Souvent, pour les gens, venir voir un psychiatre, c’est quelque chose de compliqué, auquel ils ont du mal à se résoudre, même encore maintenant, même s’il y a une médiatisation du travail, et… c’est peut-être moins tabou qu’avant, mais ça reste compliqué, comme démarche.
~Entretien avec Marie-Dominique Dufresne, psychiatre
- L’image du praticien :
A chaque profession sont associés des préjugés et stéréotypes. Ces derniers peuvent décourager d’éventuels patients à consulter ou bien les pousser à choisir un type de consultation plutôt qu’un autre. Nous nous plaçons dans l’hypothèse où le patient a déjà décidé de consulter – ou du moins y a été résolu, contre son gré ou non.
Les psychiatres peuvent avoir une très mauvaise image. Ayant fait de longues études de médecine et la tête pleine de critères et de grilles d’évaluation, ils peuvent nous donner l’impression que nous sommes des cas d’étude et nous faire nous sentir déshumanisés.
Il est peut-être encore plus dur pour le patient de se rendre chez un psychanalyste. Non seulement la profession n’est pas réglementée et la formation officieuse, mais l’image de la psychanalyse est de plus teintée d’a priori du fait de la controverse autour de certaines grandes théories telles que celle du complexe d’Œdipe.
Entre les psychiatres, les psychanalystes et les psychothérapeutes, ce sont probablement les psychothérapeutes qui semblent les plus faciles d’accès. Cependant, même eux sont délaissés. Pour de plus en plus de personnes, les critères de choix sont la rapidité et l’efficacité apparente ; ils ont donc plus tendance à se tourner vers les médecins généralistes propres à leur prescrire des antidépresseurs.
- Le suivi thérapeutique, un investissement en temps et en argent :
Du point de vue du patient, les psychothérapies présentent deux inconvénients majeurs par rapport à une consultation psychiatrique car elles demandent à la fois un grand investissement en temps et en argent.
Lorsque quelqu’un se résout à aller chez un psychothérapeute ou chez un psychanalyste, il se doute bien qu’il ne s’engage pas pour une seule séance et que la psychothérapie requiert un véritable suivi dans le temps. Non seulement cela requiert un véritable effort, voire un sacrifice, au niveau de son emploi du temps, mais cela implique aussi, consciemment ou non, un véritable engagement de la part du patient, engagement pouvant parfois être difficile à accepter.
Enfin, l’investissement exigé par une psychothérapie a aussi une dimension financière non négligeable. Si, contrairement à la psychanalyse, la psychothérapie est maintenant réglementée, elle n’est toujours pas remboursée par la sécurité sociale. Chaque séance coûte environ 40 euros, ce qui n’est pas négligeable et encore moins sur le long terme.
La France est le seul pays au monde où l’usage des benzodiazépines est stable. Partout ailleurs, il s’est effondré ! Une campagne sans donner les moyens d’accès aux techniques alternatives, ça ne peut pas marcher. Le noeud du problème, c’est le non remboursement des psychothérapies chez les psychologues. Si un centime d’euro est remboursé, les mutuelles embrayeront. Le Directeur général de l’organisation des soins est complètement d’accord mais il dit «c’est la Sécu, ce n’est pas nous ».
~Dr. Patrick Lemoine, psychiatre. Extrait de l’article « Il faut sortir de cette civilisation pilule à tout va », Le Progrès (Lyon), 6 mai 2014