Alors maintenant que c’est signé, il faut ratifier !
Dans les années 2000, les défenseurs de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires [1] tentent de se faire entendre.
De nombreux amendements, proposés par divers députés comme Paul Molac, Jean-Jacques Urvoas ou encore Annie Le Houérou, et visant à inscrire les langues régionales dans la Constitution de 1958 [2] et à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ont été refusés. On peut notamment citer les amendements sur la loi constitutionnelle n°3381 (février 2016) sur la protection de la nation :
- l’amendement 86 visant à insérer un article 53-3 :
«Art. 53-3.– La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992, complétée par la déclaration interprétative annoncée le 7 mai 1999 au moment de la signature, est autorisée.»[3] |
- l’amendement 140 visant, lui aussi, à insérer un article 53-3 :
«Art. 53-3. – La République peut ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires adoptée à Strasbourg le 5 novembre 1992, signée le 7 mai 1999, complétée par la déclaration interprétative exposant que : – l’emploi du terme de « groupes » de locuteurs dans la partie II de la charte ne conférant pas de droits collectifs pour les locuteurs des langues régionales ou minoritaires, le Gouvernement de la République interprète la charte dans un sens compatible avec la Constitution, qui assure l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ; – le d du 1 de l’article 7 et les articles 9 et 10 de la charte posent un principe général n’allant pas à l’encontre de l’article 2 de la Constitution, en application duquel l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public, ainsi qu’aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.»[4] |
- l’amendement 142 visant à modifier l’article 2 en ajoutant :
«, dans le respect des langues régionales de la France.»[5] |
Des lois constitutionnelles ont également été proposées (quatre entre 2013 et 2014) qui sont toutes en commission : proposition de lois constitutionnelles n°1508 [6], 1638 [7], 1656 [8] et 1675 [9]. La proposition de loi constitutionnelle n°1618 [10] a été adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale mais rejetée par le Sénat en 2015.
La multitude de ces propositions s’explique de manière très simple : la reconnaissance juridique est le seul moyen, en France, de légitimer un combat, une cause. Les députés engagés pour les langues régionales ne s’y sont pas trompés et le Conseil économique et social de l’ONU non plus. Celui-ci a également encouragé la France à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en 2008. Les langues régionales françaises sont d’ailleurs inscrites au patrimoine immatériel de l’UNESCO [11], créé en 2003.
La seule avancée notable pour la reconnaissance des langues régionales en France est leur inscription, en 2008, dans l’article 75-1 de la Constitution [2] :
«Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.» |
Toutefois, cette révision constitutionnelle n’a pas engendré de retombées notables sur leur place dans l’espace public français. Elles semblent faire encore aujourd’hui très peu l’objet d’articles publiés dans les quotidiens nationaux mais constituent – bien entendu – un des thèmes prédominants dans les publications locales. La presse nationale ne semble s’intéresser qu’à l’aspect politique et juridique des langues régionales comme nous verrons dans la partie Quelle place dans l’espace public ?.
On n’a toujours pas pu signer. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Allons voir plus en détail ce qui se passe réellement sur le terrain pour comprendre ce qui bloque !
[1] Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, 1992
[2] Constitution française, 1958
[3] Amendement n°86 sur la loi constitutionnelle n°3381, 2016
[4] Amendement n°140 sur la loi constitutionnelle n°3381, 2016
[5] Amendement n°142 sur la loi constitutionnelle n°3381, 2016
[6] N° 1508 PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE tendant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaire, 2013
[7] N° 1638 PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE tendant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, 2013
[8] N° 1656 Permettre l’inscription de la Charte européenne des langues régionales dans la Constitution, 2013
[9] N° 1675 – Proposition de loi Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, 2014
[10] Proposition de loi constitutionnelle n°1618, 2013
[11] Texte de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel – patrimoine immatériel – Secteur de la culture, 2003