Si l’importance de la chimie du cerveau dans l’apparition de la dépression est globalement admise, la connaissance précise des causes biochimiques de la maladie n’est pas toujours considérée comme acquise.

L’approche biochimique actuelle est en effet rejetée par certains acteurs, notamment des psychologues et psychothérapeutes, qui mettent en avant la méconnaissance du fonctionnement chimique du cerveau : selon eux, les connaissances actuelles dans le domaine ne permettraient pas d’identifier clairement une molécule responsable de la dépression parmi toutes celles qui interviennent dans notre métabolisme. Par conséquent, il serait impossible de prouver que les antidépresseurs, qui agissent sur la quantité présente dans le cerveau de certaines molécules ciblées (comme par exemple la sérotonine pour les ISRS), ont un réel effet sur les causes chimiques de la dépression. Ces acteurs s’opposent donc au traitement de la dépression par la seule utilisation d’antidépresseurs, affirmant que la recherche des causes environnementales à travers une psychothérapie est le meilleur moyen de soigner cette maladie.

Il y a tellement de neurotransmetteurs qui sont impliqués dans le cerveau, pourquoi la sérotonine plus qu’un autre ? On ne sait rien de tout ça. Les connaissances sur le cerveau ne sont pas aussi avancées qu’on se l’imagine.

Ça ne veut pas dire qu’une psychothérapie est infaillible, mais si on compare les deux, la psychothérapie se compare avantageusement, si vous voulez.

~Entretien avec Yves Dalpé, psychothérapeute

Cette position est appuyée par le fait qu’aucune expérience n’ait pu, à ce jour, isoler la ou les molécule(s) responsable(s) de la dépression. Les recherches dans le domaine sont rendues difficiles non seulement par la connaissance non exhaustive du fonctionnement du cerveau, mais aussi par la complexité du diagnostic (voir à ce sujet la partie Diagnostic), qui complique les comparaisons entre différents patients.

Certaines des molécules utilisées comme antidépresseurs ont par conséquent été découvertes de manière empirique, voire par hasard : ainsi, les premiers antidépresseurs étaient au départ des antibiotiques dont les vertus antidépressives ont été constatées sur des patients.

C’est en 1957 que sont sortis les premiers antidépresseurs, et en fait, ils ont été découverts parce que dans les sanatoriums, on traitait les tuberculeux avec des antibiotiques qui, pour certains, se sont révélés avoir une action antidépressive.

~Entretien avec Marie-Dominique Dufresne, psychiatre

Pour les acteurs hostiles aux antidépresseurs, ces découvertes empiriques ne suffisent pas à justifier l’utilisation de molécules pour soigner la dépression. Mais là encore, il n’y a pas de choix exclusif et définitif en faveur d’une seule approche : les acteurs qui s’opposent à la théorie de la sérotonine ne nient pas nécessairement l’existence de causes chimiques de la dépression ; ils considèrent cependant que les antidépresseurs qu’il est possible de fabriquer aujourd’hui sont moins efficaces qu’une psychothérapie car les connaissances actuelles concernant le fonctionnement du cerveau sont insuffisantes.

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