Si la reconnaissance officielle des langues régionales en tant que telles est un sujet très controversé en France, la question de la sauvegarde du patrimoine qu’elles représentent semble avoir obtenu un écho plus favorable auprès de l’ensemble des acteurs impliqués.
En effet, alors que la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires paraît compromise, le 22 mai 2008, la Constitution française a été complétée par un amendement stipulant que
«les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.» |
Nombre de parlementaires se sont alors réjouis de la signature, presque à l’unanimité, de cet amendement [1]. Mais peut-on dire que cette apparente avancée s’est accompagnée de progrès significatifs au niveau de la promotion des langues régionales ?
La réponse à cette question, selon un point de vue juridique, est non : l’amendement ne garantit aucun droit aux locuteurs des langues régionales. Il s’agirait simplement de marquer l’attachement de la France à ses langues régionales [2]. Mais, selon Paul Molac, cette mesure a quand même eu des retombées positives :
«Cette mention reconnaît l’existence des langues régionales dans le droit, ce n’était pas le cas avant la révision constitutionnelle de 2008. [Nous pouvons maintenant] nous appuyer sur cette mention pour faire une loi sur les langues régionales.» [3] |
Toutefois, pour des acteurs au niveau local comme pour des institutions internationales, cela ne suffit pas : en juin 2016, le Conseil économique et social des Nations Unies a déploré l’absence de tout droit accordé aux locuteurs des langues régionales. Il a aussi recommandé de prendre des mesures pour que l’usage de ces langues soit, dans une certaine mesure, possible dans la vie publique [4] .
Or, en l’absence de tout droit de ce type, la sauvegarde du patrimoine linguistique français ne peut être assurée, comme disait Paul Molac :
« Vous ne pouvez sauver une langue qu’à partir du moment où les gens la parlent» [5] |
Et la langue n’est pas le seul élément de ce patrimoine à être menacé, loin de là : la littérature – notamment en ce qui concerne les légendes et contes –, la musique, la gastronomie, l’habillement, les fêtes traditionnelles en font aussi partie.
Et tous ces éléments n’appartiennent pas qu’à un folklore, un peu artificiel, uniformisé seulement au cours du XXème siècle pour promouvoir le tourisme de la région [6] . Ils font bien partie du présent et participent activement au rayonnement international de la France : Frédéric Mistral, écrivain de langue d’oc, a reçu le prix Nobel de littérature en 1904 pour ses écrits dans cette langue. Plus récemment, des recueils du poète breton Yann-Ber Piriou ont été traduits en différentes langues, notamment en anglais.
On voit donc bien, ici, l’importance de la protection de ce patrimoine. Ce dernier peut être un atout économique pour les régions – et donc, a fortiori, pour l’État français – [7], mais il participe aussi et surtout au rayonnement de la France à l’international. La promotion de ce patrimoine à travers les média et l’éducation, ainsi qu’en œuvrant pour la mise en place d’un cadre juridique favorable, semble donc nécessaire pour assurer sa survie, et même pour lui garantir une certaine vitalité.
C’est sur cette note positive que s’achève notre petit tour d’horizon des langues régionales. La page suivante va retracer rapidement la route que nous avons parcourue et les principales idées à retenir pour être incollable sur les langues régionales !
[1] Les langues régionales inscrites dans la Constitution, le Figaro, 22/05/2008
[2] MORAN, Les langues régionales, un patrimoine mais pas un droit, l’Humanité, 25/05/2011
[3] , [5] Entretien avec Paul Molac, 11/04/2017
[4] Grosbon S, Observations finales du CODESC sur le 4ème rapport périodique de la France : Morceaux choisis, 13/07/2016
[6], [7] BROMBERGER, MEYER , « Cultures régionales en débat », Ethnologie française, 2003/3 (Vol. 33), p. 357-361. DOI : 10.3917/ethn.033.0357.