots l’aideraient dans sa tâche d’étude de la planète. HERRO (Human Exploration using Real-Time Robotic Operations) est un exemple de scénario exploitant cette idée : l’objectif n’est pas de poser des hommes sur la Lune ou Mars, mais de laisser les équipages en orbite, d’où ils pourront piloter les robots qui exploreront la surface de la planète.
The HERRO strategy entails astronauts exploring the surfaces of planetary bodies with telerobots, while staying in space away from deep gravity wells.
— Acta Astronautica [9]
Le projet Mars One prévoit quant à lui d’envoyer un rover sur Mars, pour trouver et préparer un site approprié pour l’établissement de la colonie. [10]
Aujourd’hui, les robots tendent à être personnifiés, comme ce fut le cas pour l’atterrisseur Philae et la sonde Rosetta en novembre 2014. Le service de communication du CNES a notamment publié des tweets au nom des deux robots.
Les tweets de l’atterrisseur Philae [11]
De même, Jacques Arnould remarque que lorsque les sondes Voyager et Pioneer ont atteint les limites du système solaire, l’événement a été particulièrement médiatisé. Il explique cet engouement par le fait que ces sondes sont des objets fabriqués par l’homme :
Ce n’est pas une identification à la manière des missions Apollo, mais on leur donne tout de même une valeur symbolique extrêmement forte, parce que ce sont des objets proprement culturels. S’il s’agissait d’un bout de météorite qui était en train de quitter le système solaire, cela n’aurait pas eu le même effet.
– Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Celui-ci souligne par ailleurs que cette tendance à la personnification des robots peut tenir en partie au fait que l’homme prend conscience de ses propres limites, et que la technologie actuelle ne lui permet pas de se rendre où les robots peuvent aller.
Néanmoins, la capacité d’identification est bien plus forte envers des explorateurs humains.
[…] l’identification de l’humain à l’humain reste évidemment essentielle.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Néanmoins, à la différence d’un robot, seul un homme peut rendre compte de ce qu’il a vu : un explorateur est aussi un narrateur, qui émeut, entretient le rêve de dépasser les frontières du monde connu en excitant l’imagination, qui est un moteur de l’exploration.
[…] l’explorateur est aussi un narrateur… Et pour nous raconter, il n’y a rien de tel que d’avoir un semblable, un alter ego qui nous raconte, avec sa manière à lui, avec ses sensations, avec ses peurs, avec ses enthousiasmes, etc. Et ça, un robot ne peut pas le faire. Pour moi, c’est essentiel : la narration.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Explorer l’espace : oui, mais à quel prix ?
Les investissements dans l’exploration spatiale en général, et dans le projet Mars One en particulier, peuvent apparaître comme des sommes qui auraient pu être investies dans des causes plus urgentes. Le chargé de mission souligne que les dépenses dans le domaine spatial relèvent d’un choix, et que ce choix sera d’autant plus légitime qu’il sera sujet à débat, grâce à une meilleure communication sur les activités spatiales engendrées. Il regrette néanmoins cette absence de débat en France.
[…] c’est une question qui nous habite réellement : quels efforts nous mettons en œuvre pour que nos concitoyens qui, tous les ans, sans le savoir peut-être, contribuent au budget du CNES par leurs impôts, soient au courant de ce que nous faisons. C’est vraiment une obligation de rendre compte de ce que nous faisons. Mais il y a très peu de débats malheureusement.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Par ailleurs, Jacques Arnould rappelle que les dépenses dans le spatial, comme dans tout autre domaine, doivent être justifiées. Il prend l’exemple du programme d’exploration américain Constellation, lancé sous l’administration Bush et abandonné en 2010, qui prévoyait notamment d’envoyer à nouveau des astronautes sur la Lune.
[…] aller sur la Lune pour aller sur la Lune, planter un drapeau et rentrer… aucun intérêt. […] Mais posons-nous la question pour d’autres choses : toutes nos activités terrestres ont-elles toujours un but ? […] Et s’il y en a, quel est-il, que nous puissions en parler.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Explorer l’espace : oui, mais sous certaines règles
Mars One est une mission de colonisation de Mars. D’un point de vue juridique, les candidats ont-ils le droit de s’installer sur Mars, et d’en exploiter les ressources ? Le « Traité de l’espace » ou « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes », traité international ratifié en 1967, autorise l’établissement d’installations humaines sur des corps célestes à des fins pacifiques.
N’est pas interdite non plus l’utilisation de tout équipement ou installation nécessaire à l’exploration pacifique de la Lune et des autres corps célestes.
— Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes [12]
Par ailleurs, les Etats parties au traité sont responsables des activités spatiales de ses organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. Ainsi, pour exercer ses activités spatiales, Mars One devra obtenir une autorisation des Pays-Bas, qui devront les surveiller et en seront responsables. [12]
Comme le résume Jacques Arnould, dans l’espace :
On ne dit jamais “je”, on dit toujours “nous”, et on tâche d’être responsable.
— Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES [4]
Sources :
[1] Schneider, M. « La NASA commence à réfléchir aux implications de longues missions vers Mars ». La Presse Canadienne, 02/05/2007. Disponible sur : http://www.rtflash.fr/nasa-commence-reflechir-implications-longues-missions-vers-mars/article (30/04/2015).
[2] Entretien avec un ingénieur de la NASA
[3] Entretien avec Sylvestre Maurice, astronome à l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP)
[4] Entretien avec Jacques Arnould, chargé de mission pour les questions éthiques à la direction de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques au CNES.
[5] Shuchman M. « Striving for Mars: What are acceptable risks? ». Canadian Medical Association Journal, 07/01/2014, 186, E7-8. DOI : 10.1503/cmaj.109-4636. Disponible sur : http://www.cmaj.ca/content/186/1/E7.full (30/04/2015).
[6] « Mission Feasibility ». In Mars One. Interplanetary Media Group B.V. Disponible sur : http://www.mars-one.com/mission/technical-feasibility (30/04/2015).
[7] Entretien avec Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES
[8] Spudis, P.D. « An argument for human exploration of the moon and Mars. ». American Scientist, 04/1992, 80, 269-277. Disponible sur : http://www.spudislunarresources.com/Bibliography/p/39.pdf (30/04/2015).
[9] Schmidt, G.R., Landis, G.A., Oleson, S.R. « Human exploration using real-time robotic operations (HERRO) : A space exploration strategy for the 21st century ». Acta Astronautica, 11/2012, 80, 105-113. DOI : 10.1016/j.actaastro.2012.05.036.
[10] « Roadmap ». In Mars One. Interplanetary Media Group B.V. Disponible sur : http://www.mars-one.com/mission/roadmap (30/04/2015).
[11] Philae Lander. In Twitter. Twitter, Inc. 15/11/2014. Disponible sur : https://twitter.com/Philae2014 (30/04/2015).
[12] « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes », 27/01/1967. Disponible sur : http://www.delegfrance-onu-vienne.org/IMG/pdf/traite_espace.pdf?2096/b5e21c815659458f53926a00a3b981e2868db8ed (30/04/2015).