Un pilotage très instable

L’instabilité du pilotage : un frein à la politique d’éducation prioritaire ?

Aujourd’hui, les pouvoirs se répartissent de la manière suivante :

Mais en réalité, ce « pilotage » a connu de nombreuses évolutions depuis la création des ZEP.

Mise en place des ZEP et politique de décentralisation

Alain Savary créé officiellement les Zones d’Éducation Prioritaire le 3 juin 1981. La circulaire de juillet de la même année acte la mise en place des premières ZEP à la rentrée : 11 625 emplois sont créés. Une autre, publiée en décembre vise à préciser l’identification de ces zones et introduit pour la première fois la notion de “pilotage”. Un premier groupe de pilotage ministériel de la politique ZEP est créé mais ne durera pas étant donné son absence de lien avec les inspections générales. Son travail permettra néanmoins de resserrer le dispositif en passant de près de 700 à 363 ZEP.

En 1984, un “Guide des équipes de zones prioritaires pour l’évaluation régulatrice de leur action” est réalisé par un second groupe de travail national présidé par l’inspecteur général Charles Toussaint. Censé aider les acteurs de terrain à trouver des pistes pour évaluer leurs actions, il ne sera cependant que peu distribué. La même année, une note de service marque le fait que cette politique s’inscrit dans un contexte de décentralisation : « La politique  vise à conférer une plus grande responsabilité aux établissements scolaires et à développer en leur sein la concertation entre les différents partenaires de l’action éducative.» (MEN, 1984b, p. II). Alain Savary était un grand défenseur de la décentralisation et de la déconcentration. Durant un entretien en 1984, il explique que les vrais acteurs de cette politique se trouvent dans les établissements scolaires. Une démocratisation du système éducatif passe selon lui par une autonomie accrue de ces établissements et des projets qu’ils doivent élaborer. Cette vision a fait que le classement en ZEP est resté à l’initiative des recteurs durant son mandat mais aussi jusqu’en 2006. Ainsi, une liberté importante a été laissée aux académies pour pouvoir considérer les spécificités locales difficiles à voir à l’échelle nationale et encourager des projets concrets à cette échelle en partenariat avec des acteurs volontaires. Il a par exemple fallu attendre août 1991 pour disposer d’un premier annuaire national des zones d’éducation prioritaires, à l’occasion de la mise en place de l’indemnité de sujétions spéciales.

Les ZEP entre silence et relance : une fatalité ?

Ce choix de mettre en valeur l’aspect local de la politique ZEP a permis de faire face aux périodes de “silence relatif” au niveau national, ce qui a en partie été le cas entre 1984 et 1990. En effet, en particulier sous le ministère de R. Monory (1986-1988), l’éducation prioritaire est mise en arrière-plan : le ministre de l’Éducation nationale n’en fait pas allusion dans la sphère publique, et aucun texte national n’est produit pour en évaluer la validité ou en orienter le fonctionnement. Ce silence a pu être interprété par les acteurs de terrain comme un désaveu des ZEP par la sphère politique.

L’année 1990 marque la première relance nationale de la politique d’éducation prioritaire. La circulaire de Février établit le rôle des acteurs des ZEP : les postes de responsable et de coordonnateur de ZEP font alors leur apparition avec pour but de servir d’interface entre tous les partenaires du réseau. Elle marque aussi la création de l’indemnité de sujétion spéciale. Ainsi, la période 1990-1993 est rythmée par une réflexion sur la carte des ZEP et une volonté d’améliorer le fonctionnement interne des ZEP ainsi que de mettre en place une évaluation de ces dernières.

Cependant, étant prise au jeu des cycles politiques, la politique ZEP fait encore face à un période de silence pendant le mandat de François Bayrou (1994-1997).

Ainsi, si durant les vingt premières années de la politique d’éducation prioritaire, les période de silence ont souvent coïncidé avec des gouvernements de “droite”, les changements de majorité ont permis aux gouvernements de gauche de présenter des “relances” (la deuxième en 1997).

Années 2000, enfin une continuité ?

Les années 2000 marquent un tournant dans ces cycles silence-relance, étant donnée que la droite prend progressivement à son compte l’éducation prioritaire. La première circulaire d’un gouvernement de droite au sujet de l’éducation prioritaire voit le jour en 2003. En 2005, en parallèle des émeutes urbaines,  c’est Gilles de Robien qui annonce une troisième relance de l’éducation prioritaire. Les Réseaux ambition réussite (RAR) sont alors créés, chacun étant constitué d’un collège et de plusieurs écoles travaillant en réseau et possèdant un pilotage local. C’est ensuite Luc Chatel, ministre sous Sarkozy, qui les transforme en « Écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite » (Éclair). Même si des critiques demeurent sur les modalités de la mise en place de la politique d’éducation prioritaire entre approche territoriale et individuelle, les gouvernements qui se succèdent accordent sensiblement plus d’importance et de continuité à l’éducation prioritaire.

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